LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 novembre 2023
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1180 FS-B
Pourvoi n° G 21-21.872
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023
La société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-21.872 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [F] [U], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à M. [Y] [D], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit logement, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [U] et M. [D], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2021) et les productions, Mme [U] et M. [D] ont, le 1er avril 2008, acquis un bien immobilier financé par un prêt contracté auprès de la Société générale (la banque) et garanti par le cautionnement de la société Crédit logement (le Crédit logement).
2. Suivant quittance subrogative du 8 octobre 2015, le Crédit logement a versé à la banque une certaine somme au titre de plusieurs échéances demeurées impayées.
3. Par acte du 21 janvier 2016, le Crédit logement a assigné Mme [U] et M. [D] en remboursement de la somme versée au prêteur en sa qualité de caution.
4. Il a relevé appel du jugement du 3 juillet 2017, qui l'a débouté de sa demande sur le fondement de l'article 2308 du code civil.
5. Par ordonnance du 2 juillet 2020, un conseiller de la mise en état, saisi par les intimés, a relevé que la dernière diligence accomplie était constituée par leurs conclusions du 6 décembre 2017 et a constaté la péremption de l'instance.
6. Le Crédit logement a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le Crédit logement fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance et de constater que le jugement du 3 juillet 2017 du tribunal de grande instance de Marseille avait force de chose jugée, alors « que toute diligence réalisée par une partie manifestant sa volonté de poursuivre l'instance jusqu'à son terme interrompt le délai de la péremption ; qu'il en va ainsi du renouvellement d'une hypothèque judiciaire prise pour garantir la condamnation à intervenir dans l'instance qui encourt la péremption ; qu'en affirmant que l'hypothèque judiciaire prise par la caution solvens qui exerçait son recours contre les débiteurs principaux n'était pas de nature à interrompre l'instance, cependant qu'une telle diligence tendait à garantir la condamnation à intervenir au profit de la caution solvens et manifestait donc la volonté de celle-ci de poursuivre l'instance jusqu'à son terme, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
9. Au sens de ce texte, la diligence interruptive s'entend de celle effectuée dans l'instance concernée par l'incident de péremption.
10. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, ayant retenu que les diligences devaient être menées dans l'instance susceptible d'être déclarée périmée, en a déduit que le renouvellement de l'hypothèque provisoire, prise par le Crédit logement, n'avait pas interrompu la péremption dans l'instance en remboursement engagée par la caution.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. Le Crédit logement fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ qu'en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l'autre instance ; que dans l'appréciation d'un tel lien de dépendance, le juge doit prendre en considération toutes les influences et interactions mutuelles susceptibles d'exister entre les objets respectifs des deux procès en concours ; qu'il suit de là que le juge commet une erreur de droit s'il se fonde, pour apprécier le lien de dépendance, non pas sur les objets respectifs des deux procès en concours, mais sur l'issue donnée en première instance à l'un d'eux par une décision juridictionnelle non irrévocable ; qu'en se déterminant, pour exclure tout lien de dépendance entre l'instance en nullité de la vente et l'instance en recours de la caution solvens contre les débiteurs principaux, en considération, non pas de l'objet des deux procès, mais de l'issue donnée, en première instance et par une décision non irrévocable, à l'un d'eux, en l'occurrence le litige opposant la caution solvens aux débiteurs principaux, la cour d'appel, qui a statué par un motif erroné en droit, a violé l'article 386 du code de procédure civile ;
2°/ Qu'en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l'autre instance ; qu'en l'état d'un acquéreur de bien immobilier financé par un emprunt bancaire et demandant en justice l'annulation de la vente pour dol, la nullité de la vente que peut prononcer le juge et la nullité consécutive de l'emprunt bancaire laissent subsister, à la charge de l'acquéreur emprunteur, l'obligation de restituer à la banque prêteuse les fonds prêtés ; que dans un tel contexte, lorsqu'une caution des obligations de l'emprunteur envers la banque a réglé à celle-ci le principal et les accessoires et exerce contre l'emprunteur, débiteur principal, un recours en remboursement, la caution est titulaire d'une créance de remboursement envers le débiteur principal, même si l'emprunt vient à être annulé, la créance de remboursement n'existant en ce cas qu'à concurrence de la dette de restitution des fonds prêtés ; qu'il suit de là l'existence d'un lien de dépendance directe et nécessaire entre l'instance en annulation de la vente et de l'emprunt, introduite par l'acquéreur emprunteur, et l'instance, introduite par la caution solvens, en remboursement des sommes versées au prêteur, l'issue de l'instance en annulation déterminant le quantum de la somme incombant à l'emprunteur dans ses rapports envers la banque – principal et accessoires ou principal uniquement – et déterminant aussi, par voie de conséquence, l'étendue du recours de la caution solvens ; qu'en retenant au contraire – pour exclure l'existence d'un lien de dépendance directe et nécessaire et, partant, refuser de constater que la péremption de l'instance en recours de la caution solvens avait été interrompue – que la première de ces actions n'était pas de nature à déterminer l'issue de la seconde, par la considération que l'existence de moyens dont auraient disposé les débiteurs principaux pour faire déclarer éteinte leur dette envers la banque prêteuse privait la caution solvens de tout droit à recours, considération inexacte en droit puisque la caution pouvait tout au plus perdre son recours à concurrence des accessoires de la dette garantie, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile, ensemble l'article 2308, alinéa 2, du code civil.»
Réponse de la Cour
13. Il résulte de l'article 386 du code de procédure civile que, si, en principe, l'interruption de la péremption ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompant la péremption de l'autre instance.
14. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé, par motifs propres et adoptés, qu'il n'y avait pas de lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance tendant à la nullité de la vente par les acquéreurs et celle engagée par la caution.
15. Elle en a exactement déduit que les conclusions de Mme [U] et M. [D] des 11 mai 2018 et 27 septembre 2019 n'avaient pas eu d'effet interruptif du délai de péremption de la présente instance.
16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Crédit logement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit logement et la condamne à payer à Mme [U] et M. [D] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.