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19/04/2023 | FRANCE | N°21-19678

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 avril 2023, 21-19678


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 avril 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 409 F-D

Pourvoi n° Y 21-19.678

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

L'Association départementale po

ur la sauvegarde des enfants et des adultes des Hautes-Alpes (ADSEA), dont le siège est, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-19.678 contre l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 avril 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 409 F-D

Pourvoi n° Y 21-19.678

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

L'Association départementale pour la sauvegarde des enfants et des adultes des Hautes-Alpes (ADSEA), dont le siège est, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-19.678 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme [O] [C], divorcée [L], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de l'Association départementale pour la sauvegarde des enfants et des adultes des Hautes-Alpes, de Me Balat, avocat de Mme [C], après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 mai 2021) et les productions, Mme [C] a été engagée par l'Association départementale pour la sauvegarde des enfants et des adultes (ADSEA) des Hautes-Alpes le 19 mai 2009 en qualité de chef de service éducatif, puis en qualité de directrice adjointe d'autres services.

2. Le 12 mai 2016, l'employeur lui a notifié un avertissement.

3. Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 28 juin 2016, la salariée a été licenciée pour faute lourde le 21 juillet 2016.

4. Demandant l'annulation de son avertissement et contestant le bien fondé de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler l'avertissement délivré le 12 mai 2016 à l'encontre de la salariée, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige en matière de sanctions disciplinaires, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit au conseil des prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction, qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'en retenant, pour annuler l'avertissement du 12 mai 2016, que l'ADSEA produisait trois courriers, justifiait de l'ouverture d'une enquête interne et versait le rapport d'enquête au pôle social daté de mars 2016 qui concernait à la fois des faits reprochés à la salariée et à un autre salarié -l'enquête ayant été menée par Mme [N], Mme [F] et Mme [S], sans que la salariée n'ait remis en cause ce choix, dix-huit personnes ayant été auditionnées, dont les salariés qui avaient adressé des courriers à l'employeur s'agissant de la salariée, et celle-ci ne démontrant pas que l'employeur avait volontairement choisi de n'auditionner que certaines personnes de manière ciblée-, qu'il ressortait de ces auditions que le comportement de la salariée avec certains de ses collègues et subordonnés était jugé de manière générale agressif et colérique dans un cadre de lutte de pouvoir, la salariée refusant l'autorité, que toutefois, si la salariée avait été effectivement entendue, elle l'avait été avant d'autres membres du personnel, et elle n'avait pas été interrogée sur les reproches qui étaient repris dans l'avertissement concernant son prétendu refus de l'autorité, son comportement jugé agressif et le dénigrement de l'association, et n'avait donc pas pu s'exprimer sur ce point, outre que la rédaction du rapport d'enquête ne permettait pas de savoir quelles étaient les questions posées par la commission d'enquête et de quelle manière elles l'avaient été, pour en déduire que ces éléments ne permettaient de se convaincre que l'enquête ayant débouché sur l'avertissement avait été menée de manière équilibrée et contradictoire, ni que les faits généraux et imprécis dénoncés pouvaient valablement le fonder, quand il n'en résultait pas que la procédure suivie avait été irrégulière, la cour d'appel a violé l'article L. 1333-1 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de litige en matière de sanctions disciplinaires, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit au conseil des prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction, qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'au surplus, en retenant de la sorte, pour annuler l'avertissement du 12 mai 2016, que l'ADSEA produisait trois courriers, justifiait de l'ouverture d'une enquête interne et versait le rapport d'enquête au pôle social daté de mars 2016 qui concernait à la fois des faits reprochés à la salariée et à un autre salarié -l'enquête ayant été menée par Mme [N], Mme [F] et Mme [S], sans que la salariée n'ait remis en cause ce choix, dix-huit personnes ayant été auditionnées, dont les salariés qui avaient adressé des courriers à l'employeur s'agissant de la salariée, et celle-ci ne démontrant pas que l'employeur avait volontairement choisi de n'auditionner que certaines personnes de manière ciblée-, qu'il ressortait de ces auditions que le comportement de la salariée avec certains de ses collègues et subordonnés était jugé de manière générale agressif et colérique dans un cadre de lutte de pouvoir, la salariée refusant l'autorité, que toutefois, si la salariée avait été effectivement entendue, elle l'avait été avant d'autres membres du personnel, et elle n'avait pas été interrogée sur les reproches qui étaient repris dans l'avertissement concernant son prétendu refus de l'autorité, son comportement jugé agressif et le dénigrement de l'association, et n'avait donc pas pu s'exprimer sur ce point, outre que la rédaction du rapport d'enquête ne permettait pas de savoir quelles étaient les questions posées par la commission d'enquête et de quelle manière elles l'avaient été, pour en déduire que ces éléments ne permettaient de se convaincre que l'enquête ayant débouché sur l'avertissement avait été menée de manière équilibrée et contradictoire, ni que les faits généraux et imprécis dénoncés pouvaient valablement le fonder, sans s'expliquer sur les trois courriers versés aux débats par l'ADSEA au soutien de l'avertissement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale au regard de l'article L. 1333-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1333-1 du code du travail :

7. Aux termes de ce texte, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

8. Pour annuler l'avertissement notifié le 12 mai 2016, l'arrêt, après avoir constaté que l'employeur produisait trois courriers émanant d'une infirmière, de la maîtresse de maison et du psychologue dénonçant les agissements de la salariée, ainsi qu'un rapport d'enquête interne diligentée à la suite de ces dénonciations, relève qu'il ressort de cette enquête que le comportement de la salariée avec certains de ses collègues et subordonnés est jugé de manière générale agressif et colérique dans un cadre de lutte de pouvoir.

9. Il retient que, toutefois, si la salariée a été effectivement entendue, elle l'a été avant d'autres membres du personnel et n'a pas été interrogée sur les reproches qui sont repris dans l'avertissement concernant son prétendu refus de l'autorité, son comportement jugé agressif et le dénigrement de l'association, et n'a donc pas pu s'exprimer sur ce point. Il ajoute que la rédaction du rapport d'enquête ne permet pas de savoir quelles sont les questions posées par la commission d'enquête et de quelle manière elles l'ont été et en conclut qu'il n'est pas établi que l'enquête ayant débouché sur l'avertissement a été menée de manière équilibrée et contradictoire, ni que les faits généraux et imprécis dénoncés pouvaient valablement fonder l'avertissement du 12 mai 2016.

10. En statuant ainsi, alors, d'une part, que le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, la salariée soit entendue sur les griefs susceptibles de lui être ultérieurement reprochés ni que le rapport d'enquête précise le contenu et la formulation des questions posées aux autres salariés, dès lors que les éléments dont l'employeur dispose pour fonder sa décision peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement, d'autre part, qu'elle avait constaté que l'employeur avait produit d'autres éléments que le rapport d'enquête interne, de sorte qu'il lui appartenait d'apprécier la valeur et la portée de l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors
« que la cassation à intervenir sur le premier moyen du chef relatif à l'annulation de l'avertissement du 12 mai 2016 entraînera celle, par voie de conséquence, des chefs sur le licenciement de la salariée, qui se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire, et ce, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen des dispositions de l'arrêt annulant l'avertissement délivré le 12 mai 2016 à la salariée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif critiqués par le deuxième moyen, disant le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur, en conséquence, à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'Association départementale pour la sauvegarde des enfants et des adultes des Hautes-Alpes à verser à Mme [C], diverses sommes n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'Association départementale pour la sauvegarde des enfants et des adultes des Hautes-Alpes aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule l'avertissement délivré le 12 mai 2016 à l'encontre de Mme [C] et en ce qu'il dit que le licenciement de la salariée n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamne l'Association départementale pour la sauvegarde des enfants et des adultes des Hautes-Alpes à verser à Mme [C] diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 18 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne Mme [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-19678
Date de la décision : 19/04/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 18 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 avr. 2023, pourvoi n°21-19678


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.19678
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