LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 avril 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 439 F-D
Pourvoi n° P 21-22.153
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 AVRIL 2023
La Société coopérative d'approvisionnement B.T. Lec-Est, société coopérative de commerçants détaillants à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-22.153 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [T] [S], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la Société coopérative d'approvisionnement B.T. Lec-Est, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 7 juillet 2021), M. [S] a été engagé à compter du 3 janvier 2011 en qualité d'agent polyvalent de magasinage par la société BT Lec-Est Witry, appliquant la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
2. Revendiquant l'application de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire applicable au contrat de travail du salarié la convention collective nationale de commerces de gros et de le condamner à lui payer une somme au titre du rappel de prime d'ancienneté due de mars 2016 à avril 2021, alors « que l'application d'une convention collective dépend de l'activité réelle et principale de l'entreprise ; que les conventions et accords collectifs de travail déterminent leur champ d'application professionnel en termes d'activités économiques ; que l'article 1er de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 (IDCC 573), définissant le champ d'application professionnel de cette convention, ne mentionne pas l'activité de centrale d'achats non alimentaires ; que la référence faite par cet article 1er au ‘'commerce de gros de matériel électrique et électronique'‘ ne concerne pas l'activité de commerce de gros d'appareils électroménagers sous forme de centrale d'achats ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que la société BT Lec-Est exerce une activité de centrale d'achats non alimentaires ; qu'en retenant cependant que cette société relevait de la convention collective de commerces de gros, par la considération, impropre à justifier l'application de cette convention, qu'elle vendait principalement à ses adhérents des appareils électroménagers, la cour d'appel a violé l'article 1er de ladite convention collective, ensemble les articles L. 2222-1 et L. 2261-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1er de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 :
4. Selon ce texte, la présente convention règle sur l'ensemble du territoire national les rapports entre employeurs et salariés des professions dont l'activité exclusive ou principale est le commerce de gros et dont le champ d'application professionnel, défini en termes d'activité économique, est le suivant : (...)
732-2 58-04 Commerce de gros de matériel électrique et électronique, (...)
Les numéros INSEE et les codes APE sont donnés à titre indicatif. Dans le cas d'entreprises à activités multiples (activités de commerces de gros, de prestations de services, de production ou de détail, commercialisant des articles relevant de branches différentes), la convention collective s'appliquera en fonction de l'activité principale déterminée selon les règles de la jurisprudence de la Cour de cassation.
5. Le commerce de gros de matériel électrique et électronique est relatif au commerce de gros de fils, d'interrupteurs et d'autres matériels d'installation électrique à usage professionnel ainsi que d'autres matériels électriques tels que les moteurs et les transformateurs et non au commerce de gros d'appareils électroménagers.
6. Pour dire la convention collective nationale de commerces de gros applicable et condamner l'employeur au paiement d'un rappel de prime d'ancienneté, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la convention collective ne précise pas que la mention "commerce de gros de matériel électrique et électronique" ne se rapporte qu'à des composants électriques et électroniques comme des diodes, des câbles, des prises... et que l'achat d'appareils électroménagers, activité principale de la société, relève bien du commerce de gros.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. La convention collective nationale de commerces de gros n'étant pas applicable à la relation de travail, le salarié doit être débouté de ses demandes en paiement d'une prime d'ancienneté et de remise de bulletin de salaire conforme.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture formée par la société BT Lec-Est Witry, rejette la demande de la société BT Lec-Est Witry tendant à voir écarter des débats les conclusions transmises par RPVA le 14 avril 2021, par le conseil de M. [S], rejette, comme irrecevables, les conclusions transmises par RPVA le 23 avril 2021 par la société BT Lec-Est Witry, déboute M. [S] de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et dit prescrites les demandes formées par M. [S] pour la période antérieure au mois de mars 2016, l'arrêt rendu le 7 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la convention collective nationale de commerces de gros ne s'applique pas au contrat de travail de M. [S] ;
Déboute M. [S] de ses demandes relatives à l'application de cette convention collective ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille vingt-trois.