LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 22-86.495 F-D
N° 01120
SL2
4 OCTOBRE 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 OCTOBRE 2023
M. [D] [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 7 novembre 2022, qui a déclaré irrecevable sa requête en dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [D] [E] [X], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par requête en date du 21 décembre 2021, M. [D] [E] [X] a sollicité l'exclusion du bulletin n° 2 de son casier judiciaire de la condamnation à un an d'emprisonnement avec sursis, prononcée le 9 mai 2016 par la cour d'appel de Paris, en répression de faits d'agression sexuelle, commis le 4 décembre 2009.
3. Par arrêt du 7 novembre 2022, la cour d'appel a déclaré cette requête irrecevable.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen proposé par M. [X]
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen proposé par M. [X]
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale.
6. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a été rendu sur le fondement de réquisitions écrites du ministère public qui n'ont pas été communiquées à la défense, à laquelle il a été indiqué par le greffe qu'elle n'existaient pas, alors que le principe du contradictoire impose que les réquisitions du ministère public soient communiquées à la défense ou, à tout le moins, ne lui soient pas cachées.
Réponse de la Cour
7. Si une requête en dispense d'inscription d'une condamnation au casier judiciaire est jugée en chambre du conseil sur les conclusions du ministère public, ainsi que le prévoit l'article 703 du code de procédure pénale, aucune disposition n'impose que ces conclusions soient communiquées au condamné avant l'audience, à laquelle le requérant ou son conseil sont convoqués. Cependant, ces conclusions sont versées au dossier, qui peut être consulté par l'avocat avant l'audience.
8. Il ne résulte d'aucune pièce de procédure que la communication du dossier, comprenant les conclusions du ministère public sur la requête, ait été sollicitée par l'avocat du demandeur, et qu'elle lui ait été refusée.
9. Par ailleurs, l'arrêt attaqué indique que le condamné a comparu à l'audience, assisté d'un avocat, et qu'il a eu la parole en dernier, ce qui lui a permis de répliquer au ministère public.
10. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Mais sur le troisième moyen proposé par M. [X] et le moyen unique proposé pour lui
Enoncé du moyen
11. Le moyen du mémoire personnel est pris de la violation des articles 112-2, 3°, du code pénal, 775-1 du code de procédure pénale, et 706-47 du même code dans sa version applicable en la cause, issue de la loi n°2004-202 du 9 mars 2004 modifiée par les lois n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 et n°2006-399 du 4 avril 2006.
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête en exclusion de la condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire, alors que l'impossibilité d'une telle exclusion pour les faits ayant donné lieu à la condamnation dont l'exclusion est sollicitée n'a été instituée qu'après leur commission.
13. Le moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête de M. [X] tendant à l'exclusion du bulletin n° 2 de son casier judiciaire de la mention de la condamnation à un an d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'agression sexuelle commis le 4 décembre 2009, prononcé par le pôle 2 de la chambre 8 des appels correctionnels de Paris le 9 mai 2016, alors « que dans leur rédaction applicable à l'époque des faits pour lesquels M. [X] a été condamné, la combinaison des articles 775-1 et 706-47 du code de procédure pénale n'interdisait l'exclusion de la mention aux bulletins n° 2 et 3 du casier judiciaire d'une condamnation pour agression ou atteinte sexuelle que si la victime des faits était mineure ; qu'en affirmant, pour déclarer irrecevable la demande d'exclusion présentée par M. [X], déclaré coupable d'agression sexuelle sur majeur pour des faits commis le 4 décembre 2009, que ces dispositions interdisaient l'exclusion de la mention aux bulletins n°2 et 3 du casier judiciaire d'une condamnation pour agression ou atteinte sexuelle, la cour a violé les articles 706-47, 775-1, 777-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
14. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 112-2, 3°, du code pénal, 775-1 du code de procédure pénale et 706-47 du même code dans sa version applicable en la cause issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 modifiée par les lois n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 et n° 2006-399 du 4 avril 2006 :
15. Selon le premier de ces textes, les dispositions relatives au régime d'exécution et d'application des peines qui ont pour effet de rendre plus sévère la peine prononcée contre le prévenu ne peuvent être appliquées qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis après leur entrée en vigueur.
16. Selon le deuxième et troisième de ces textes, la juridiction qui prononce une condamnation peut exclure sa mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire, soit dans le jugement de condamnation, soit dans un jugement rendu ultérieurement à la requête du condamné. Cependant les condamnations prononcées pour l'une des infractions visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale ne peuvent faire l'objet de cette exclusion.
17. Pour déclarer irrecevable la requête de M. [X] en exclusion du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, de la condamnation prononcée par la cour d'appel de Paris le 9 mai 2016 pour des faits d'agressions sexuelles sans circonstance aggravante, commis le 4 décembre 2009, l'arrêt attaqué retient notamment que, si la personne condamnée pour agression sexuelle sans circonstance aggravante peut être dispensée de l'inscription au FIJAIS par décision spécialement motivée, aucun texte ne permet en revanche d'exclure une telle condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire, et que ce principe est absolu.
18. En statuant ainsi, alors que, si le demandeur a commis en 2009, l'infraction dont il a été reconnu coupable, l'impossibilité d'exclure du bulletin n° 2 du casier judiciaire la condamnation à laquelle elle a donné lieu n'a été instituée que par la modification de l'article 706-47 du code de procédure pénale résultant de la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016, entrée en vigueur le 16 avril 2016, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.
19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquence de la cassation,
20. La cassation interviendra partiellement sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, s'agissant de la recevabilité de la requête.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation proposé par M. [X], la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris en date du 7 novembre 2022 ;
DECLARE RECEVABLE la requête présentée par M. [X] ;
Et pour qu'il soit jugé sur le fond de l'affaire,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.