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07/11/2023 | FRANCE | N°23-80993

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 novembre 2023, 23-80993


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 23-80.993 F-D

N° 01264

MAS2
7 NOVEMBRE 2023

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 NOVEMBRE 2023

M. [E] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 8 février 2023, qui, dans l'informa

tion suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 23-80.993 F-D

N° 01264

MAS2
7 NOVEMBRE 2023

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 NOVEMBRE 2023

M. [E] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 8 février 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, importation, détention et transport en contrebande de marchandises prohibées, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 20 avril 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [E] [Y], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 1er octobre 2021, à 14 h 15, les services de la douane française ont procédé au contrôle du navire portant le nom « [V] » au large des côtes françaises.

3. Les conditions météorologiques ne permettant pas d'effectuer ce contrôle, le navire a été détourné jusqu'au port de [Localité 1] où une fouille a été opérée à partir de 19 heures 30 pour s'achever le 2 octobre 2021 à 1 heure, au cours de laquelle ont été découverts 1 127 kilos de cocaïne.

4. A l'issue de cette fouille, le capitaine du navire, le second, et l'ingénieur en chef, ont été placés en retenue douanière, ce qui n'a pas été le cas du reste de l'équipage, demeuré sur le navire.

5. Le 2 octobre 2021, à 16 heures 10, les dix-sept membres de l'équipage, et notamment M. [E] [Y], ont été interpellés et placés en garde à vue.

6. Le 5 octobre suivant, M. [Y] a été mis en examen des chefs susvisés.

7. Le 31 mars 2022, il a déposé une requête en nullité.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré du caractère arbitraire de la détention subie par M. [Y], alors « qu'une mesure de contrainte physique qui excéderait le temps strictement nécessaire à l'exercice du droit de contrôle prévu par l'article 60 du code des douanes ne peut être exercée que dans le cadre d'une mesure de retenue douanière ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen de nullité tiré du caractère arbitraire de la détention subie par les membres de l'équipage à l'encontre desquelles aucune mesure de rétention douanière n'a été prononcée à l'issue du temps nécessaire à la réalisation de la fouille du navire [V], le 2 octobre 2021 à 1h00, que ces derniers n'avaient subis aucune mesure de contrainte avant leur interpellation par les autorités de police le même jour à 16h10, lorsqu'il ressort des éléments de la procédure, d'une part, que durant cette période, les agents douaniers ont expressément « affecté [ces individus] à la sauvegarde du navire », ce que ces derniers n'ont pu légitimement interpréter que comme emportant l'obligation pour eux de rester sur le navire et à disposition des agents douaniers, de deuxième part, que la remise de ces individus aux autorités de police, à l'issue des opérations douanières, avait été explicitement prévue par les agents douaniers lors de leur intervention (D40/1), ce qui accrédite les allégations de restriction de liberté des membres de l'équipage à l'issue de ce contrôle douanier, et de troisième part, que ces derniers « se trouvaient dans leurs cabines respectives » au moment de leur interpellation, ce qui corrobore là encore les déclarations du requérant selon lesquelles il était alors tenu d'y rester et sous surveillance, l'ensemble de ces éléments traduisant incontestablement l'exercice d'une contrainte excédant le temps strictement nécessaire à l'exercice du contrôle douanier, et intervenant dès lors en dehors de tout cadre légal, à l'encontre de M. [Y], la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 60 du code des douanes, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour rejeter le moyen de nullité de la procédure douanière pris de ce que M. [Y] aurait été maintenu à la disposition des agents des douanes au-delà du temps nécessaire au contrôle, l'arrêt attaqué énonce que le procès verbal général de saisie des douanes ne mentionne nullement, lors des opérations de fouille puis de découverte de la drogue, la présence et l'identité des membres de l'équipage qui n'ont pas été placés en rétention douanière, et qu'aucune pièce de la procédure ne fait davantage apparaître que ces membres de l'équipage se soient vu interdire d'aller et venir à bord du navire, à partir de la montée à bord des agents des douanes.

10.Les juges ajoutent que la lecture des pièces de la procédure permet de constater que les membres de l'équipage n'ont fait l'objet d'aucune mesure de retenue douanière, qu'ils n'ont pas été entendus par les agents des douanes et ne sont pas mentionnés dans la procédure douanière, que les intéressés avaient soit conservé leurs documents d'identité sur eux soit avaient remis ces documents au capitaine du navire qui les avait à sa disposition dans sa cabine, que les perquisitions conduites dans leurs cabines respectives démontrent que l'ensemble de leurs effets personnels était resté à leur disposition avant leur interpellation par les policiers et qu'ils avaient ainsi toute faculté de pouvoir communiquer avec l'extérieur et entre eux.

11. Ils retiennent qu'aucune mention en procédure ne fait état de ce que les membres de l'équipage, en dehors des trois personnes placées en retenue douanière, aient été maintenus contre leur gré au sein de leurs cabines ou fait l'objet d'une quelconque mesure de contrainte physique ou prise pour les empêcher d'aller et venir sur le navire ou de quitter son bord.

12. Ils précisent que la seule mention des membres de l'équipage dans la procédure douanière concerne la notification de l'infraction douanière au propriétaire du navire qui a eu lieu le 2 octobre à 15 heures 35 et qui mentionnait que le reste de l'équipage avait été « affecté à la sauvegarde du navire », et qu'au terme des investigations douanières en cours, « le produit de la fraude, l'ensemble de l'équipage et la présente procédure seront remis à l'autorité judiciaire territorialement compétente ».

13. Ils ajoutent que les requérants, assistés de leur avocat lors de leur interrogatoire de première comparution, n'ont pas fait état d'une quelconque privation de liberté sur le navire avant leur placement en garde à vue, et que, s'ils ont indiqué, plus tardivement au cours de leur interrogatoire au fond, qu'ils avaient subi une telle détention en dehors de tout cadre légal, leurs allégations sont empreintes de nombreuses contradictions.

14. Ils concluent qu'il ne résulte d'aucun autre élément que de ces déclarations qu'ils auraient été maintenus dans une salle pendant plus de deux jours, interrogés par les douaniers sur les produits stupéfiants, ou encore placés dans leurs cabines et surveillés par des policiers.

15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a fait une exacte application des textes visés au moyen.

16. En effet, il ne résulte pas des pièces de la procédure que l'intéressé a subi une contrainte physique pendant la période litigieuse.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité des prélèvements biologiques effectués, alors « le prélèvement biologique visé aux deuxième et troisième alinéas de l'article 706-54 ne peut être effectué qu'avec l'accord de l'intéressé et par un officier de police judiciaire ou sous son contrôle ; qu'en rejetant le moyen de nullité tiré de son irrégularité, lorsqu'elle constatait que ne figure en procédure aucune mention des prélèvements biologiques effectués sur M. [Y], de sorte qu'il est strictement impossible de s'assurer de la compétence de l'auteur du prélèvement mais également de l'assentiment de M. [Y], la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 706-54, 706-56, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

19.Pour écarter le moyen de nullité, tiré de l'irrégularité du prélèvement biologique réalisé sur la personne mise en examen, l'arrêt attaqué énonce notamment qu'il ressort des réquisitions au fichier national automatisé des empreintes génétiques concernant ces prélèvements, dont ceux effectués sur le requérant, que ces opérations ont été réalisées par un officier de police judiciaire ou sous son contrôle, dans le cadre des dispositions de l'article 706-54 du code de procédure pénale.

20. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.

21. D'une part, aucune nullité ne saurait résulter de l'absence en la procédure d'un procès-verbal constatant l'accord de l'intéressé alors que les textes visés au moyen ne prévoient pas une telle formalité et que le Conseil constitutionnel n'a pas formulé, à l'occasion de l'examen de constitutionnalité de l'article 706-56 du code de procédure pénale, une réserve d'interprétation en ce sens (Cons. const., 16 septembre 2010, décision n° 2010-25 QPC) .

22. D'autre part, il ressort des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que les opérations de prélèvement ont été effectuées sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, conformément aux dispositions légales susvisées.

23. Dès lors, le moyen doit être écarté.

24. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 23-80993
Date de la décision : 07/11/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 08 février 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 nov. 2023, pourvoi n°23-80993


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:23.80993
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