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29/11/2023 | FRANCE | N°52302104

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 52302104


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 novembre 2023








Cassation partielle




M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président






Arrêt n° 2104 F-D


Pourvoi n° G 19-17.218






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023


M. [Y] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-17.218 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 novembre 2023

Cassation partielle

M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 2104 F-D

Pourvoi n° G 19-17.218

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

M. [Y] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-17.218 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Luxottica France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Luxottica France, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative. et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 décembre 2018), M. [H] a été engagé en qualité de voyageur, représentant, placier (VRP) par la société Luxottica France à compter du 2 septembre 2002.

2. Selon avenant du 5 février 2007, les parties sont convenues de l'abandon du statut de VRP au profit d'un emploi d'attaché commercial, avec une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable. Un nouvel avenant à effet du 1er avril 2008 a porté la rémunération fixe à 2 500 euros brut par mois et prévu une rémunération variable dépendant de la réalisation d'objectifs quantitatifs et qualitatifs.

3. L'employeur a modifié le secteur géographique du salarié et l'a affecté à la commercialisation de lunettes de la marque "Dolce & Gabana" en remplacement de la marque "Ray-Ban" qu'il commercialisait jusqu'alors.

4. Le 4 septembre 2014, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

5. Le 1er octobre 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la reconnaissance du statut de VRP et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, et le quatrième moyen, pris en sa première branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, qui est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'occupation professionnelle du domicile, alors « que le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; que pour rejeter sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'occupation professionnelle du domicile, la cour d'appel a retenu - après avoir constaté qu'"il était amené à entreposer à son domicile du matériel professionnel et notamment des lunettes" - qu' "il ne fournit aucun élément sur les conditions de stockage de ce matériel et notamment sur le nombre de mètres carrés de son domicile occupé à cette fin", ce dont elle a déduit que, "faute de justifier du préjudice qu'il allègue, il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts formulée à ce titre" ; qu'en statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un préjudice dont elle constatait l'existence en son principe, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

8. En application de ce texte, le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il constate l'existence en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.

9. Pour rejeter la demande en paiement d'une indemnité d'occupation professionnelle du domicile, l'arrêt retient que le salarié ne produit aucune pièce établissant qu'il accomplissait une partie de son travail à domicile, qu'il est seulement constant qu'il était amené à y entreposer du matériel professionnel, notamment des lunettes, et qu'il ne fournit aucun élément sur les conditions de stockage de ce matériel, notamment sur le nombre de mètres carrés de son domicile occupés à cette fin.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles, la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes en paiement d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et d'un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire, alors « que constitue une modification du contrat de travail le changement de secteur et/ou de produits à commercialiser d'un attaché commercial, ayant une incidence sur le niveau ou la structure de sa rémunération ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la modification du secteur de travail et de marque à commercialiser était intervenue à compter du 1er juillet 2014 tandis que l'employeur n'avait communiqué les objectifs du salarié que le 23 juillet 2014 soit en même temps qu'il le convoquait à un entretien préalable au licenciement en raison du refus du salarié de se voir imposer cette modification, sachant que la cour d'appel a encore constaté que le salarié était en congé annuel à compter du 21 juillet 2014, soit à un moment où ses objectifs ne lui avaient pas encore été fixés, et jusqu'au 18 août 2014, date à laquelle il avait aussitôt été mis à pied à titre conservatoire ; qu'il s'en évinçait que, en l'absence de fixation des objectifs par l'employeur dans un délai raisonnable à compter de la modification litigieuse, le salarié était en droit de considérer légitimement que cette modification avait un impact sur sa rémunération et constituait donc une modification du contrat de travail nécessitant son accord exprès, de sorte qu'il ne pouvait être licencié pour l'avoir refusée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au prétexte qu'il n'aurait pas été établi que la modification litigieuse avait une incidence sur la rémunération, tandis qu'il ressortait de ses propres constatations que l'employeur n'avait pas fixé au salarié ses objectifs concernant le nouveau secteur et la nouvelle marque attribués concomitamment à cette modification, ce qui laissait présager une incidence sur la rémunération, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Il résulte de ces textes que la modification de son contrat de travail ne peut être imposée au salarié.

13. Pour rejeter la demande du salarié en contestation du licenciement, l'arrêt retient qu'il s'est borné à faire valoir que le changement de ligne de lunettes à commercialiser et la modification de la zone géographique de travail avaient nécessairement des conséquences sur sa rémunération ainsi que sur la durée du travail sans nullement le démontrer et que la commercialisation d'une nouvelle collection avec de nouveaux clients ne constituait qu'une modification des conditions de travail et était inhérente à l'exercice de ses fonctions d'attaché commercial.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la modification par l'employeur du secteur géographique et de la marque de lunettes à commercialiser attribués au salarié avait une incidence sur la rémunération variable qui dépendait d'objectifs quantitatifs et qualitatifs, de sorte qu'elle constituait une modification du contrat de travail nécessitant l'accord du salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur les deuxième et quatrième moyens emporte la cassation des chefs de dispositif statuant sur les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en paiement de M. [H] au titre de l'indemnité d'occupation professionnelle du domicile et de la rupture du contrat de travail et en ce qu'il statue sur l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 5 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Luxottica France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Luxottica France et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52302104
Date de la décision : 29/11/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 nov. 2023, pourvoi n°52302104


Composition du Tribunal
Président : M. Flores (conseiller délégué par le premier président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:52302104
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