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29/11/2023 | FRANCE | N°42300771

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, 42300771


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FB




COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 novembre 2023








Cassation sans renvoi




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 771 F-B


Pourvoi n° R 21-25.329








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023


1°/ Le directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publique...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 novembre 2023

Cassation sans renvoi

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 771 F-B

Pourvoi n° R 21-25.329

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023

1°/ Le directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 1],

2°/ le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° R 21-25.329 contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre 1re section), dans le litige les opposant à Mme [K] [E], épouse [U], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, de la SCP Le Griel, avocat de Mme [E], et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 octobre 2021) et les productions, par un acte sous seing privé du 12 octobre 2006, M. [X] [E], Mme [T] [V], son épouse, et la société [E], actionnaires de la société Edilys, ont pris l'engagement collectif, pour eux et leurs ayants cause à titre gratuit, de conserver les actions de cette société durant deux ans.

2. Par un acte notarié du 7 novembre 2006, M. [E] et Mme [V] ont fait donation de 42 actions à leurs deux enfants, M. [J] [E] et Mme [E], à raison de 21 titres chacun, ceux-ci prenant l'engagement de les conserver pendant six ans. Cette donation-partage a bénéficié d'une exonération des droits de mutation à titre gratuit en application de l'article 787 B du code général des impôts.

3. Par des actes des 12 janvier et 8 mai 2007, Mme [E] a cédé 20 actions de la société Edilys à la société [E], cosignataire de l'engagement collectif de conservation du 12 octobre 2006.

4. Les 19 décembre 2012 et 28 novembre 2013, l'administration fiscale a adressé deux propositions de rectification à Mme [E], puis a émis, le 15 mars 2016, un avis de mise en recouvrement pour un montant, en droits et intérêts de retard, de 101 115 euros.

5. Après avoir adressé, le 6 avril 2016, une réclamation contentieuse restée sans réponse, Mme [E] a assigné l'administration fiscale aux fins d'obtenir le dégrèvement des droits de donation complémentaires et leur restitution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le directeur général des finances publiques fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant annulé l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2016 adressé à Mme [E] et prononcé le dégrèvement de l'imposition contestée d'un montant de 101 115 euros, outre intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, alors « qu'il résulte de l'article 787 B du code général des impôts que sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs ; que le bénéfice de cette exonération est toutefois subordonné à la double conclusion d'un engagement collectif et d'un engagement individuel de conservation des parts ou actions objets de la mutation à titre gratuit ; que l'engagement collectif de conservation doit être en cours à la date de la transmission à titre gratuit ; que l'engagement individuel doit quant à lui être pris par le donataire, le légataire ou l'héritier dans l'acte constatant cette transmission à titre gratuit ; que l'exonération partielle prévue par l'article 787 B du code général des impôts est ainsi susceptible d'être remise en cause lorsque l'engagement collectif ou l'engagement individuel n'a pas été respecté ; que si le b) de ce même article précise que "les associés de l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement", l'engagement individuel s'oppose nécessairement, une fois la mutation à titre gratuit intervenue, à toute donation ou cession à titre onéreux des titres reçus pour lesquels l'exonération de droits de mutation à titre gratuit a été sollicitée et ce, même si le bénéficiaire / acquéreur est membre de l'engagement collectif de conservation des titres ; qu'au cas particulier, en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 787 B du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 :

7. Il résulte de ce texte que sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs, lorsque lesdites parts ou actions font l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés, que cet engagement collectif de conservation porte sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises, et que chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l'engagement dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de six ans à compter de la date d'expiration de l'engagement collectif de conservation.

8. Si, selon le deuxième alinéa du b de ce texte, les associés parties à l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement collectif de conservation, tel n'est pas le cas des héritiers, donataires ou légataires, s'agissant des titres pour lesquels ils ont souscrit un engagement individuel, quand bien même ils seraient par ailleurs ayants cause des parties à l'engagement collectif.

9. Pour annuler l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2016 adressé à Mme [E] et prononcer le dégrèvement de l'imposition, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si Mme [E], en sa qualité de donataire, était tenue d'un engagement individuel non visé par la dérogation figurant au deuxième alinéa du b de l'article 787 B du code général des impôts, l'administration fiscale ne peut lui opposer cet engagement dès lors qu'il n'était pas encore entré en application à la date du transfert des titres, de sorte que ledit engagement ne saurait la priver de la possibilité de céder les titres reçus en donation à un associé également tenu par l'engagement collectif de conservation.

10. En statuant ainsi, alors que l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévue à l'article 787 B du code général des impôts est subordonnée au respect par le donataire d'un engagement individuel de conservation des titres pendant une durée de six ans, lequel, s'il court à compter du terme de l'engagement collectif, est pris par le donataire au moment de la transmission des titres, et que la cession des titres par le donataire durant l'engagement collectif de conservation, fût-ce au profit d'un associé lié par cet engagement, rend impossible le respect de son engagement individuel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice, justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. En cédant, les 12 janvier et 8 mai 2007, 20 actions de la société Edilys à la société [E], Mme [E] a méconnu son engagement individuel de conservation pris sur le fondement de l'article 787 B, c, du code général des impôts.

14. En conséquence, il convient de rejeter les demandes de Mme [E] tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2016 et au dégrèvement de l'imposition contestée, d'un montant de 101 115 euros, outre les intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes de Mme [E] tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 15 mars 2016 et au dégrèvement de l'imposition contestée, d'un montant de 101 115 euros, outre les intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ;

Condamne Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] et la condamne à payer au directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42300771
Date de la décision : 29/11/2023
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre gratuit - Exonération - Parts ou actions d'une société holding - Engagement individuel de conservation - Cession des titres par le donataire durant l'engagement collectif de conservation - Violation de son engagement par le donataire

Si, selon, le deuxième alinéa du b de l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, les associés parties à l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à un engagement collectif de conservation, tel n'est pas le cas des héritiers, donataires ou légataires, s'agissant des titres pour lesquels ils ont souscrit un engagement individuel, quand bien même ils seraient par ailleurs ayants cause des parties à l'engagement collectif. Viole l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, la cour d'appel qui retient que l'administration fiscale ne peut opposer au donataire son engagement individuel dès lors qu'il n'était pas encore entré en application à la date du transfert des titres, alors que l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévue à cet article est subordonnée au respect par le donataire d'un engagement individuel de conservation des titres pendant une durée de six ans, lequel, s'il court à compter du terme de l'engagement collectif, est pris par le donataire au moment de la transmission des titres, et que la cession des titres par le donataire durant l'engagement collectif de conservation, fût-ce au profit d'un associé lié par cet engagement, rend impossible le respect de son engagement individuel


Références :

Article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 octobre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 nov. 2023, pourvoi n°42300771


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:42300771
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