LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 avril 2023
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 416 F-D
Pourvoi n° K 22-15.668
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023
La Société d'avitaillement stockage carburant aviation, société en non collectif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-15.668 contre le jugement rendu le 19 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Créteil (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant au syndicat CGT SASCA (union locale CGT [Localité 3]), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Société d'avitaillement stockage carburant aviation, après débats en l'audience publique du 8 mars 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué n° RG 21/00910 (tribunal judiciaire de Créteil, 19 avril 2022) et les productions, la Société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation (la société) a saisi, par requête du 1er octobre 2021, le tribunal aux fins d'annulation de la désignation par le syndicat CGT SASCA le 6 septembre 2021 de M. [O] et, le 14 septembre 2021, de M. [I] en qualité de délégués syndicaux d'entreprise.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. La société fait grief au jugement de déclarer irrecevables les demandes d'annulation des désignations de M. [O] et de M. [I] en qualité de délégués syndicaux, alors « que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé ; qu'en statuant sur les demandes tendant à l'annulation des désignations, en qualités de délégués syndicaux, de MM. [O] et [I], sans que ces derniers n'aient été ni entendus ni appelés en la cause, les juges du fond ont violé l'article 14 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2143-8 et R. 2314-24 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen, examinée d'office, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile
3. Seule la partie qui n'a pas été convoquée à l'instance peut se prévaloir de la méconnaissance des prescriptions de l'article R. 2314-25 du code du travail.
4. Le moyen n'est, dès lors, pas recevable.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. La société fait le même grief au jugement, alors « que la demande en justice, même formée devant une juridiction incompétente, interrompt les délais de prescription et de forclusion ; qu'en déclarant irrecevables les demandes tendant à l'annulation des désignations de M. [O] et de M. [I] au motif que les demandes avaient été reçues par le greffe du tribunal judiciaire de Créteil le 1er octobre 2021, quand il constatait que les demandes avaient été initialement formées, le 23 septembre 2021, devant le tribunal de proximité de Villejuif, ce qui avait eu pour effet d'interrompre le délai de forclusion, le tribunal a violé l'article 2241 du code civil, ensemble les articles L. 2143-8 et R. 2124-24 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2241 du code civil et R. 2124-24 du code du travail :
6. Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion y compris lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente.
7. Il résulte de l'article R. 2124-24 du code du travail que lorsque la contestation relative aux opérations électorales porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation.
8. Pour déclarer irrecevables comme forcloses les demandes d'annulation des désignations de M. [O] et M. [I], le jugement énonce que M. [O] a été désigné en qualité de délégué syndical le 6 septembre 2021 et M. [I] le 14 septembre 2021, que les contestations de ces désignations ont été reçues le 1er octobre 2021 au greffe du tribunal judiciaire de Créteil compétent, la demande qui a été faite le 23 septembre 2021 l'ayant été devant le tribunal de proximité de Villejuif qui n'est pas compétent.
9. En statuant ainsi, alors que la demande en annulation des désignations litigieuses, initialement formée le 23 septembre 2021 par la société devant une juridiction incompétente avait interrompu le délai de forclusion, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement n° RG 21/00910 rendu le 19 avril 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Créteil ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.