LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 543 FS-D
Pourvoi n° R 22-17.030
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
La société caisse de Crédit mutuel région [Localité 3], association coopérative à responsabilité limitée et à capital variable , dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-17.030 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [M] [N], domicilié chez ADC Nord Picardie, [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] et de Me Laurent Goldman, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2022), par acte notarié du 30 septembre 1999, la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] (la banque) a consenti à M. [N] (l'emprunteur) un prêt immobilier in fine souscrit en francs suisses, à taux variable et indexé sur le LIBOR francs suisses 3 mois.
2. Faute de paiement de l'intégralité du capital emprunté à l'échéance, la banque a mis en oeuvre des mesures d'exécution, levées à la suite du règlement du solde du prêt au moyen d'un nouvel emprunt souscrit auprès d'une autre banque.
3. Le 6 novembre 2014, l'emprunteur a assigné la banque en constatation du caractère abusif de clauses de remboursement et de change, ainsi qu'en restitution.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée aux demandes de restitution fondées sur le caractère abusif des clauses 5.3 et 10.5, de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors :
« 1°/ que l'action tendant à la restitution de sommes versées sur le fondement de clauses prétendument abusives relatives au remboursement d'un prêt en devise et au risque de change supporté par l'emprunteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le consommateur a été en mesure de constater une importante dépréciation de l'euro par rapport à la devise empruntée ; que pour dire non-prescrite l'action en restitution fondée sur le caractère prétendument abusif des clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a retenu que les effets du changement de parité entre le franc suisse et l'euro s'étaient manifestés à la date de l'échéance du remboursement du capital du prêt in fine, soit le 31 juillet [lire : août] 2014, de sorte que l'action introduite le 6 novembre 2014 n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'appréciation significative du franc suisse par rapport à l'euro ne s'était pas faite ressentir sur le marché des changes dès janvier 2009, mettant ainsi l'emprunteur en mesure de prendre conscience du risque de change encouru, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
2°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt censuré ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de restitution fondées sur le caractère abusif des clauses 5.3 et 10.5 emportera sa censure en ce qu'il a condamné la Caisse à restituer à M. [N] les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, en application de l'article 624 du code de procédure civile.»
Réponse de la Cour
6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l'acceptation de l'offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l'ensemble de ses droits découlant de cette directive.
7. Elle a précisé que les modalités de mise en oeuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive relèvent de l'ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l'autonomie procédurale, que, cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité) (point 27).
8. Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), elle a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13 ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérification, que, à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.
9. Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil et à l'article L. 110-4 du code de commerce, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
10. La cour d'appel a jugé abusives les clauses 5.3 et 10.5 du contrat.
14. Il en résulte que l'action en restitution fondée sur le caractère abusif de ces clauses était recevable.
15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions des articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
9. La banque fait grief à l'arrêt de juger abusives les clauses 5.3 et 10.5, de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, de condamner l'emprunteur à lui payer la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors :
« 1°/ que les clauses définissant l'objet principal du contrat ne peuvent être contrôlées au titre de la législation sur la lutte contre les clauses abusives que si elles ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible et, dans cette hypothèse, elles ne peuvent être déclarées abusives que si elles instaurent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment du consommateur ; que des clauses relatives au remboursement d'un prêt libellé en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, et qui définissent ainsi l'objet principal du contrat, sont rédigées de manière claire et compréhensible si elles contiennent des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, la cour d'appel, après avoir admis qu'elles définissaient l'objet principal du contrat, a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en déduisant l'existence du déséquilibre significatif du seul fait que les clauses litigieuses n'étaient pas rédigées de manière claire et compréhensible, sans se prononcer sur l'incidence des clauses sur les droits et obligations des parties, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995 ;
2°/ que les clauses d'un prêt en devise relatives au remboursement et au risque de change pesant sur l'emprunteur, qui définissent l'objet principal du contrat, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur si le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte des clauses litigieuses ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel, après avoir admis qu'elles définissaient l'objet principal du contrat, a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la Caisse pouvait raisonnablement s'attendre, en respectantl'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change résultant des clauses litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995 ;
3°/ que le caractère abusif d'une clause s'apprécie à la date de la conclusion du contrat qui la contient ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, au jour de la conclusion du prêt litigieux le 30 septembre 1999, la parité entre le franc et le franc suisse n'était pas suffisamment stable et équilibrée pour exclure tout déséquilibre significatif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995 ;
4°/ qu'une clause est abusive si elle instaure, au jour de la conclusion du contrat, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les clauses litigieuses n'avaient pas, au jour du contrat, pour contrepartie le bénéfice d'un taux d'intérêt particulièrement attractif pour l'emprunteur, ce qui excluait tout déséquilibre significatif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995 ;
5°/ que la clause d'un prêt en devise relative aux modalités de remboursement mettant le risque de change à la charge de l'emprunteur en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse n'est pas abusive dès lors que le prêteur assume de son côté le risque de dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si tout déséquilibre significatif n'était pas exclu du fait que, si l'article 10.5 prévoyait que l'emprunteur assumait le risque de change en cas de dépréciation de l'euro, le prêteur assumait pour sa part le même risque en cas d'appréciation de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel a constaté que le contrat de prêt comportait une clause 5.3 « remboursement du crédit » qui disposait : « Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée. Les échéances seront débitées sur tout compte en devise ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. La monnaie de paiement est le franc français ou l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en francs français ou en euros les échéances au moment de leur prélèvement. Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en francs français ou en euros) ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. Les frais des garanties seront payables en francs ou en euros. Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en francs français ou en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en francs français ou en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou du coemprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré », ainsi qu'une clause 10.5 stipulant : « Il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et le franc français ou l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt. »
11. Après avoir énoncé que l'exigence de clarté et d'intelligibilité d'une clause ne se réduisait pas au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical et que le contrat devait exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se référait la clause afin que le consommateur soit en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlaient pour lui, la cour d'appel a retenu que la première stipulation comportait des informations contradictoires sur la devise de remboursement du prêt, que le contrat ne comportait aucune information sur la manière selon laquelle elle était mise en oeuvre et sur les modalités de remboursements en francs suisses, alors que l'emprunteur percevait ses revenus en francs français puis en euros, que les autres clauses du contrat ne permettaient pas de déterminer le taux de change applicable pour le paiement des intérêts et le remboursement du capital payable in fine, qu'il n'était justifié d'aucune information délivrée à l'emprunteur sur les éléments fondamentaux tenant au risque de change susceptibles d'avoir une incidence sur la portée de son engagement et que celui-ci n'avait pas pu évaluer les conséquences économiques de la clause sur ses obligations financières et prendre conscience des difficultés auxquelles il serait confronté en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus.
12. Faisant ainsi ressortir, d'une part, que la banque n'avait pas fourni à l'emprunteur, en sa qualité de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses litigieuses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, d'autre part, que la banque ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard de l'emprunteur, à ce que celui-ci acceptât, à la suite d'une négociation individuelle, les risques disproportionnés susceptibles de résulter de telles clauses, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, en a exactement déduit que la clause de remboursement, qui portait sur l'objet du contrat, n'était ni claire ni compréhensible et qu'elle créait un déséquilibre significatif entre la banque et les emprunteurs, de sorte qu'elle devait, avec la clause de change en lien avec elle, être réputée non écrite.
13. Le moyen, nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable, en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus.
14. La demande de question préjudicielle, formée hors délai, est irrecevable.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
15. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, de condamner l'emprunteur à lui payer la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors « que l'accipiens tenu de restituer la contrevaleur en euros d'une somme d'argent perçue en devise doit opérer la restitution en appliquant le taux de change en vigueur au jour où il restitue ; qu'au cas présent, après avoir déclaré non-écrites les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devise in fine et au risque de change, la cour d'appel, jugeant que le remboursement en devises ne pouvait subsister, a condamné M. [N] à restituer à la Caisse la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change en vigueur à la date de la mise à disposition des fonds ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995. »
Réponse de la Cour
16. Par arrêt du 21 décembre 2016 (C-154/15), la CJUE a jugé que l'article 6, § 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu'une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n'ayant jamais existé, de sorte qu'elle ne saurait avoir d'effet à l'égard du consommateur et que, partant, la constatation judiciaire du caractère abusif d'une telle clause doit, en principe, avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l'absence de ladite clause et emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l'égard de ces mêmes sommes.
17. Ayant relevé que les clauses réputées non écrites constituaient l'objet principal du contrat et que celui-ci n'avait pu subsister sans elles, la cour d'appel a exactement retenu que l'emprunteur devait restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et que celle-ci devait lui restituer toutes les sommes perçues en exécution du prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen auquel la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] a déclaré renoncer, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre