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21/09/2023 | FRANCE | N°20-20563

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 septembre 2023, 20-20563


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2023

Cassation partielle sans renvoi

Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 865 F-B

Pourvoi n° Q 20-20.563

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBR

E 2023

L'Etat français représenté par le préfet du [Localité 6], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-20.563 contre l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2023

Cassation partielle sans renvoi

Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 865 F-B

Pourvoi n° Q 20-20.563

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2023

L'Etat français représenté par le préfet du [Localité 6], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-20.563 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2020 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [B] [O],

2°/ à M. [I] [O],

3°/ à Mme [V] [H], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de [S] [D],

tous trois domiciliés [Adresse 2],

4°/ à M. [N] [G], domicilié [Adresse 4],

5°/ à l'établissement Collège [8], dont le siège est [Adresse 4],

6°/ à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 7], dont le siège est [Adresse 5],

7°/ à la Mutuelle Saint-Christophe, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

L'Etat français représenté par le préfet du [Localité 6] a formé un pourvoi additionnel contre l'arrêt n° RG : 18/00676 rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Douai.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi principal , deux moyens de cassation, et à l'appui de son pourvoi additionnel, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de L'Etat français représenté par le préfet du [Localité 6], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [G], de l'établissement Collège [8] et de la Mutuelle Saint-Christophe, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Douai, 24 octobre 2019 et 25 juin 2020), M. [I] [C] [O], alors collégien au sein du collège [8], établissement d'enseignement privé, a été blessé à l'oeil lors d'une séance de hockey organisée par ce collège et sous la surveillance de M. [G], professeur de musique.

2. Mme [V] [H], mère de la victime, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale des mineurs [I] [C] [O] et [S] [D], ainsi que Mme [B] [O], soeur de la victime, ont assigné M. [G], le collège [8], la société Mutuelle Saint-Christophe assurances, l'Etat français et la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] (la caisse) devant un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

3. Mmes [V] [H] et [B] [O] et M. [I] [C] [O], devenu majeur, ont interjeté appel du jugement rendu qui a condamné le collège [8] et la société Mutuelle Saint-Christophe assurances à réparer leurs préjudices et ont notifié, le 13 avril 2018, leurs conclusions d'appel dans lesquelles ils ont sollicité la condamnation de l'Etat français.

4. Par conclusions du 12 juillet 2018, la caisse a sollicité la confirmation du jugement.

5. Par conclusions du 16 juillet 2018, M. [G], le collège [8], la société Mutuelle Saint-Christophe assurances, également intimés, ont formé appel incident pour obtenir leur mise hors de cause et, à titre subsidiaire, la condamnation de l'Etat français.

6. La caisse a notifié le 16 août 2018 de nouvelles conclusions par lesquelles elle a formé un appel incident à l'encontre de l'Etat français.

7. L'Etat français a soulevé l'irrecevabilité de l'appel incident de la caisse.

8. Par un arrêt du 24 octobre 2019, rendu sur déféré, cet appel a été déclaré recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, dirigé contre l'arrêt du 25 juin 2020

Enoncé du moyen

9. L'Etat français fait grief à l'arrêt de dire recevable l'action dirigée à son encontre par M. [I] [C] [O], Mme [V] [H], agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille [S] [D], et Mme [B] [O], et de les condamner, en conséquence, à leur payer différentes sommes en réparation de leurs préjudices alors que « la responsabilité de l'État ne se substitue à celle d'un établissement privé sous contrat d'association que si le dommage subi par l'un de ses élèves a été causé à l'occasion d'une activité scolaire, réalisée à des fins pédagogiques sous la supervision d'un enseignant dûment habilité, ce qui exclut les activités récréatives réalisées après les cours ; qu'en jugeant cependant que le dommage subi par M. [I] [C] [O] durant un jeu de hockey, organisé après les cours à des fins exclusivement récréatives et en dehors de la supervision d'un professeur d'éducation physique et sportive, au sein du collège [8], établissement privé sous contrat d'association, était de nature à engager la responsabilité de l'État aux motifs que le professeur de musique qui y avait participé « avait les qualités requises pour encadrer cette activité puisqu'au moment de l'accident il exerçait déjà depuis sept années l'activité de coach de l'équipe 3 du club de Lille Métropole hockey club et avait antérieurement suivi un cursus de joueur de hockey au niveau national », la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, a violé l'article L. 911-4 du code de l'éducation ».
Réponse de la Cour

10. L'arrêt rappelle que, par application de l'article L. 911-4 du code de l'éducation, la responsabilité de l'Etat se substitue à celle des membres de l'enseignement public pour les faits commis au détriment des élèves qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, que ces faits interviennent tant pendant la scolarité qu'en dehors de celle-ci et que le collège [8] ayant conclu un contrat d'association avec l'Etat, ses enseignants bénéficient du même texte.

11. Il relève ensuite que l'activité de hockey a été organisée au sein du collège et encadrée par un enseignant de celui-ci, M. [G], dans un but d'éducation physique.

12. Il ajoute qu'il importe peu que M. [G], ne soit pas professeur d'éducation physique dès lors qu'il a la qualité d'enseignant dans le collège.

13. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit que la responsabilité de l'Etat était engagée en application de l'article L. 911-4 du code de l'éducation.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi additionnel, dirigé contre l'arrêt du 24 octobre 2019

Enoncé du moyen

15. L'Etat français fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l'appel incident formé par la caisse dans ses conclusions notifiées le 16 août 2018, alors « qu'en jugeant recevable l'appel incident de la caisse, formé plus de trois mois après la notification des conclusions d'appel de M. [I] [C] [O], Mme [V] [H] et Mme [B] [O], appelants principaux, la cour d'appel a violé l'article 909 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 909 et 910 du code de procédure civile :

16. Selon le premier de ces textes, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour former le cas échéant appel incident.

17. Il résulte du second, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'est recevable dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions portant appel incident l'appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé en réponse à l'appel incident de ce dernier qui modifie l'étendue de la dévolution résultant de l'appel principal et tend à aggraver la situation de ce dernier (2e Civ., 14 avril 2022, pourvoi n° 20-22.362).

18. Pour déclarer recevable l'appel incident de la caisse formé contre l'Etat français, l'arrêt retient que celle-ci a relevé appel incident dans le délai de trois mois de la notification des conclusions d'autres intimés portant appel incident.

19. En statuant ainsi, alors que l'appel incident de la caisse avait été formé plus de trois mois après la notification des conclusions des appelants et que l'appel incident formé par M. [G], le collège [8] et la société Mutuelle Saint-Christophe assurances n'avait pas modifié l'étendue de la dévolution résultant de l'appel principal ni aggravé la situation de la caisse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

20. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

21. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie en effet, que la Cour de cassation statue sur le fond, après la cassation de l'arrêt du 24 octobre 2019.

22. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 19 que l'appel incident formé par la caisse à l'encontre de l'Etat français est irrecevable.

23. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 24 octobre 2019 entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions de l'arrêt du 25 juin 2020, condamnant l'Etat français à payer à la caisse diverses sommes et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ordonnant la capitalisation des intérêts sur les sommes à payer à la caisse dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

24. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

25. La cassation de l'arrêt du 25 juin 2020 prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi formé par l'Etat français dirigé contre l'arrêt du 25 juin 2020 ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable l'appel incident formé par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7].

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] aux dépens exposés devant la cour d'appel de Douai afférents à l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 ;

Rejette les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 24 octobre 2019 ;

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne l'Etat français à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] les sommes de 70 243,68 euros au titre des prestations servies à M. [I] [C] [O], de 1 800 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de frais de gestion et de 3 000 euros d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile et ordonne la capitalisation des intérêts sur les sommes à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 25 juin 2020 entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Douai, cassé, et l'arrêt rendu le 25 juin 2020 par cette même cour d'appel, partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-20563
Date de la décision : 21/09/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Appel incident - Appel incident formé à l'encontre d'un co-intimé - Délai - Détermination

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Instituteur - Substitution de la responsabilité de l'Etat - Conditions

Doit être considéré comme membre de l'enseignement au sens de l'article L. 911-4 du code de l'éducation, l'enseignant d'un établissement privé ayant conclu un contrat d'association avec l'Etat, qui encadre une activité sportive au sein de cet établissement, même hors temps scolaire. Il résulte de l'article 910 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'est recevable, dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions portant appel incident, l'appel incidemment relevé par un intimé contre un autre intimé, en réponse à l'appel incident de ce dernier, qui modifie l'étendue de la dévolution résultant de l'appel principal et tend à aggraver la situation de ce dernier. Viole ces textes la cour d'appel qui déclare recevable l'appel incident d'un intimé, formé plus de trois mois après la notification des conclusions des appelants en l'absence de modification de l'étendue de la dévolution résultant de l'appel principal et d'aggravation de la situation de cet appelant incident


Références :

Article L. 911-4 du code de l'éducation

article 910 du code de procédure civile

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 25 juin 2020

2e Civ., 14 avril 2022, pourvoi n° 20-22362, Bull. (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 sep. 2023, pourvoi n°20-20563, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:20.20563
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