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19/10/2023 | FRANCE | N°21-22379

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-22379


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 octobre 2023

Cassation sans renvoi

Mme MARTINEL, présidente

Arrêt n° 1043 F-B

Pourvoi n° J 21-22.379

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Art

ois, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-22.379 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 octobre 2023

Cassation sans renvoi

Mme MARTINEL, présidente

Arrêt n° 1043 F-B

Pourvoi n° J 21-22.379

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-22.379 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre de la protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [2], société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 juillet 2021) et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) a pris en charge, par décision du 5 décembre 2008, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l'un des salariés de la société [2] (l'employeur).

2. La commission de recours amiable de la caisse, saisie le 17 juin 2015, ayant rejeté, par décision notifiée le 16 juillet 2015, la contestation de l'employeur de l'opposabilité de cette décision à son égard, celui-ci a porté son recours, le 21 août 2015, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur, alors :

« 1°/ que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle se prescrit par cinq ans, ce délai courant à compter du jour où l'employeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, la caisse n'est pas tenue de notifier la décision de prise en charge à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'en retenant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de l'employeur, que la caisse ne démontre pas avoir envoyé la notification de la décision de prise en charge par lettre recommandée avec accusé de réception, la cour d'appel a violé les articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2224 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la caisse, qui soutenait que l'employeur aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action en inopposabilité le 5 décembre 2008, dès lors qu'il résulte des pièces produites qu'il a reçu, le 24 novembre 2008, la lettre de clôture du 20 novembre 2008 l'informant que la décision interviendrait le 5 décembre 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la circonstance que, postérieurement à la lettre de clôture, la caisse ait notifié à l'employeur le recours à un délai complémentaire d'instruction ne saurait restituer une base légale à l'arrêt attaqué dès lors la lettre du 22 novembre 2008 informait l'employeur que le recours au délai complémentaire avait pour seul objet de lui permettre de consulter le dossier dans le temps imparti par la lettre de clôture, la date d'intervention de la décision étant inchangée ; qu'en tout cas, en s'abstenant de s'expliquer sur les termes de la lettre du 22 novembre 2008 et sur les circonstances de son intervention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 142-18, R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2224 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. En l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.

6. Après avoir exactement retenu que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour où l'employeur a eu une connaissance effective de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par son salarié, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et preuve débattus devant elle, que l'employeur ne pouvait ignorer l'existence de la prise en charge de la maladie professionnelle litigieuse à compter de la réception de son compte de cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles du 16 juillet 2010 qui la mentionnait, pour en déduire que le point de départ du délai de prescription devait être fixé à cette date.

7. Inopérant en ses première et troisième branches, le moyen n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur, alors « que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle se prescrit par cinq ans ; que la saisine de la commission de recours amiable n'interrompt pas le délai de prescription ; qu'en décidant au contraire que l'action de l'employeur, qui a saisi la commission de recours amiable par courrier du 17 juin 2015, antérieurement à l'échéance du délai quinquennal qui peut être considéré comme ayant débuté le 16 juillet 2010, n'est pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 2224, 2241 et 2242 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil et les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et R. 441-14 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige :

9. La prescription quinquennale, prévue par le premier des textes susvisés, est, en application des trois suivants, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée.

10. Il résulte des deux derniers textes susvisés que l'information donnée par la caisse à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois (2e Civ., 18 février 2021, pourvois n° 19-25.886 et n° 19-25.887, publiés au Bulletin).

11. En application de ces textes, la Cour de cassation juge que le fait pour un employeur de solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale susvisé et que l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement la commission de recours amiable de cette réclamation (2e Civ., 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.621, Bull. 2012, II, n° 208).

12. Le pourvoi pose la question de savoir si le délai de prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie, prise avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, est interrompu par la saisine de la commission de recours amiable de la caisse par l'employeur.

13. En application du principe rappelé au paragraphe 9, ce n'est que si la saisine de la commission de recours amiable peut être regardée comme une demande en justice qu'elle est susceptible d'interrompre le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil susvisé.

14. La saisine de cette commission, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil susvisé.

15. Pour déclarer recevable le recours de l'employeur, l'arrêt retient que celui-ci n'a pu ignorer, à compter de la réception de son compte employeur le 16 juillet 2010, la prise en charge de la pathologie litigieuse au titre de la législation professionnelle, mais que la prescription quinquennale n'était pas acquise compte tenu de la saisine de la commission de recours amiable par courrier du 17 juin 2015.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

19. Il résulte des énonciations des paragraphes 9 à 14 que, l'employeur ayant eu une connaissance effective de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie le 16 juillet 2010 et n'ayant saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins d'inopposabilité de cette décision à son égard que le 21 août 2015, il y a lieu de déclarer prescrite l'action de l'employeur.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable comme prescrite l'action de la société [2] aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [T] du 5 décembre 2008.

Condamne la société [2] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Amiens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [2] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par la présidente en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-22379
Date de la décision : 19/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Décision de la caisse - Décision de prise en charge - Inopposabilité soulevée par l'employeur - Recours n'ayant pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil - Saisine de la commission de recours amiable

La saisine de la commission de recours amiable, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil


Références :

Décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009

article 2224 du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 13 juillet 2021

2e Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-10909, Bull. (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 oct. 2023, pourvoi n°21-22379, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.22379
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