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11/10/2023 | FRANCE | N°21-24168

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 octobre 2023, 21-24168


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1023 F-D

Pourvoi n° D 21-24.168

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

Mme [Z] [V], domiciliée [Adre

sse 1], a formé le pourvoi n° D 21-24.168 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le li...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 octobre 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1023 F-D

Pourvoi n° D 21-24.168

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 OCTOBRE 2023

Mme [Z] [V], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-24.168 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Kelly services, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de Mme [V], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Kelly services, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2021), Mme [V] a été engagée en qualité d'assistante de direction le 10 mai 2016 par la société Kelly services (entreprise de travail temporaire) et mise à disposition de la Banque populaire Caisse d'épargne assurances (entreprise utilisatrice) afin d'y effectuer une mission du 18 avril 2016 au 31 juillet 2016.

2. Le 18 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise de travail temporaire et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires et d'indemnités de précarité et de repos compensateur, outre les congés payés afférents à ces sommes, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir retenu que le tableau fourni par l'exposante quant aux heures de travail effectuées était suffisamment précis pour permettre à la société d'y répondre, la cour d'appel qui, pour débouter la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et par voie de conséquence d'indemnités de précarité, au titre du repos compensateur et de travail dissimulé, retient que les courriels portant heure d'arrivée et de départ envoyés par la salariée à elle-même de son lieu de travail ''ne permettent pas de s'assurer qu'entre ces deux heures elle fournissait un travail effectif'' et que ''le relativement faible nombre d'heures supplémentaires revendiquées, la courte durée des pauses déjeuners invoqués par la salariée ramenées à une demi-heure ne permettent pas de considérer que l'employeur avait conscience de ces heures supplémentaires et que la salariée avait l'autorisation implicite et a fortiori expresse de l'employeur d'effectuer lesdites heures'', sans relever aucun élément produit par l'employeur quant à la durée du travail accomplie par l'exposante dont il était pourtant tenu d'assurer le contrôle, la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve des heures de travail accomplies et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

7. Pour débouter la salariée de ses demandes de rappel de salaire, outre congés payés afférents, d'indemnité de précarité, d'indemnité au titre du repos compensateur, outre les congés payés, et d'indemnité de travail dissimulé, l'arrêt retient que la salariée produit un tableau suffisamment précis des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies pour permettre à la société d'y répondre utilement. Il ajoute que les courriels portant heure d'arrivée et de départ envoyés par la salariée à elle-même de son lieu de travail ne permettent pas de s'assurer qu'entre ces deux heures elle fournissait un travail effectif, d'autant plus qu'une telle pré-constitution de preuve peut caractériser une intention malicieuse.

8. Il relève enfin que le relativement faible nombre d'heures supplémentaires revendiquées comme la durée courte des pauses déjeuners invoquées par la salariée ne permettent pas de considérer que l'employeur avait conscience de l'accomplissement de ces heures supplémentaires et que la salariée avait l'autorisation implicite et, a fortiori, expresse de l'employeur d'effectuer lesdites heures.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « que la cassation de l'arrêt sur les heures supplémentaires effectuées entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, sa censure en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, ces chefs de dispositif de l'arrêt étant dans un lien de dépendance nécessaire ainsi que cela ressort des motifs selon lesquels ''en conséquence (la salariée) sera déboutée de ses demandes de rappel de salaire, d'indemnité de congés payés afférents et d'indemnité de précarité à ce titre, d'indemnité au titre du repos compensateur d'indemnité de congés payés afférents et d'indemnité de travail dissimulé''. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

11. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute la salariée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt qui ordonne la délivrance par l'entreprise de travail temporaire à la salariée d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie conformes au présent arrêt, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [V] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, d'indemnités de précarité, pour travail dissimulé et repos compensateur, outre les congés payés afférents, ordonne la délivrance par la société Kelly Service à Mme [V] d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie conformes à l'arrêt de la cour d'appel, la condamne aux dépens ainsi qu'en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Kelly services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kelly services et la condamne à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-24168
Date de la décision : 11/10/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 oct. 2023, pourvoi n°21-24168


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.24168
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