LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mai 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 350 F-D
Pourvoi n° M 21-25.440
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 MAI 2023
La société Benoit Chapelle, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-25.440 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Les Vignobles du Châtel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Regis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Benoit Chapelle, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Vignoble du Châtel, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Regis, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 16 septembre 2021), la société Benoit Chapelle, ayant notamment pour activité le négoce de vins en Chine, a confié à M. [T] un mandat d'agent commercial.
2. Après avoir mis fin à ce contrat, M. [T] a assigné la société Benoit Chapelle aux fins de voir juger que la rupture de ce contrat était imputable à cette société et d'obtenir sa condamnation à lui verser une indemnité de rupture.
3. La société Benoit Chapelle a assigné en intervention forcée la société Les Vignobles du Châtel, à laquelle elle reprochait de s'être rendue complice de la violation par M. [T] de son obligation de non-concurrence.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société Benoit Chapelle fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses prétentions à l'encontre de la société Les Vignobles du Châtel, alors « que pour exclure tout acte imputable à la société Les Vignobles du Châtel matérialisant la complicité de cette dernière dans la violation de l'obligation de non-concurrence pesant sur M. [T], l'arrêt retient qu'il ne pouvait "être accordé aucun caractère probant aux échanges de mail qui auraient été échangés le 5 juin 2015 entre un représentant de la société Les Vignobles du Châtel et "Zhao Junjie" concernant les coordonnées d'un vendeur sur [Localité 3] que la société Benoit Chapelle produit en pièces 5.3 et 5.4, alors qu'aucun élément ne permet d'identifier les auteurs des messages dont la chronologie diffère d'une pièce à l'autre" ; qu'en statuant ainsi, quand l'identité des auteurs des messages figurait sur les mails, ainsi que leur date, la cour d'appel a dénaturé les pièces 5.3 et 5.4 produites aux débats par la société Benoit Chapelle, violant le principe qui interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour rejeter l'intégralité des demandes de la société Benoit Chapelle, l'arrêt retient qu'aucun élément ne permet d'identifier les auteurs des courriels produits par cette société en pièces 5.3 et 5.4, dont la chronologie diffère d'une pièce à l'autre, et qu'il ne peut leur être accordé aucun caractère probant.
6. En statuant ainsi, alors que figuraient sur cet échange de courriels, qui, selon la société Benoit Chapelle, démontrait que la société Les Vignobles du Châtel avait présenté à l'un de ses clients M. [T] comme l'un de ses agents commerciaux, à une date où ce dernier était encore tenu à une obligation de non-concurrence, la date de chacun des messages et l'identité de leurs émetteurs et destinataires, dont la qualité était précisée par la société Benoit Chapelle dans ses écritures, la cour d'appel, qui a dénaturé ces documents, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon autrement composée ;
Condamne la société Les Vignobles du Châtel aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Vignobles du Châtel et la condamne à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.