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06/12/2023 | FRANCE | N°52302145

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 décembre 2023, 52302145


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 6 décembre 2023








Rejet




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 2145 F-D


Pourvoi n° R 22-16.455








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023


La société Batisone, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 22-16.455 contre l'arrêt...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 décembre 2023

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2145 F-D

Pourvoi n° R 22-16.455

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023

La société Batisone, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 22-16.455 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [B] [T], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Batisone, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 mars 2022), M. [B] [T] a été engagé, en qualité de conducteur de travaux, le 3 novembre 2003 par la société Batisone.

2. Contestant son licenciement, prononcé pour faute grave le 20 janvier 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses cinquième à septième branches, et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première à quatrième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt d'ordonner le rejet des débats de la pièce n° 3, en conséquence, de dire que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que si l'employeur ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle de l'activité professionnelle qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés, il peut leur opposer les preuves recueillies par les systèmes de surveillance des locaux dans lesquels ils ne sont pas affectés sur un poste de travail déterminé et dont l'objet n'est pas d'assurer le contrôle des salariés dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'en l'espèce, il était constant d'une part, que n'était en cause qu'un simple entrepôt comportant les cuves de gasoil, des véhicules et des rangements et ce faisant, aucun poste de travail déterminé, d'autre part, que l'orientation des caméras n'avait pas d'autre objet que de filmer la zone de l'entrepôt permettant l'accès aux cuves de gasoil et non pas l'intérieur de l'entrepôt, enfin, que l'installation de ce système de vidéosurveillance avait seulement eu pour objet d'identifier des auteurs de vol, de sorte que la société Batisone n'était pas tenue d'informer préalablement ses salariés de ce système de vidéosurveillance qui n'avait pas pour objet de contrôler l'activité des salariés affectés à un poste de travail déterminé ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-4 du code du travail ;

2°/ que, si l'employeur ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle de l'activité professionnelle qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés, il peut leur opposer les preuves recueillies par les systèmes de surveillance des locaux dans lesquels ils ne sont pas affectés sur un poste de travail déterminé et dont l'objet n'est pas d'assurer le contrôle des salariés dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'en se bornant, pour dire que la société Batisone aurait dû informer les salariés préalablement à la mise en place de la vidéosurveillance, que la vidéosurveillance, installée dans un but d'identification des auteurs de vol, permettait également de visualiser l'activité des salariés sur leur lieu de travail s'agissant d'une zone permettant l'accès des salariés au matériel et aux véhicules de l'entreprise, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à caractériser que le système de vidéosurveillance avait été utilisé pour contrôler l'activité des salariés affectés à un poste déterminé, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-4 du code du travail ;

3°/ que des soupçons raisonnables de vol commis par un salarié sont de nature à justifier l'installation d'un dispositif de vidéosurveillance sans que les salariés en soient informés ; qu'en se bornant à affirmer que la société Batisone avait l'obligation d'informer les salariés de la mise en place d'un dispositif de surveillance, sans rechercher si la circonstance que celui-ci avait été mis en place afin d'identifier des auteurs de vol de gasoil dont la réalité avait été établie au vu des différences sur les relevés de consommation, n'était pas de nature à justifier l'absence d'information préalable des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-4 du code du travail, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu'il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi ; qu'en conséquence, l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l'utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ; qu'en se bornant à affirmer que le moyen de preuve tiré des enregistrements vidéo était illicite sans rechercher si cette pièce, qui était la seule à même de pouvoir établir la réalité des vols commis par le salarié n'était pas indispensable à l'exercice, par la société Batisone, de son droit à la preuve, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. D'abord, il résulte des articles L. 1222-4 et L. 2312-38 du code du travail que si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n'a pas fait l'objet préalablement à son introduction d'une information des salariés et du comité social et économique.

6. Ensuite, il appartient à la partie qui produit une preuve illicite de soutenir, en substance, que son irrecevabilité porterait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.

7. La cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que le système de vidéosurveillance installé dans le hangar de l'entreprise, destiné selon la déclaration faite auprès de la CNIL le 15 novembre 2016 à la protection des biens et l'identification des auteurs de vols et dégradations, permettait également de contrôler et de surveiller l'activité des salariés pénétrant dans cette zone pendant l'exécution de leur travail, s'agissant d'une zone permettant l'accès des salariés au matériel et aux véhicules de l'entreprise, de sorte que l'employeur avait l'obligation d'informer les salariés de la mise en place de ce dispositif.

8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches invoquées par les troisième et quatrième branches, lesquelles ne lui étaient pas demandées, a pu déduire que le moyen de preuve tiré des enregistrements provenant du dispositif de vidéosurveillance, avait été obtenu de manière illicite, faute d'information préalable des salariés et était dès lors irrecevable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en qu'il a dit que le licenciement notifié par la société Batisone au salarié le 20 janvier 2017 était sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à lui payer les sommes de 12 498,75 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, de 50 757,17 euros au titre de l'indemnité de licenciement et de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. »

Réponse de la Cour

11. Le rejet du premier moyen rend sans portée la première branche du second.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Batisone aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la la demande formée par la société Batisone ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52302145
Date de la décision : 06/12/2023
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 17 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 déc. 2023, pourvoi n°52302145


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:52302145
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