LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 339 F-D
Pourvoi n° P 22-15.763
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ M. [F] [V],
2°/ Mme [R] [W],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° P 22-15.763 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [P] [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [V] et de Mme [W], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022), Mme [I] (la bailleresse), propriétaire d'un appartement donné à bail à M. [V] et Mme [W] (les locataires), leur a, le 25 juin 2019, délivré un congé aux fins de vente de l'immeuble, au prix de 370 000 euros.
2. Les locataires n'ayant ni accepté l'offre d'acquérir le bien à ce prix, ni quitté les lieux au terme du délai de préavis, la bailleresse les a assignés en constatation de la résiliation du bail et en expulsion.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. Les locataires font grief à l'arrêt de constater la résiliation du bail et d'ordonner leur expulsion, alors « que le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l'attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 ; que pour juger que le congé était valide, la cour d'appel a considéré que les exposants se fondaient "de manière erronée sur les dispositions de l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 reproduites à l'article 15 III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui concerne les logements conventionnés" et que "le logement n'entrant pas dans les prévisions de ce texte, aucune offre de relogement n'était mise à la charge de Mme [I], il y a lieu de rejeter la demande de nullité du congé pour ce motif" ; qu'en statuant ainsi quand l'encadrement du droit de donner congé du bailleur en présence d'un locataire âgé prévu par l'article 15 III de la loi du 6 juillet 1989 n'est pas limité aux logements conventionnés, la cour d'appel a violé ce texte. » Réponse de la Cour
Vu l'article 15, III, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :
4. Il résulte de ce texte que, sauf exceptions tenant à son âge ou à ses revenus, le bailleur ne peut délivrer un congé pour vente au locataire de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques énoncées à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948.
5. Pour rejeter la demande de nullité du congé, l'arrêt retient que le logement loué n'entre pas dans les prévisions de ce texte qui n'est applicable qu'aux logements locatifs conventionnés.
6. En statuant ainsi, alors que l'encadrement du droit de donner congé en présence d'un locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et doté de ressources modestes n'est pas limité aux logements locatifs conventionnés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Les locataires font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la bailleresse une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen en ce que la cour d'appel a débouté les exposants de leurs demandes de nullité du congé et de renouvellement du bail entraînera, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué en ce que la cour d'appel a condamné les exposants au paiement d'une indemnité pour procédure abusive, les chefs de dispositif attaqués étant dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
9. La cassation des chefs de dispositif constatant la résiliation du bail et ordonnant l'expulsion des locataires s'étend au chef de dispositif les condamnant au paiement d'une indemnité pour procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne Mme [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.