LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 369 F-B
Pourvoi n° W 21-21.424
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023
1°/ La Société d'avocats Rémy Hassan (SARH), société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ la société Ph. Constant et [V] [C], dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [V] [C], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la Société d'avocats Rémy Hassan,
3°/ la société Garnier [M], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de Mme [B] [M], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la Société d'avocats Rémy Hassan,
ont formé le pourvoi n° W 21-21.424 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant à la société [H], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [F] [H], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hélios Strategia, défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société d'avocats Rémy Hassan (SARH) et de la société Garnier [M], ès qualités, de la SCP Le Griel, avocat de la société [H], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2021), la Société d'Avocats Rémy Hassan (la SARH) est l'un des avocats de la société Hélios Strategia (la société Hélios). La construction d'une centrale photovoltaïque, confiée par la société Hélios à la société Rev'Solaire, a donné lieu à un contentieux à l'occasion duquel la SARH a représenté la société Hélios. Des saisies-attributions ayant été pratiquées pour appréhender l'indemnité due à la société Hélios par l'assureur de la société Rev'Solaire, des fonds ont été versés, le 8 juin 2016, sur le compte de la SARH ouvert à la caisse des règlements pécuniaires des avocats (la CARPA). Le 9 juin 2016, après que la SARH eut fait signer par son client, le 5 mai 2016, une autorisation de paiement sur son compte CARPA, un chèque d'un montant de 199 034,21 euros a été émis par la CARPA au bénéfice de la SARH en paiement de ses honoraires.
2. Par un jugement du 22 juin 2016, la société Hélios a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 11 mars 2015. La société [H] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. La société David Lacombe, désignée en qualité d'administrateur, a assigné la SARH pour obtenir l'annulation du paiement qu'elle avait reçu.
3. Par un jugement du 16 mars 2017, le redressement judiciaire de la société Hélios a été converti en liquidation judiciaire. La société [H], désignée en qualité de liquidateur, a repris l'instance et demandé le rapport du paiement obtenu par la SARH.
4. Par un jugement du 10 août 2020, la SARH a été mise en sauvegarde. Son plan de sauvegarde a été arrêté par un jugement du 25 novembre 2021, la société Garnier [M] étant désignée en qualité de commissaire à son exécution.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La SARH et le commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde font grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la SARH et d'ordonner le rapport de la somme de 199 034,21 euros à la liquidation judiciaire de la société Hélios, alors :
« 1°/ qu'un paiement par chèque ne peut être attaqué par la voie d'une action en rapport que s'il a été fait par le débiteur en cessation des paiements avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en retenant au contraire que "la loi de sauvegarde des entreprises n'exige plus pour le prononcé des nullités facultatives, et par extension, pour l'action en rapport, l'existence d'un acte accompli par le débiteur, de sorte que l'action est recevable (...) en cas d'émission de chèques par des tiers, pour le compte du débiteur", la cour d'appel a violé les articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce ;
2°/ qu'un paiement par chèque ne peut être attaqué par la voie d'une action en rapport que s'il a été fait par le débiteur en cessation des paiements avant l'ouverture de la procédure collective, ce qui suppose, en cas de chèque émis par un tiers, que le débiteur lui ait préalablement versé la contrepartie nécessaire à ce paiement ; qu'en jugeant que le paiement de la somme de 199 044 euros à la SARH au moyen d'un chèque émis par la CARPA pouvait être attaqué par l'administrateur puis le liquidateur judiciaire de la société Hélios dans le cadre d'une action en rapport, sans établir que ce paiement émanait en réalité de la société Hélios qui aurait préalablement remis au tireur les fonds nécessaires à ce paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des articles L. 632-1, I, alinéa 1, et L. 632-3, alinéa 2, du code de commerce qu'un paiement par chèque effectué par un tiers pour le compte du débiteur, intervenu depuis la date de cessation des paiements, est soumis à l'action en rapport dès lors que les fonds du débiteur ont constitué la contrepartie permettant l'émission de ce chèque et que son bénéficiaire avait connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur.
8. Ayant constaté, par motifs adoptés, que le paiement litigieux a été effectué par un chèque émis au moyen de fonds déposés sur un sous-compte ouvert à la CARPA au nom de la société Hélios, après autorisation de cette dernière, et, ainsi, fait ressortir que ces fonds, propriété de la société Hélios, ont constitué la contrepartie qui en a permis l'émission, l'arrêt retient exactement que ce chèque, remis à la SARH en paiement de ses honoraires alors qu'elle connaissait l'état de cessation des paiements de la société Hélios, constitue un paiement effectué par un tiers pour le compte de la société débitrice, de sorte qu'il est soumis à l'action en rapport.
9. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société d'avocats Rémy Hassan (SARH) aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'avocats Rémy Hassan (SARH) et la société Garnier [M], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la Société d'avocats Rémy Hassan, et les condamne à payer à la société [H], en sa qualité de liquidateur de la société Hélios Strategia, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.