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29/11/2023 | FRANCE | N°52302111

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 52302111


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


HP






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 novembre 2023








Cassation sans renvoi




M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président






Arrêt n° 2111 F-D


Pourvoi n° U 22-16.113


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [R].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près l

a Cour de cassation
en date du 13 janvier 2022.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 novembre 2023

Cassation sans renvoi

M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 2111 F-D

Pourvoi n° U 22-16.113

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [R].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 janvier 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

Mme [V] [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 22-16.113 contre l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Ambulances du Noyonnais, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Ambulances du Noyonnais a formé un pourvoi incident contre les arrêts rendus les 13 décembre 2018, 19 décembre 2019 et 17 février 2021 par la cour d'appel d'Amiens.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme [R], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Ambulances du Noyonnais, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Amiens, 13 décembre 2018, 19 décembre 2019 et 17 février 2021), Mme [R] a été engagée en qualité de chauffeur BNS, taxi, petite remise et transport sanitaire, le 1er mars 2000, par la société Ambulances du Noyonnais, pour une durée de deux ans. Le 1er mars 2002, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée pour un emploi de chauffeur ambulancier référence A.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 12 novembre 2015, à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

3. Le 5 juillet 2016, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

4. Le conseil de prud'hommes de Compiègne a rendu son jugement le 4 septembre 2017.

5. Le 25 septembre 2017, la salariée a interjeté appel.

6. Par ordonnance du 27 juin 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception de caducité de la déclaration d'appel. Par arrêt du 13 décembre 2018, la cour d'appel d'Amiens, statuant sur déféré, a confirmé cette ordonnance.

7. Par ordonnance du 3 septembre 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la salariée, portant sur les conclusions transmises par l'employeur le 13 mars 2019. Par arrêt du 19 décembre 2019, la cour d'appel d'Amiens, statuant sur déféré, a infirmé partiellement cette ordonnance et déclaré irrecevables les conclusions de l'employeur transmises le 13 mars 2019.

8. La cour d'appel d'Amiens a rendu son arrêt au fond le 17 février 2021.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa première branche, qui est préalable

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt du 13 décembre 2018 de confirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 27 juin 2018 ayant dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel, alors « que la notification de conclusions à un avocat qui n'a pas été préalablement constitué dans l'instance d'appel est entachée d'une irrégularité de fond même en l'absence de grief et se trouve donc privée de tout effet ; qu'en l'espèce, pour écarter la demande de caducité de la déclaration d'appel formée par la société Ambulances du Noyonnais, la cour d'appel a constaté que confronté à un dysfonctionnement majeur du RPVA et dans l'impossibilité de savoir si une constitution était intervenue, l'appelante avait notifié, dans le délai de l'article 911 du code de procédure civile, ses écritures au seul avocat intervenu pour l'employeur devant le conseil de prud'hommes qui s'avérait être l'avocat plaidant mais non postulant en appel ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'il ressortait de ses constatations que l'appelante n'avait, dans le délai légalement prévu, notifié ses conclusions qu'à un avocat non constitué dans l'instance d'appel, ce qui constituait une irrégularité de fond viciant l'appel interjeté, même en l'absence de grief, la cour d'appel a violé les articles 908, 911 et 960 du code de procédure civile, les premiers dans leur rédaction modifiée par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et le dernier dans sa version modifiée par le décret n° 2012-634 du 3 mai 2012. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 908 et 911 du code de procédure civile :

10. Aux termes du premier de ces textes, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

11. Selon le second, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

12. Il résulte de ces textes que la notification de conclusions à un avocat qui
n'a pas été préalablement constitué dans l'instance d'appel est entachée d'une irrégularité de fond et ne répond pas à l'objectif légitime poursuivi par le texte, qui n'est pas seulement d'imposer à l'appelant de conclure avec célérité, mais aussi de garantir l'efficacité de la procédure et les droits de la défense, en mettant l'intimé en mesure de disposer de la totalité du temps imparti par l'article 909 du code de procédure civile pour conclure à son tour.

13. Pour rejeter l'exception de caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt constate d'abord que le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) a été affecté d'un dysfonctionnement entre le 21 novembre 2017 et le mois de décembre 2017.

14. Il retient ensuite que la transmission par le conseil de la salariée de ses conclusions d'appelante par courriel du 17 novembre 2017 est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article 671 du code de procédure civile, mais que l'irrégularité en étant résultée est soumise à la preuve d'un grief dont l'existence et la nature ne sont pas justifiées par l'employeur intimé.

15. Il ajoute que la circonstance que les conclusions d'appelante aient été transmises par le conseil de la salariée non à un avocat postulant du ressort de la cour d'appel, mais à l'avocat plaidant de l'employeur, ne peut utilement être invoquée par l'employeur intimé, dès lors, d'une part, que le dysfonctionnement du RPVA a empêché de façon dirimante le conseil de la salariée d'avoir connaissance de la constitution d'avocat de l'intimé effectuée par celle-ci sur le RPVA, et, d'autre part, que, dans l'impossibilité de savoir si une telle constitution était intervenue ou non, le conseil de la salariée ne pouvait que communiquer ses conclusions au seul avocat de l'employeur identifié procéduralement par tous comme étant la SCP Perray Josse, qui était intervenue pour l'employeur devant le conseil de prud'hommes de Compiègne.

16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée appelante n'avait notifié ses conclusions dans le délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile qu'à l'avocat, non constitué, qui avait assisté l'employeur intimé en première instance et qu'en l'état d'une ignorance sur une constitution de l'employeur, la salariée aurait dû, dans le délai susvisé, procéder à la signification de ses conclusions d'appelante directement à l'employeur intimé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur les deuxième moyen et troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, réunis

Enoncé du moyen

17. Par son deuxième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt du 19 décembre 2019 de déclarer irrecevables ses conclusions transmises le 13 mars 2019, alors « que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens en date du 13 décembre 2018 en ce qu'il a confirmé l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 27 juin 2018 ayant dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel interjetée le 25 septembre 2017 par Mme [R] du jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne du 4 septembre 2017 entraîne de plein droit l'annulation de l'arrêt du 19 décembre 2019, qui en est la suite, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

18. Par son troisième moyen, il fait grief à l'arrêt du 17 février 2021 de déclarer irrecevables ses conclusions transmises le 9 septembre 2019 ainsi que sa pièce communiquée sous le numéro 45 qu'elle a écartée des débats, de confirmer partiellement le jugement du 4 septembre 2017, de déclarer recevables les demandes formées par la salariée au titre des heures supplémentaires, des dommages-intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires, des contreparties obligatoires en repos et congés payés afférents, de le condamner à verser à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de contreparties obligatoires en repos pour les années 2012 et 2013, outre congés payés afférents, de complément d'indemnité spéciale de licenciement, de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, de lui ordonner la remise d'un bulletin de salaire conforme, de le condamner à verser une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, de rejeter les demandes plus amples ou contraires et de le condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors « que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens en date du 13 décembre 2018 en ce qu'il a confirmé l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 27 juin 2018 ayant dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel interjetée le 25 septembre 2017 par Mme [R] du jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne du 4 septembre 2017 entraîne de plein droit l'annulation, en toutes ses dispositions, de l'arrêt du 21 février 2021 qui en est la suite, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625 du code de procédure civile :

19. La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi incident entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des arrêts rendus, sur déféré, le 19 décembre 2019 et, au fond, le 17 février 2021, qui sont la suite de l'arrêt rendu le 13 décembre 2018.

Portée et conséquences de la cassation

20. Tel que suggéré par l'employeur, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

21. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la
Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 13 décembre 2018, 19 décembre 2019 et 17 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Constate la caducité de la déclaration d'appel de Mme [R] ;

Condamne Mme [R] aux dépens devant la Cour de cassation et les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52302111
Date de la décision : 29/11/2023
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 17 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 nov. 2023, pourvoi n°52302111


Composition du Tribunal
Président : M. Flores (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:52302111
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