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11/10/2023 | FRANCE | N°22-10589;22-10590;22-10591;22-10592;22-10593;22-10594;22-10595

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 octobre 2023, 22-10589 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1001 F-D

Pourvois n°
Q 22-10.589
R 22-10.590
S 22-10.591
T 22-10.592
U 22-10.593
V 22-10.594
W 22-10.595 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

1°/ M. [H] [N], domicilié [Adresse 5],

2°/ M. [M] [C], domicilié [Adresse 1],

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1001 F-D

Pourvois n°
Q 22-10.589
R 22-10.590
S 22-10.591
T 22-10.592
U 22-10.593
V 22-10.594
W 22-10.595 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

1°/ M. [H] [N], domicilié [Adresse 5],

2°/ M. [M] [C], domicilié [Adresse 1],

3°/ M. [M] [W], domicilié [Adresse 7],

4°/ Mme [A] [E], domiciliée [Adresse 2],

5°/ M. [U] [K], domicilié [Adresse 6],

6°/ M. [V] [F], domicilié [Adresse 4],

7°/ M. [L] [Z], domicilié [Adresse 3],

ont formé respectivement les pourvois n° Q 22-10.589, R 22-10.590, S 22-10.591, T 22-10.592, U 22-10.593, V 22-10.594 et W 22-10.595 contre sept arrêts rendus le 17 janvier 2020 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans les litiges les opposant à la société Argo France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs aux pourvois invoquent, à l'appui de leurs recours, un moyen commun de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [N] et des six autres salariés, de Me Balat, avocat de la société Argo France, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q 22-10.589 à W 22-10.595 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués ([Localité 9], 17 janvier 2020), rendus sur renvoi après cassation (Soc., 5 avril 2018, pourvois n° 17-10.402, 17-10.403, 17-10.404, 17-10.405, 17-10.407, 17-10.408, 17-10.409), la société Mac Cormick a été placée en redressement judiciaire le 28 octobre 2005 et a bénéficié d'un plan de continuation selon jugement du 27 octobre 2006, à l'occasion duquel l'activité « magasin pièces de rechange », à laquelle étaient affectés M. [N] et six autres salariés, a été cédée le 31 décembre 2006 à la société Argo France.

3. A compter du 1er janvier 2007, les contrats de travail ont été transférés, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société Argo France.

4. Ayant souhaité bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) prévue par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et soutenant que l'employeur avait mal calculé leur indemnité de départ en retraite amiante, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 6 décembre 2010.

5. Ils ont ensuite formé une demande de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes de dommages-intérêts pour préjudice d'anxiété lié à leur exposition à l'amiante, alors « que le nouvel employeur est tenu au paiement des dettes et obligations nées postérieurement à la modification juridique intervenue dans la personne de l'employeur ; que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; qu'il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, "si les établissements aux droits desquels venait la société Mac Cormick France ont bien été inscrits sur ladite liste, s'agissant du site de Saint-Dizier où [les salariés ont] exercé, et si, en conséquence la demande d'indemnisation de [leur] préjudice aurait pu être déclarée fondée à l'encontre de cette société, il convient cependant d'observer que la présente demande est formée envers la société Argo France, qui a repris le contrat de travail [des salariés] le 1er janvier 2007 à l'issue d'un plan de cession partiel d'une branche d'activité de la société Mac Cormick France en redressement judiciaire" ; que, pour débouter les salariés de leurs demandes, la cour d'appel a retenu que "la société Argo France n'a jamais été inscrite sur la liste ministérielle ci-avant évoquée, qui ne vise que les établissements précédents et sur une période s'arrêtant à 2003, date à laquelle elle n'employait pas les salariés concernés, et elle ne saurait en conséquence être tenue à réparation d'un préjudice sur la foi d'un manquement présumé à son obligation de sécurité alors même que l'exposition à l'amiante est bien antérieure à la date de transfert du contrat de travail et ce nonobstant le fait que le préjudice d'anxiété est né postérieurement à ce transfert puisqu'il n'est pas présumé imputable au dernier employeur non inscrit sur la liste" et en a déduit que "les conditions requises pour l'indemnisation du préjudice d'anxiété par la société Argo France, dans le cadre du régime dérogatoire au droit commun, ne sont pas remplies" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le transfert des contrats de travail à la société Argo France était intervenu le 1er janvier 2007, soit antérieurement à l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA du 28 avril 2010, de sorte que le préjudice invoqué par les salariés ne constituait pas une créance due à la date de la modification de la situation juridique de l'employeur et que la société Argo était, en conséquence, tenue de l'indemniser, peu important son imputabilité à une exposition à l'amiante antérieure au transfert des contrats de travail et l'absence de manquement de la société Argo à son obligation de sécurité postérieurement au transfert d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-2 du code du travail, l'article L. 4121-1 du même code en sa rédaction applicable au litige et l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-2 du code du travail, l'article L. 4121-1 du même code, en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, et l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 :

7. Il résulte des deux derniers de ces textes que les salariés, qui ont travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouvent, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, ont droit, qu'ils aient ou non adhéré au dispositif légal, à la réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété.

8. Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés. Il naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

9. Pour débouter les salariés de leurs demandes de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété, les arrêts constatent que la société Argo France, venant aux droits de la société Mac Cormick France, n'a jamais été inscrite sur la liste établie par arrêté ministériel recensant les sites où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et que la période visée par l'arrêté du 28 avril 2010 s'arrêtait à 2003, date à laquelle elle n'employait pas les salariés concernés. La cour d'appel en a déduit que la société Argo France ne saurait être tenue de réparer un préjudice en raison d'un manquement présumé à son obligation de sécurité alors que l'exposition à l'amiante est bien antérieure à la date du transfert des contrats de travail et ce nonobstant le fait que le préjudice d'anxiété soit né postérieurement à ce transfert puisqu'il n'est pas présumé imputable au dernier employeur non inscrit sur la liste.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que les salariés avaient travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur la liste établie par l'arrêté du 28 avril 2010, d'autre part, que le transfert des contrats de travail à la société Argo France était intervenu le 1er janvier 2007, soit antérieurement à l'arrêté ministériel, ce dont il se déduisait que la créance résultant du préjudice invoqué était née postérieurement au transfert des contrats de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent MM. [N], [C], [W], [K], [F], [Z] et Mme [E] de leurs demandes de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété et en ce qu'ils statuent sur les dépens, les arrêts rendus le 17 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne la société Argo France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Argo France et la condamne à payer à MM. [N], [C], [W], [K], [F], [Z] et Mme [E] la somme globale de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-10589;22-10590;22-10591;22-10592;22-10593;22-10594;22-10595
Date de la décision : 11/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 17 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 oct. 2023, pourvoi n°22-10589;22-10590;22-10591;22-10592;22-10593;22-10594;22-10595


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SARL Cabinet François Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.10589
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