LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 23-81.551 F-D
N° 00004
ECF
9 JANVIER 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 JANVIER 2024
M. [V] [R], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 2022, qui, dans la procédure suivie contre M. [F] [D] du chef de dénonciation calomnieuse, a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de Me Soltner, avocat de M. [V] [R], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre présent au prononcé,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [F] [D] a déposé plainte contre M. [V] [R], lui reprochant des violences volontaires aggravées et des menaces de mort dans l'exercice de ses fonctions de contrôleur d'une caisse d'allocations familiales.
3. Après le classement sans suite de cette plainte, M. [R] a fait citer M. [D] devant le tribunal correctionnel pour dénonciation calomnieuse.
4. Par jugement du 25 février 2021, cette juridiction a relaxé M. [D], a déclaré M. [R] recevable en sa constitution de partie civile et l'a débouté de ses demandes.
5. M. [R] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [R] à payer à M. [D] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale, alors « que si la partie civile peut être condamnée à des dommages-intérêts envers le prévenu relaxé pour abus de constitution de partie civile, c'est à la condition qu'il soit constaté par les juges du fond que ladite partie civile a agi de mauvaise foi ou témérairement ; qu'une telle faute ne peut se déduire du seul fait que l'infraction objet de sa plainte n'a pu être caractérisée ; qu'en l'espèce, pour condamner M. [R] à des dommages intérêts pour abus de constitution de partie civile, la cour d'appel s'est contentée de faire état des « circonstances de l'action civile de M. [R] » ; qu'en fondant la condamnation de ce dernier sur ce seul motif, sans caractériser la faute qu'il aurait commise dans l'exercice de son droit de mettre en mouvement l'action publique, ainsi que le préjudice qui en serait résulté pour M. [D], la cour d'appel a violé les articles 472 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 472 et 593 du code de procédure pénale :
8. Selon le premier de ces textes, la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique ne peut être condamnée à des dommages et intérêts que s'il est constaté qu'elle a agi de mauvaise foi ou témérairement.
9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour condamner M. [R] à payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale à M. [D], l'arrêt attaqué énonce que, compte tenu des circonstances de l'action civile, éclairées par une décision du tribunal administratif, il convient de considérer que l'abus de constitution de partie civile est établi.
11. En se déterminant ainsi, sans mieux rechercher si la partie civile avait agi de mauvaise foi ou avec témérité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la condamnation de M. [R] à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros en application de l'article 472 du code de procédure pénale. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 4 novembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la condamnation de M. [R] à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 472 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à l'application demandée de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-quatre,
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.