LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 octobre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1051 F-B
Pourvoi n° W 22-18.852
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 OCTOBRE 2023
Mme [V] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-18.852 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant à la société C-Quadrat asset management France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [D], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société C-Quadrat asset management France, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 avril 2022), Mme [D] a été engagée en qualité d'assistante administrative, à compter du 1er octobre 2003, par la société Avenir finance immobilier, son contrat de travail ayant fait l'objet d'un transfert en dernier lieu à la société Advenis investment managers (la société) appartenant au groupe Advenis, devenue la société C-Quadrat asset management France.
2. Le 9 décembre 2016, la société a convoqué la salariée a un entretien préalable en vue d'un licenciement économique. Son contrat de travail a été rompu après qu'elle a accepté, le 4 janvier 2017, le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait alors été proposé.
3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment en contestation de cette rupture.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter en conséquence de ses demandes fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué retient que la société "produit également s'agissant du secteur d'activité en cause l'existence, nonobstant un chiffre d'affaires en hausse, des pertes en 2015, 2016 et 2017" et que "ceci atteste des difficultés avérées [...] en ce qui concerne le secteur de référence" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les pertes étaient significatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes de ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
6. Pour dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate d'abord, d'une part, que la lettre de licenciement invoque les difficultés économiques du groupe se traduisant par des résultats d'exploitation déficitaires depuis trois années et compromettant la compétitivité et la capacité de l'entreprise à maintenir et développer ses activités, d'autre part, que le secteur d'activité à prendre en considération pour apprécier le motif économique est celui de la distribution et la gestion des actifs dont relève la société.
7. Il retient ensuite que pour justifier de sa situation économique, la société produit un tableau faisant apparaître, s'agissant du secteur d'activité en cause, l'existence, nonobstant un chiffre d'affaires en hausse, des pertes en 2015, 2016 et 2017 et en déduit que les difficultés sont avérées en ce qui concerne le secteur de référence.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser le caractère sérieux et durable des pertes d'exploitation dans le secteur d'activité considéré, sans rechercher si l'évolution de l'indicateur économique retenu était significative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation des chefs de dispositif disant que le licenciement de la salariée repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboutant en conséquence de ses demandes fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse emporte celle du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
10. En revanche, elle n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de Mme [D] repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboute en conséquence de ses demandes fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il condamne la société C-Quadrat asset management France à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier, l'arrêt rendu le 8 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société C-Quadrat asset management France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société C-Quadrat asset management France et la condamne à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.