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15/06/2023 | FRANCE | N°21-14197

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 juin 2023, 21-14197


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 juin 2023

Rejet

Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 604 FS-B

Pourvoi n° R 21-14.197

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023

M. [S] [B], domicilié

[Adresse 5], a formé le pourvoi n° R 21-14.197 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le li...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 juin 2023

Rejet

Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 604 FS-B

Pourvoi n° R 21-14.197

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023

M. [S] [B], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° R 21-14.197 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la Mutualité fonction publique services, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à la société Mutuelle Uneo, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [B], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller faisant fonction de conseiller doyen, MM. Martin, Pedron, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 2021), M. [B], victime d'un accident de la circulation le 15 mars 1998, a conclu le 2 juillet 2002 avec la société GMF assurances une transaction lui allouant une certaine somme « tous chefs de préjudice confondus, hormis les frais d'appareillage à charge ».

2. Le 29 juin 2015, un juge des référés, saisi par M. [B] qui se prévalait d'une aggravation de son préjudice, a ordonné une mesure d'expertise médicale. L'expert désigné a conclu à l'absence d'aggravation, tant fonctionnelle que situationnelle, à l'existence de nouvelles douleurs et à la nécessité de nouveaux soins pour réduire ou prévenir une aggravation.

3. M. [B] a saisi un tribunal de grande instance en indemnisation de l'aggravation de son état de santé et a sollicité, notamment, la prise en charge de frais liés à l'acquisition de prothèses et de fauteuils roulants plus performants ou destinés à la pratique d'un handisport.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [B] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes relatives aux dépenses de santé d'appareillage, alors :

« 1°/ que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que l'augmentation du coût de renouvellement des appareils et prothèses permettant de compenser le handicap consécutif à ce dommage corporel constitue un préjudice autonome, distinct du préjudice correspondant au coût initial des frais d'appareillage dont il constitue une aggravation ; qu'il s'ensuit que la demande d'indemnisation de ce préjudice aggravé ne commence à se prescrire qu'à compter de sa caractérisation, peu important que le taux de déficit fonctionnel permanent correspondant au handicap n'ait, quant à lui,
pas varié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevable, comme prescrite, la demande de M. [B] tendant à l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, en considérant qu'aucune aggravation fonctionnelle n'avait été constatée, et que les progrès technologiques des équipements qui pouvaient être utilisés pour compenser son handicap n'avaient pas entraîné de dégradation de sa situation, de sorte que le coût associé, demeuré à la charge de M. [B], ne pouvait pas être rattaché à l'existence d'un préjudice nouveau lié à l'aggravation de son état de santé; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'augmentation du coût lié à l'acquisition ou au renouvellement d'équipements destinés à compenser le handicap causé par un accident, en raison de progrès technologiques, s'analyse en une aggravation situationnelle du préjudice initial, consécutive à une évolution des modalités de compensation de ce handicap par le recours à de tels équipements, la cour d'appel a violé l'article 2226 du code civil ;

2°/ que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que, lorsque la victime est affectée d'un handicap moteur, le coût lié à l'acquisition des équipements nécessaires à une pratique sportive, fût-elle débutée après l'accident, constitue un préjudice réparable puisque, sans l'accident, la victime aurait pu entamer cette pratique sans avoir à exposer des frais supplémentaires liés à son handicap ; qu'en l'espèce, M. [B] sollicitait l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, date de l'aggravation retenue par l'expert judiciaire, avec une capitalisation viagère pour tenir compte du renouvellement des équipements concernés ; puisque, sans l'accident, la victime aurait pu entamer cette pratique sans avoir à exposer des frais supplémentaires liés à son handicap ; qu'en l'espèce, M. [B] sollicitait l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, date de l'aggravation retenue par l'expert judiciaire, avec une capitalisation viagère pour tenir compte du renouvellement des équipements concernés ; qu'il demandait notamment l'indemnisation du coût d'acquisition et de renouvellement d'un fauteuil roulant de sport de type RGK Elite ; que la cour d'appel a déclaré prescrite la demande d'indemnisation au titre des frais d'appareillage, après avoir relevé que l'état de M. [B] avait été considéré comme consolidé le 15 mars 2000, date à laquelle son besoin en appareillage était connu, dans la mesure où ce besoin n'avait pas évolué depuis, aucune aggravation fonctionnelle n'ayant été constatée ; qu'elle a ajouté que « les progrès technologiques n'ont pas entraîné pour M. [B] une dégradation de sa situation », et que sa décision de pratiquer le basket à partir de 2008, qui l'a conduit à solliciter la prise en charge d'un fauteuil roulant spécifique, résultait d'un choix personnel, concluant que « la demande de changement de modèle de prothèses et de fauteuil ne peut être rattachée à l'existence d'un préjudice nouveau lié à l'aggravation de l'état de santé de M. [B] » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le choix personnel de M. [B] ne portait que sur l'intention de pratiquer un sport, et ne pouvait pas impliquer l'obligation d'assumer le surcoût lié à cette pratique sportive en raison du grave handicap consécutif à l'accident de la circulation dont il avait été victime, de sorte que les frais correspondants s'analysaient en une aggravation situationnelle de son préjudice, dont la prescription n'avait pas pu commencer à courir dès le 15 mars 2000, la cour d'appel a violé l'article 2226 du code civil ;

3°/ que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que, lorsque la victime est affectée d'un handicap moteur, le coût lié au renouvellement des équipements nécessaires pour compenser ce handicap, comme le coût inhérent à l'acquisition d'équipements nouveaux, qui n'étaient pas disponibles sur le marché lors de l'indemnisation initiale, constituent des préjudices réparables autonomes, dès lors que les préjudices liés aux frais d'appareillage n'ont pas été complètement indemnisés à l'origine ; qu'en l'espèce, il sollicitait l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, date de l'aggravation situationnelle retenue par l'expert judiciaire, avec une capitalisation viagère pour tenir compte du renouvellement des équipements concernés ; qu'il ajoutait que sa demande ne pouvait pas être atteinte par la prescription, dans la mesure où ces équipements n'avaient été mis sur le marché, pour les plus anciens, qu'en 2011 et n'existaient pas au moment de l'accident ; qu'il était ainsi question, notamment, de l'acquisition puis du renouvellement, à titre viager, de prothèses plus performantes que celles utilisées par lui depuis la consolidation de son état, ainsi que d'un fauteuil roulant de ville de type RGK Tiga ; que la cour d'appel a déclaré prescrite la demande d'indemnisation au titre des frais d'appareillage, après avoir considéré que son état avait été considéré comme consolidé le 15 mars 2000, date à laquelle son besoin en appareillage était connu, dans la mesure où ce besoin n'avait pas évolué depuis, aucune aggravation fonctionnelle n'ayant été constatée ; qu'elle a ajouté que « les progrès technologiques n'ont pas entraîné pour lui une dégradation de sa situation », concluant que « la demande de changement de modèle de prothèses et de fauteuil ne peut être rattachée à l'existence d'un préjudice nouveau lié à l'aggravation de l'état de santé de M. [B] » ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un préjudice lié à l'augmentation du coût d'acquisition et de renouvellement de prothèses technologiquement adaptées à la compensation de son handicap, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2226 du code civil ;

4°/ que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que, lorsque la victime est affectée d'un handicap moteur, le coût lié au renouvellement des équipements nécessaires pour compenser ce handicap, comme le coût inhérent à l'acquisition d'équipements nouveaux, qui n'étaient pas disponibles sur le marché lors de l'indemnisation initiale, constituent des préjudices réparables autonomes, dès lors que les préjudices liés aux frais d'appareillage n'ont pas été complètement indemnisés à l'origine ; qu'en l'espèce, il sollicitait l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, date de l'aggravation situationnelle retenue par l'expert judiciaire, avec une capitalisation viagère pour tenir compte du renouvellement des équipements concernés ; qu'il ajoutait que sa demande ne pouvait pas être atteinte par la prescription, dans la mesure où ces équipements n'avaient été mis sur le marché, pour les plus anciens, qu'en 2011 et n'existaient pas au moment de l'accident ; que la cour d'appel a déclaré prescrite la demande d'indemnisation au titre des frais d'appareillage, après avoir relevé que son état avait été considéré comme consolidé le 15 mars 2000, date à laquelle son besoin en appareillage était connu, dans la mesure où ce besoin n'avait pas évolué depuis, aucune aggravation fonctionnelle n'ayant été constatée ; qu'elle a ajouté que « les progrès technologiques n'ont pas entraîné pour lui une dégradation de sa situation », concluant que « la demande de changement de modèle de prothèses et de fauteuil ne peut être rattachée à l'existence d'un préjudice nouveau lié à l'aggravation de son état de santé » ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les prothèses et le fauteuil de ville dont il demandait la prise en charge du coût d'acquisition puis le renouvellement, à titre viager, correspondait à un préjudice qui ne se confondait pas avec la prise en charge des équipements précédents qui n'avaient pas été indemnisés, de sorte que ce coût additionnel constituait un préjudice autonome qui n'était né qu'à compter de 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2226 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt retient qu'à la date de la consolidation du 15 mars 2000, les besoins en appareillage de M. [B] étaient connus et n'ont pas évolué depuis, aucune aggravation fonctionnelle n'ayant été constatée.

6. Il ajoute que, s'agissant de l'aggravation situationnelle alléguée, les progrès technologiques des appareillages n'ont pas entraîné de dégradation de la situation de M. [B] et que sa décision de pratiquer le basket, qui le conduit à solliciter la prise en charge d'un fauteuil roulant spécifique, date de 2008.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les préjudices dont il était demandé réparation ne résultaient pas d'une aggravation de l'état de santé de M. [B] et ne constituaient ni une aggravation situationnelle ni un préjudice nouveau, a exactement retenu que ses demandes, présentées postérieurement au 15 mars 2010, se heurtaient à la prescription et étaient irrecevables.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-14197
Date de la décision : 15/06/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription décennale - Article 2226 du code civil - Domaine d'application - Dommage corporel - Absence d'aggravation de l'état de santé - Acquisition de prothèses ou fauteuils roulants

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Aggravation - Action en réparation - Prescription - Autonomie - Portée

Fait une exacte application de l'article 2226 du code civil, la cour d'appel qui, en l'absence d'aggravation de l'état de santé de la victime, déclare prescrite la demande d'indemnisation de frais liés à l'acquisition de prothèses et de fauteuils roulants plus performants ou destinés à la pratique d'un handisport, présentée plus de dix ans après la date de consolidation, en retenant qu'ils ne constituent ni une aggravation situationnelle ni un préjudice nouveau


Références :

Article 2226 du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 jui. 2023, pourvoi n°21-14197, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SARL Cabinet Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.14197
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