LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 659 F-D
Pourvoi n° H 22-20.679
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023
M. [B] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-20.679 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société HLM Grand delta habitat, société coopérative d'intérêt collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [L], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société HLM Grand delta habitat, après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 16 juin 2022), par un acte notarié du 5 octobre 2016, M. [L] (le promettant) et la société Grand delta habitat (la bénéficiaire) ont conclu une promesse synallagmatique de vente d'un bien immobilier sous la condition suspensive d'obtention d'un agrément de prêt locatif social (PLS) auprès des services de la préfecture du Vaucluse, le 15 décembre 2016 au plus tard.
2. Après avoir été informée par la préfecture des conditions strictement définies pour obtenir cet agrément par une lettre du 25 octobre 2016, la bénéficiaire a déposé sa demande le 2 novembre suivant.
3. La préfecture lui ayant refusé cet agrément par une lettre du 25 janvier 2017, la vente n'a pas été réitérée.
4. Estimant la condition irréalisable et sa non réalisation imputable à la bénéficiaire, le promettant l'a assignée en annulation de la condition suspensive et en paiement d'une somme au titre de la clause pénale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le promettant fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en se bornant à retenir en substance qu'il n'était pas établi qu'à la date de la vente sous condition la préfecture aurait refusé systématiquement l'agrément des projets de financement à 100 % en PLS, en l'état de dérogations possibles, qu'il était envisageable que l'acheteur obtienne un tel agrément et que « le dépôt du dossier auprès des services de la préfecture le 2 novembre 2016, soit postérieurement à la réception du courrier, démontre la volonté de la société Grand Delta Habitat de faire valoir des arguments particuliers justifiant l'obtention pour ce projet immobilier d'un financement à 100 % par le biais du produit PLS », sans analyser le dossier déposé auprès des services de la préfecture le 2 novembre 2016 par la société Grand Delta Habitat pour savoir s'il satisfaisait aux critères dérogatoires portés à sa connaissance pour présenter une chance d'aboutir à l'octroi de l'agrément demandé érigé en condition suspensive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304-3, alinéa 1er, du code civil ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [L] faisait valoir à l'appui de sa critique du jugement que « les premiers juges auraient dû néanmoins s'assurer qu'au regard des conditions posées par la Préfecture une dérogation était bien possible – ce qui en l'occurrence n'était pas le cas selon l'analyse de la Préfecture elle-même ! mais à supposer qu'ils fussent convaincus de l'inverse, ils auraient dû alors vérifier qu'elle avait bien été demandée par GDH et non le supposer ; GDH elle-même ne soutenait pas dans ses écritures avoir brandi le 2/11/16 des circonstances particulières » ; qu'il ajoutait que « la lettre de la Préfecture du 25/10/16 enseigne que GDH avait été avisée dès avant la signature du compromis le 5/10/16 qu'un financement par PLS exclusivement ne pouvait être que dérogatoire, limité et justifié ; en l'occurrence le projet entrait-il dans les dérogations évoquées ? A l'évidence non comme le montrent les courriers des 26/10/16 et 15/01/17 de la Préfecture mais aussi le dossier de GDH du 2/11/16 qui ne met en avant aucune exception, aucune situation singulière ; or GDH est un spécialiste informé de la matière ; sans indiquer jamais sur quoi reposait son espoir, GDH affirme opportunément et gratuitement que « ? la condition suspensive n'était pas totalement irréalisable » ; mais qu'a-t-elle fait pour que ce prétendu espoir se concrétise ? Rien » ; que l'appelant concluait : « GDH qui supporte pourtant la charge de la preuve, ne démontre donc pas que sa demande correspondait à l'un des cas dérogatoires évoqués par la Préfecture à l'occasion des réunions qui ont précédé la signature du compromis ; elle n'établit pas davantage l'avoir soutenu après le refus essuyé le 26/10/16 » ; qu'en laissant sans réponse ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, relevé que dans sa lettre du 25 octobre 2016, la préfecture avait informé la bénéficiaire de ce que les possibilités de dérogation en faveur d'un agrément en PLS étaient limitées et ne seraient accordées que si elles paraissaient justifiées au vu de l'examen de la demande locative, de la situation du secteur privé et des arguments qui lui seraient communiqués.
7. Elle a retenu, par une appréciation souveraine des pièces qui lui étaient soumises, que le dépôt de la demande par la bénéficiaire, le 2 novembre 2016, soit après la réception de ce courrier, démontrait sa volonté de faire valoir des arguments particuliers justifiant l'obtention pour ce projet immobilier d'un financement à 100 % par le biais du produit PLS.
8. Elle a pu en déduire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la bénéficiaire n'avait, ni au stade de la conclusion de la promesse de vente, ni à celui de son exécution, empêché la réalisation de la condition, et a ainsi, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à la société HLM Grand delta habitat la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre 2023 et signé par lui et Mme Letourneur, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.