LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 octobre 2023
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1000 F-D
Pourvoi n° K 21-25.991
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023
L'association de gestion et de comptabilité de la boulangerie pâtisserie française, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° K 21-25.991 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l'opposant à M. [H] [G], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de l'association de gestion et de comptabilité de la boulangerie pâtisserie française, de la SCP Richard, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 décembre 2021), M. [G] a été engagé en qualité de responsable de bureau à compter du 17 février 1992 par l'association de gestion et de comptabilité de la boulangerie pâtisserie française.
2. Il a été licencié pour inaptitude par lettre du 12 juin 2020.
3. Il avait préalablement, le 19 juillet 2019, saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de rappel de salaires et congés payés afférents, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 15 juin 2020 aux torts de l'employeur et de dire que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité légale de licenciement, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que les intérêts au taux légal doivent courir sur ces sommes à compter du 23 juillet 2019, de dire qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, et de le condamner à remettre, sous astreinte, au salarié un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à compter de la notification de l'arrêt, alors « qu'en l'absence de stipulations conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti ; qu'aucune stipulation de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 ne prévoit une règle différente puisque cet accord se borne à indiquer que le salaire minimum conventionnel doit être majoré de la prime d'ancienneté ; que, dans le champ d'application de cette convention collective, une prime de productivité, dès lors qu'elle rémunère la productivité du salarié qui la perçoit, doit donc être incluse dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti ; qu'en excluant pourtant en l'espèce du calcul de la rémunération de M. [G] à comparer avec le salaire minimum conventionnel la prime de productivité qui lui était versée chaque mois, sans aucunement rechercher si cette prime, assise sur le montant des honoraires facturés chaque mois par le salarié, ne rémunérait pas les mérites propres du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5.1 de la collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 5-1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 :
6. En l'absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti.
7. Pour dire que les minima conventionnels n'ont pas été respectés et condamner l'employeur au paiement de rappels de salaire à ce titre, l'arrêt retient que les sommes versées au salarié de manière permanente entre juillet 2016 et avril 2019 à titre de primes de productivité ne peuvent pas être intégrées dans les sommes à prendre en compte pour vérifier si le minimum conventionnel est atteint dès lors qu'elles n'ont pas été calculées de manière précise et constante, ces primes ayant parfois varié dans des proportions très importantes sans aucun lien démontré avec la rémunération d'heures supplémentaires alors que si le montant des honoraires mensuels de référence a lui-même varié, cette variation n'explique pas à elle seule celle du montant des primes qui résulte nécessairement de l'application d'un pourcentage ayant également fluctué.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les primes litigieuses avaient été payées de juillet 2016 à avril 2019 ce dont il résultait qu'elles avaient un caractère permanent, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ces primes étaient versées en contrepartie du travail du salarié, a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant l'employeur au paiement de la somme de 69 584,25 euros à titre de rappel de salaires, incluant des sommes versées au titre des heures supplémentaires, entraîne la cassation du chef de dispositif relatif à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
10. La cassation des chefs de dispositif concernant les condamnations au paiement d'un rappel de salaires et congés payés afférents et d'une indemnité pour travail dissimulé, la résiliation judiciaire du contrat de travail et les condamnations subséquentes, n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens de première instance et d'appel, justifié par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association de gestion et de comptabilité de la boulangerie pâtisserie française à payer à M. [G] les sommes de 69 584,25 euros à titre de rappel de salaires, 6 958,42 euros à titre de congés payés afférents, 31 761,24 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 15 juin 2020 aux torts de l'employeur et dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il condamne l'association de gestion et de comptabilité de la boulangerie pâtisserie française à payer à M. [G] les sommes de 44 112,83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 15 880,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 588,06 euros au titre des congés payés afférents, 100 577,26 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2019 et capitalisation des intérêts et en ce qu'il condamne l'association de gestion et de comptabilité de la boulangerie pâtisserie française à remettre à M. [G], sous astreinte, un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à ces condamnations, l'arrêt rendu le 17 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.