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15/11/2023 | FRANCE | N°22-15543

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 22-15543


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 novembre 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2042 F-D

Pourvoi n° Z 22-15.543

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023

La société RF Auto piÃ

¨ces [Localité 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Roussillon freinage, a formé le pourvoi ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 novembre 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2042 F-D

Pourvoi n° Z 22-15.543

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023

La société RF Auto pièces [Localité 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Roussillon freinage, a formé le pourvoi n° Z 22-15.543 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [F] [X], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société RF Auto pièces [Localité 3], de la SARL Corlay, avocat de M. [X], après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 mars 2022), M. [X] a été engagé en qualité de magasinier le 1er décembre 2008 par la société Roussillon freinage auto pièces. Son contrat de travail a été transféré le 1er mai 2010 à la société Roussillon freinage, devenue société RF Auto pièces [Localité 3].

2. Le contrat contenait une clause de non-concurrence et précisait que toute violation de la clause rendrait automatiquement le salarié redevable d'une pénalité fixée forfaitairement à deux ans de salaire brut.

3. Le salarié a démissionné le 26 novembre 2014 et a quitté l'entreprise le 26 décembre suivant à l'expiration de son préavis.

4. Le 5 janvier 2015, il a été engagé par la société Sema, exerçant une activité concurrente de celle de son ancien employeur.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce que le salarié lui verse une somme au titre du préjudice subi du fait de la concurrence interdite, alors :

« 1°/ que lorsque le contrat prévoit qu'à la pénalité mise à la charge du salarié du fait de l'inobservation de la clause de non-concurrence peut s'ajouter la réparation du préjudice effectivement subi, l'employeur peut obtenir l'indemnisation dudit préjudice ; qu'en l'espèce, la clause de non concurrence liant le salarié à l'exposante précisait que le paiement de la pénalité prévue par ladite clause "ne porte pas atteinte aux droits que la société se réserve expressément de poursuivre le représentant en remboursement du préjudice pécuniaire et moral effectivement subi" ; que, pour justifier des actes de concurrence du salarié lui ayant porté préjudice, l'exposante s'était notamment prévalue d'un constat d'huissier d'où il résultait que le salarié avait, durant la période couverte par la clause de non concurrence et dans le cadre de son emploi pour la société Sema, démarché trois anciens clients de l'exposante, ainsi que du rapport de mission d'un détective privé relatant la visite de M. [X] à ving-huit clients qu'il avait connus en sa qualité de représentant de la société Roussillon freinage ; que les premiers juges avaient constaté, dans leurs motifs non déférés à la cour d'appel, que "l'employeur produit une liste d'anciens clients dont s'occupait le salarié au cours de son précédent poste ; que selon constat d'huissier établi (les) 12 et 13 février 2015 (?), le salarié s'est rendu dans trois garages qui figuraient sur la liste des anciens clients de la société Roussillon freinage", et "au cours de ces visites, M. [X] se déplaçait à l'aide d'un véhicule professionnel estampillé "Sema", que "le rapport du détective privé produit par l'employeur établit que M. [X] a visité plusieurs garages qui constituaient des anciens clients de la société Roussillon freinage", ajoutant encore que "le caractère concurrentiel de cette activité est particulièrement prononcé puisque la société Sema exerce dans un domaine d'activité identique à celui de la société Roussillon freinage ; les deux entreprises se situent dans le même quartier de [Localité 3] et exercent leur activité dans le même secteur géographique ; les relations concurrentielles entre les deux sociétés sont donc particulièrement exacerbées" ; qu'il résultait de ces éléments que l'exposante avait subi un préjudice, qu'il revenait à la cour d'appel d'évaluer ; qu'en la déboutant de sa demande d'indemnisation complémentaire, sans procéder à l'examen de ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en toute matière, le juge est tenu de respecter la contradiction ; que Monsieur [X] n'avait ni interjeté appel, ni conclu devant la cour d'appel ; qu'en retenant que l'exposante ne versait aux débats aucune pièce comptable, de sorte qu'elle ne rapportait pas la preuve de son préjudice financier, la cour d'appel a relevé un moyen d'office ; qu'en n'invitant pas l'exposante à produire les pièces comptables qu'elle estimait manquantes, elle a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation du principe du contradictoire, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la réalité du préjudice subi par l'employeur du fait de la violation de la clause de non-concurrence.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de condamner le salarié à lui payer une certaine somme en vertu de la clause pénale insérée dans la clause de non-concurrence, et de le débouter du surplus de sa demande à ce titre, alors :

« 1°/ que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre ; que, néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire ; que le caractère manifestement excessif d'une pénalité résulte de la comparaison entre le préjudice subi et le montant de la pénalité ; que, pour considérer la pénalité prévue au contrat comme excessive et en réduire le montant, la cour d'appel a retenu par motifs adoptés des premiers juges que dès lors que la société pouvait prétendre au remboursement de la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence, le salarié ayant méconnu l'obligation de non concurrence prévue à son contrat, la clause présentait un caractère manifestement excessif ; qu'en statuant ainsi, en se fondant sur la seule obligation du salarié d'avoir à rembourser la contrepartie financière, non sur la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi et le montant conventionnellement fixé, la cour d'appel a violé l'article 1152, alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le caractère manifestement excessif d'une pénalité résulte de la comparaison entre le préjudice subi et le montant de la pénalité ; que, pour limiter le montant de la clause pénale à la somme de 2.000 €uros, la cour d'appel a retenu par motifs propres que l'employeur qui ne versait aux débats aucune pièce comptable, ne rapportait pas la preuve du préjudice financier qu'elle indiquait avoir subi et qu'il convenait donc de modérer la pénalité à hauteur de ladite somme en l'état d'un préjudice "au moins moral" ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à justifier le caractère manifestement excessif du montant de la clause, dès lors qu'elle ne s'est pas fondée sur la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi et le montant de la peine conventionnellement fixé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152, alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1152 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

9. Selon le second, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, le juge peut modérer ou augmenter la peine convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

10. La clause pénale, sanction contractuelle du manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution, sans que le créancier de l'obligation n'ait à rapporter la preuve de son préjudice.

11. La contrepartie financière de la clause de non-concurrence a la nature d'une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l'engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d'activité concurrente à celle de son ancien employeur, et ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle.

12. Pour réduire le montant de la clause pénale, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'employeur obtenant gain de cause quant à sa demande au titre du remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, la pénalité est manifestement excessive au visa de la disproportion entre le montant de la peine conventionnellement fixée et celui du préjudice effectivement subi, et que l'employeur ne rapporte pas la preuve du préjudice financier qu'il indique avoir subi du fait du salarié.

13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier la modération de la peine convenue par les parties en cas de violation de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation prononcée sur le premier moyen n'atteint pas le chef de dispositif visé par ce même moyen déboutant l'employeur de sa demande de dommages-intérêts en sus de l'indemnisation prévue par la clause pénale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Roussillon freinage, devenue société RF Auto pièces [Localité 3], de sa demande en paiement de la somme de 105 458 euros au titre de la clause pénale et condamne M. [X] à verser à cette société la somme de 2 000 euros à ce titre, et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la société Roussillon freinage devenue société RF Auto pièces [Localité 3] aux dépens, l'arrêt rendu le 2 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-15543
Date de la décision : 15/11/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 02 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 nov. 2023, pourvoi n°22-15543


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.15543
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