LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 novembre 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 782 F-D
Pourvoi n° Z 22-19.016
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2023
Mme [V] [L], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 22-19.016 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2022 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant à la commune d'[Localité 3], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [L], de la SCP Spinosi, avocat de la commune d'[Localité 3], après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 18 mai 2022), le 1er juin 2016, la commune d'[Localité 3] a donné à bail rural, incluant des clauses environnementales, à Mme [L] des parcelles en vue d'une culture d'immortelles et de l'exploitation d'une oliveraie.
2. Le 13 juin 2019, invoquant le non-respect par Mme [L] de ses obligations contractuelles, la commune d'[Localité 3] a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses quatrième à neuvième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches
Enoncé du moyen
4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de résilier le bail rural et d'ordonner, sous astreinte, son expulsion, alors :
« 1°/ que la résiliation du bail à ferme contenant des clauses environnementales ne peut être prononcée que si sont caractérisés des manquements du preneur aux obligations ou interdictions résultant de ces clauses ; que le bail à ferme consenti par la commune d'[Localité 3] à Mme [L] stipulait que la preneuse devrait développer une culture d'immortelles et exploiter une oliveraie et l'obligeait, à titre de clauses environnementales, à créer des surfaces en herbe au niveau de l'oliveraie et à ''ouvrir'' l'ensemble des parcelles actuellement embroussaillé ou menacées par l'embroussaillement ; que pour prononcer la résiliation du bail, la cour d'appel a retenu que Mme [L] avait procédé à un gyrobroyage d'une partie des parcelles louées, qui s'apparentait à un ''défrichement''ou à un ''déboisement'', ce qui constituait un ''non-respect de la condition environnementale du bail'' de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; qu'en statuant de la sorte, quand le débroussaillage avec enlèvement de carcasses de voitures auquel Mme [M] procédé sur une surface limitée d'un demi hectare sur les 28 ha 50 du bail, était parfaitement conforme aux clauses environnementales, constituait une opération préparatoire aux plantations et exploitation d'immortelles et d'oliviers prévues par le bail et ne revêtait aucun caractère fautif, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le non respect des clauses environnementales, a violé les articles L. 411-27 et L. 411-31 3° du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que la résiliation du bail à ferme contenant des clauses environnementales ne peut être prononcée que si sont caractérisés des manquements fautifs du preneur aux obligations ou interdictions résultant de ces clauses ; que le bail à ferme consenti par la commune d'[Localité 3] à Mme [L] stipulait que la preneuse devrait développer une culture d'immortelles et exploiter une oliveraie et l'obligeait, à titre de clauses environnementales, à créer des surfaces en herbe au niveau de l'oliveraie et à ''ouvrir'' l'ensemble des parcelles actuellement embroussaillé ou menacées par l'embroussaillement, tandis qu'elles lui interdisaient de couper des arbres typiques conférant au site son aspect paysager caractéristique ; que pour prononcer la résiliation du bail, la cour d'appel a retenu que Mme [L] avait procédé à un gyrobroyage d'une partie des parcelles louées, qui s'apparentait à un ''défrichement'' ou à un ''déboisement'', ce qui constituait un ''non respect de la condition environnementale du bail'' de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; qu'en statuant de la sorte, sans relever aucune coupe d'arbre typique, seule interdite par une clause environnementale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-27 et L. 411-31 3° du code rural et de la pêche maritime ;
3°/ que la résiliation du bail à ferme ne peut être prononcée qu'en cas d'agissements fautifs du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; que le bail à ferme consenti par la commune d'[Localité 3] à Mme [L] stipulait que la preneuse devrait développer une culture d'immortelles et exploiter une oliveraie et l'obligeait, à titre de clauses environnementales, à créer des surfaces en herbe au niveau de l'oliveraie et à ''ouvrir'' l'ensemble des parcelles actuellement embroussaillé ou menacées par l'embroussaillement ; que pour prononcer la résiliation du bail, la cour d'appel a encore retenu que Mme [L] ne justifiait pas exploiter les parcelles, ne produisant aucune preuve de plantation et récolte d'immortelle ni d'olives ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si le débroussaillage auquel Mme [L] avait procédé, nécessité par l'état impénétrable et encombré du maquis présent sur les parcelles, état dont elle justifiait par des procès verbaux de constat d'état des lieux, ne constituait pas un travail préparatoire indispensable aux plantations prévues, et relevait ainsi de l'exploitation du fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime et 1766 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 411-27, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime, des clauses visant au respect par le preneur de pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l'air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l'érosion, y compris des obligations de maintien d'un taux minimal d'infrastructures écologiques, peuvent être incluses dans les baux lorsque le bailleur est notamment une personne morale de droit public.
6. Selon l'article L. 411-31, I, 3°, de ce code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie du non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27, sauf cas de force majeure ou raisons sérieuses et légitimes.
7. Ayant relevé que le bail prévoyait l'obligation d'ouvrir les parcelles embroussaillées ou menacées de l'être et de les maintenir débroussaillées, de ne pratiquer ni l'écobuage ni le brûlage dirigé et de ne pas couper d'arbres typiques conférant au site son aspect paysager caractéristique sans le consentement de la bailleresse, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, retenu que le moyen, en ses deux premières branches, ne tend qu'à remettre en cause, le constat du conservatoire des espaces naturels portant sur les parcelles n° CR [Cadastre 1] et CP [Cadastre 2] faisait état d'un gyrobroyage destructeur d'espèces et d'habitats d'espèces protégées, que le rapport de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement relevait un déboisement de ces mêmes parcelles et qu'une réunion du 8 avril 2019 avait mis en évidence que les travaux réalisés par Mme [L] n'étaient pas ceux limitativement prévus par les conditions environnementales du bail, puisque l'utilisation d'un gyrobroyeur et d'un bouteur chenillé muni d'une lame avait entraîné la formation d'andains nécessitant une élimination par brûlage, dommageable pour l'habitat de la tortue d'Hermann, et que la lame et le poids de l'engin chenillé avaient porté atteinte à un certain nombre d'individus de cette espèce.
8. Abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche relatifs à l'absence de preuve de l'exploitation du fonds de nature à justifier la résiliation du bail sur le fondement, distinct, de l'article L. 411-31, I, 2°, du code rural et de la pêche maritime, elle a pu en déduire que les pratiques de Mme [L], en contradiction avec les clauses environnementales du bail justifiaient sa résiliation.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à la commune d'[Localité 3] la somme de 3 000 euros. ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-trois.