LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mai 2023
Rejet
Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 492 F-D
Pourvoi n° F 21-20.674
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
La société Suez eau France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 21-20.674 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la commune de [Localité 2], prise en la personne de son maire en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 1],
2°/ au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Alpages 2, dont le siège est [Adresse 3], représenté par son syndic la société Lamy, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Suez eau France, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la commune de [Localité 2], prise en la personne de son maire en exercice et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Suez eau France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Alpages 2, pris en la personne de son syndic la société Lamy.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2021), contestant la perception, pour le compte de la commune de Morzine, de la redevance d'assainissement des eaux effectuée par la société Lyonnaise des eaux aux droits de laquelle vient la société Suez eau France (la société), vingt-sept syndicats de copropriétaires les ont assignées en restitution du paiement des redevances.
3. Par un arrêt du 27 mai 2021, la cour d'appel, dans l'une des vingt-huit procédures, a fait droit à la demande et condamné la commune à verser 300 euros à l'un des syndicats de copropriétaires et 3000 euros à la société en application de l'article 700 du code de procédure civile.
4. Soutenant qu'une erreur matérielle affectait le montant de l'indemnité octroyée à la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la commune a saisi la juridiction en rectification d'erreur matérielle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt d'ordonner la rectification de l'arrêt n° 2020-22, prononcé le 23 janvier 2020, dans la procédure référencée sous le numéro 18/09628 du répertoire général, en ce sens que, dans les motifs et le dispositif de la page 13, la somme de 3.000 euros allouée à la société Suez eau France est remplacée par celle de 300 euros, et d'ordonner la mention de cette décision rectificative sur la minute de l'arrêt et dit qu'elle figurerait sur les expéditions qui seront délivrées, alors :
1° / que « seules les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, le juge ne pouvant, sous couvert de rectifier une erreur matérielle qui entacherait une décision qu'il a rendue, modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultaient de celle-ci ; que dans le dispositif de son précédent arrêt du 23 juin 2020, la cour d'appel de Paris a condamné la commune de Morzine à payer à la société Suez eau France la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, cette décision étant ainsi motivée : « la condamnation prononcée en première instance au titre des dépens ainsi que le rejet de la demande du syndicat des copropriétaires au titre de ses frais irrépétibles dirigées à l'encontre de la société Suez eau France seront confirmés ; que la commune de [Localité 2] sera condamnée aux dépens d'appel et à payer au syndicat des copropriétaires intimé la somme de 300 euros et à la société Suez eau France la somme de 3 000 euros au titre des frais qu'ils ont exposés pour assurer leur défense devant la cour » ; que, pour faire droit à la requête de la commune de Morzine et ordonner la rectification de son arrêt du 23 janvier 2020 en ce sens que dans les motifs et le dispositif de la page 13 la somme de 3.000 euros allouée à la société Suez eau France est remplacée par celle de 300 euros, la cour d'appel a retenu que si elle ne pouvait, sous couvert de rectification d'une erreur matérielle, modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultent de la décision objet du recours en rectification, elle pouvait en revanche « rectifier l'erreur matérielle qui affecte sa décision lorsque, comme en l'espèce, elle a fixé l'indemnité due à l'une des parties, au titre de ses frais irrépétibles, au regard du fait qu'il a été statué, par des décisions distinctes, sur un litige identique qui opposait l'appelante à 27 autres parties et elle a fixé l'indemnité au profit d'une intervenante forcée, également présente dans les vingt-huit procédures à un montant dix fois supérieur », la cour d'appel énonçant que « cette appréciation prend en compte, s'agissant des syndicats intimés, le caractère sériel du litige qui opposait la commune aux syndicats des copropriétaires représentés par un même conseil, leur défense commune et le rejet d'une partie de leurs demandes et, s'agissant de la société Suez eau France, le bien-fondé d'une défense soutenue dans des termes identiques dans les vingt-huit dossiers » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a procédé à une nouvelle analyse des éléments de cause et modifié les droits et obligations des parties tels qu'ils résultaient de l'arrêt du 23 janvier 2020, en violation de l'article 462 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs qui ne permettent pas de caractériser l'existence d'une erreur matérielle qui aurait entaché son précédent arrêt du 23 janvier 2020, la cour d'appel a encore violé l'article 462 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. C'est dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de l'article 700 du code de procédure civile, exclusif de toute exigence de motivation, que la cour d'appel, saisie d'une demande de rectification d'erreur matérielle, a rectifié les montants des sommes allouées à ce titre.
8. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Suez eau France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Suez eau France et la condamne à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.