LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 décembre 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 800 F-D
Pourvoi n° H 22-12.744
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 DÉCEMBRE 2023
La société Inter-rives [Localité 3], société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-12.744 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant à la Société d'assurances mutuelles Bretagne Océan (SAMBO), société mutualiste, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Inter-rives [Localité 3], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société d'assurances mutuelles Bretagne Océan (SAMBO), après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 novembre 2021), le bateau La gondole, assuré auprès de la Société d'assurances mutuelles Bretagne Océan - SAMBO (l'assureur), ayant subi un sinistre, son exploitant, la société Inter-rives [Localité 3], a assigné cette dernière en indemnisation de son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
2. La société Inter-rives [Localité 3] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 87 247,77 euros au titre des réparations du bateau La gondole et du préjudice financier, alors « que la faute intentionnelle implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu ; qu'en affirmant de façon péremptoire que les fautes imputées à la société Inter-rives "doivent être qualifiées d'intentionnelles", sans caractériser de la part du capitaine du bateau, M. [O], et du matelot en formation pour passer son permis et être en capacité de conduire un bateau, M. [S], tous deux préposés de la société Inter-rives, une quelconque volonté d'agir en méconnaissance des dispositions réglementaires avec la volonté de provoquer l'accident, la cour d'appel qui n'a pas constaté une volonté de provoquer le dommage caractéristique de la faute intentionnelle, a violé l'article L. 172-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 172-13 du code des assurances :
3. La faute intentionnelle implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu.
4. Il en résulte que, pour dénier sa garantie en se fondant sur une clause d'exclusion visant les dommages causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré, l'assureur doit prouver que l'assuré a eu la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu.
5. Pour exclure la garantie de l'assureur, après avoir relevé que lorsque l'accident s'est produit, M. [S], matelot, se trouvait à la barre du bateau, qu'il suivait la formation pratique pour obtenir le certificat de capacité à bord du bateau et qu'il devait être sous la surveillance de M. [O], capitaine de l'embarcation et titulaire d'un certificat de capacité à conduire les bateaux, l'arrêt retient que le livret de formation, que M. [S] devait avoir en sa possession le jour du sinistre, a été délivré tardivement et rempli de manière rétroactive dans des conditions suspectes et peu apparentes, cette circonstance créant un doute sur la capacité de M. [S] à conduire un bateau pour en déduire que la situation de ce dernier n'était pas en conformité avec les obligations réglementaires en vigueur. Il ajoute que, dans l'hypothèse où M. [S] pouvait conduire un bateau, la société Inter-rives [Localité 3] ne justifie pas qu'il était sous la surveillance de M. [O] lors de sa manoeuvre ou que ce dernier l'assistait dans des conditions prévues à l'article 10-1 du décret du 23 juillet 1991, M. [S] ayant, dans un premier temps, indiqué que M. [O] était à plusieurs mètres de lui dans l'espace dévolu aux passagers pour, ensuite, ne plus pouvoir préciser sa position. Il en déduit que ces fautes, qui doivent être qualifiées d'intentionnelles, justifient l'exclusion de garantie telle que prévue à l'article 3 du contrat d'assurance.
6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté de la société Inter-rives [Localité 3] de créer le dommage tel qu'il est survenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Inter-rives [Localité 3] en paiement de la somme de 87 247,77 euros au titre des réparations du bateau La gondole et du préjudice financier qui en est découlé à l'encontre de la Société d'assurances mutuelles Bretagne Océan - SAMBO et statue sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de [Localité 3] ;
Condamne la Société d'assurances mutuelles Bretagne Océan - SAMBO aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'assurances mutuelles Bretagne Océan - SAMBO et la condamne à payer à la société Inter-rives [Localité 3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois.