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27/09/2023 | FRANCE | N°20-22466

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 septembre 2023, 20-22466


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 septembre 2023

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 928 FS-D

Pourvoi n° G 20-22.466

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 septembre 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

M. [U] [X], domicilié [Adresse 4], a formé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 septembre 2023

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 928 FS-D

Pourvoi n° G 20-22.466

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 septembre 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

M. [U] [X], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° G 20-22.466 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société TTT, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à la société [Y]-Pecou, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, prise en la personne de M. [H] [Y], en qualité de mandataire ad litem de la société TTT, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Intervenants volontaires :

1°/ La Fédération Sud commerces et services, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ La Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière (CNT-SO), dont le siège est [Adresse 3].

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [X], de la Fédération Sud commerces et services et de la Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière, de la SCP Spinosi, avocat de la société TTT, l'avis écrit de Mme Berriat, premier avocat général, et les observations orales de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2020), M. [X] a signé le 17 juillet 2014 avec la société TTT (la société) un contrat d'intermédiation, aux termes duquel cette société s'engageait à transmettre à l'intéressé des offres de prestations, via une plateforme de commandes.

2. La société a rompu le contrat le 9 mars 2016.

3. M. [X] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de cette relation contractuelle en contrat de travail.

Examen de la recevabilité de l'intervention volontaire de la Fédération Sud commerces et services et de la Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière

4. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

5. La Fédération Sud commerces et services et la Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière ne justifiant pas d'un tel intérêt dans ce litige, leur intervention volontaire n'est pas recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

6. M. [X] fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail avec la société et partant de voir condamner celle-ci à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, alors :

« 2°/ que selon l'article L. 8221-6 du code du travail, les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail ; que l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution ; qu'il suit de là qu'en retenant, pour débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes, que ce dernier ne rapporte pas la preuve qu'il exerçait ses fonctions dans le cadre d'un service organisé, sans rechercher si, en se connectant à la plateforme TokTokTok, dont le fonctionnement était parfaitement décrit par les parties et le contrat conclu, le coursier n'intégrait pas un service organisé par la société, service qui n'existait que grâce à cette plate-forme, à travers l'utilisation duquel il ne constituait aucune clientèle propre, la cour d'appel a entaché sa décision sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétention ; qu'en retenant, pour débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes, qu'il n'est pas démontré que la société exerçait un contrôle assorti d'un pouvoir de sanction sur le port de la tenue ITT, les photographies de la tenue "TokTokTok" et les règles d'or du Runner ou l'attestation - 3 – de témoin fournie n'étant pas probantes sur ce point, sans examiner les différentes clauses du contrat de réalisation de prestations ainsi que la charte de qualité de service Tok Tok, démontrant bien l'obligation de porter la tenue au logo de la société sous peine de sanction, à savoir la résiliation du contrat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que l'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle ; qu'en refusant de prendre en compte les stipulations contractuelles liant effectivement les parties, pour retenir l'existence d'un pouvoir de contrôle et de sanction de l'employeur, alors pourtant que les juges du fond peuvent parfaitement se fonder sur les conditions d'exercice de la prestation de travail telles que définies par le contrat, sans pour autant être tenus par les qualifications juridiques qui y sont mentionnées, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que selon l'article L. 8221-6 du code du travail, les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail ; que l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution ; qu'il suit de là qu'en déboutant M. [X] de l'intégralité ses demandes, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'utilisation d'une carte bancaire fournie par l'employeur, pour effectuer les achats qui étaient ensuite livrés, ne démontrait pas l'intégration du coursier à un service organisé par la société, la cour d'appel a entaché derechef sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

6°/ qu'en déboutant M. [X] de l'intégralité de ses demandes, aux motifs qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence du contenu de l'article 6-21 du contrat d'intermédiation liant la société à M. [X] prévoyait notamment que durant toute la durée du contrat et pour une durée de 2 ans à l'issue de celui-ci soit par arrivée à son terme, ou en cas de résiliation, le prestataire s'engageait à ne pas directement ou indirectement mener ou participer à des prestations identiques ou similaires ou à un projet identique ou similaire au projet de la société que ce soit sur le territoire et qu'en cas de manquement du prestataire à cet engagement, celle-ci pourra appliquer de plein droit après mise en demeure préalable une pénalité de 100 000 €, alors pourtant qu'une telle clause d'exclusivité ou de non-concurrence qui a empêché le coursier de développer la moindre clientèle personnelle, comme il le démontrait, était manifestement incompatible avec le statut d'indépendant, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail :

7. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.

8. Il résulte du second que les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.

9. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

10. Pour débouter M. [X] de sa demande, l'arrêt retient que l'intéressé ne rapporte pas la preuve qu'il exerçait ses fonctions dans le cadre d'un service organisé, qu'il se contente d'affirmer, sans produire aucun élément, qu'il n'avait aucune liberté quant à la manière de réaliser son travail dans le choix des lieux d'achat et des biens commandés, qu'il ne justifie pas plus d'un pouvoir de contrôle par la société de son activité et de la faculté pour cette dernière de sanctionner ses agissements, qu'il n'est pas démontré que la société exerçait un contrôle assorti d'un pouvoir de sanction sur le port de la tenue TTT, qu'il ne ressort pas plus des éléments de la cause qu'il aurait été tenu de rendre compte de son activité à la société, que la réalité d'un pouvoir de notation de la société n'est pas plus démontrée, que la seule référence au contrat de prestation de service qui prévoit un droit d'audit et de contrôle de la société n'est pas suffisante, l'existence d'une relation de travail dépendant des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

11. L'arrêt retient encore qu'il ne peut être tiré aucune conséquence du contenu de l'article 6-21 du contrat, que M. [X] qualifie de clause d'exclusivité ou de non concurrence, l'existence d'une relation de travail dépendant des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur, et que la lettre de résiliation du contrat en date du 9 mars 2016 envoyée par la société dans le cadre de l'article 6-18, qui prévoit que le prestataire s'engage à accepter au moins dix offres de prestation par mois, à défaut de quoi la société sera en droit de résilier le contrat, n'établit pas plus la réalité d'un lien de subordination juridique.
12. En se déterminant ainsi, sans analyser concrètement les conditions effectives dans lesquelles le livreur exerçait son activité, telles que fixées par les stipulations contractuelles, l'intéressé faisant valoir qu'il devait livrer des biens pour le compte de la société TTT sans pouvoir se constituer une clientèle propre ou travailler pour une société concurrente, devait utiliser une carte bancaire fournie par la société TTT pour effectuer les achats qui étaient ensuite livrés, ce dont il déduisait être intégré dans un service organisé, et avait l'obligation de porter une tenue au logo de la société sous peine de sanction consistant en la résiliation du contrat et, dans certaines conditions, d'accepter la commande dès lors qu'il était connecté sans pouvoir la refuser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

DIT irrecevable l'intervention volontaire de la Fédération Sud commerces et services et de la Confédération nationale des travailleurs - Solidarité ouvrière ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence, l'arrêt rendu le 8 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société [Y]-Pecou, en qualité de mandataire ad litem de la société TTT, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [Y]-Pecou, ès qualités, à payer à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-22466
Date de la décision : 27/09/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 sep. 2023, pourvoi n°20-22466


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:20.22466
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