LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 mars 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 249 F-D
Pourvoi n° R 21-20.683
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 MARS 2023
La société Pechex, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [B] [R] agissant en qualité de mandataire ad hoc, a formé le pourvoi n° R 21-20.683 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2021 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Z] [P], domiciliée [Adresse 3], mandataire judiciaire,
2°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Pechex, représentée par M. [R] agissant en qualité de mandataire ad hoc, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [P] et de la société MMA IARD, après débats en l'audience publique du 7 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 avril 2021), le 22 juin 1990, la société IMC, dirigée par M. [I], a été mise en redressement judiciaire. Le 28 décembre 1990, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, Mme [P] étant désignée en qualité de liquidateur.
2. Un jugement du 29 juillet 1992, confirmé par un arrêt du 1er février 1995, a étendu cette procédure collective à la société Pechex, également dirigée par M. [I].
3. Par deux ordonnances du 5 décembre 2013, confirmées le 31 mars 2014, M. [G] a été nommé en qualité de mandataire ad hoc des sociétés IMC et Pechex pour l'exercice de leurs droits propres.
4. A la demande de ce mandataire ad hoc, un arrêt du 31 décembre 2014 a prononcé la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif.
5. Une ordonnance du 24 mars 2017 a désigné M. [R] en qualité de mandataire ad hoc avec la mission de représenter les intérêts de la société Pechex en justice après la clôture de sa liquidation « et, plus généralement, de prendre toutes dispositions pour préserver les droits de cette société et faire en sorte que la liquidation statutaire de la société soit conforme aux règles en vigueur. »
6. Imputant à Mme [P] des fautes dans sa gestion de la liquidation judiciaire, M. [R], ès qualités, l'a assignée le 31 juillet 2017, ainsi que son assureur, la société Mutuelle du Mans assurances IARD (MMA IARD), en responsabilité civile personnelle afin d'obtenir la réparation du préjudice correspondant à l'actif social existant avant le jugement d'ouverture et perdu en raison des fautes alléguées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [R], ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire irrecevable sa demande tendant à la condamnation de Mme [P] pour faute, alors :
« 1°/ que l'action en responsabilité civile professionnelle, exercée contre le liquidateur à titre personnel pour les fautes commises dans sa gestion, ne suppose pas la réouverture des opérations de liquidation et n'est pas soumise à l'article L. 643-13 du code de commerce ; qu'en disant l'action du mandataire ad hoc, représentant la société Pechex, irrecevable aux motifs que cette disposition n'autorise la réouverture de l'action pour insuffisance d'actif qu'aux "liquidateur précédemment désigné, au ministère public ou par tout créancier intéressé", la cour d'appel a violé ladite disposition par fausse application, ensemble les articles L. 237-2 du code de commerce et 152 de la loi du 25 janvier 1985 (L. 641-9 article du code de commerce), et l'article 31 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en toute hypothèse, la réouverture des opérations de liquidation ne peut être réservée au liquidateur judiciaire anciennement désigné dès lors que la créance à recouvrer est à son encontre ; qu'une telle condition, qui empêcherait le débiteur d'agir contre le liquidateur judiciaire fautif, méconnaît le droit d'accès au tribunal et le principe d'égalité des armes ; qu'en l'espèce il est constant que Maître [R], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Pechex et nommé à cette fin, demandait au visa des "articles 1991, 1992, 1993 et 1153 du code civil, et l'aveu irréfragable de la responsabilité contractuelle, et subsidiairement 1382 du code civil" et, au constat des fautes de gestion de Maître [P], la condamnation de celle-ci et de son assureur à payer à la société Pechex des dommages et intérêts ; qu'en considérant cette action irrecevable aux motifs que cette action serait subordonnée à la réouverture des opérations de liquidation, réservée "au liquidateur précédemment désigné, au ministère public ou à tout créancier intéressé", la cour d'appel a violé l'article L. 643-13 du code de commerce, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
3°/ que le dessaisissement de plein droit du débiteur en liquidation judiciaire de l'administration et de la disposition de ses biens n'entraîne pas la disparition de son droit de propriété sur les créances qu'il a à l'encontre du liquidateur négligent ; qu'en refusant tout droit au débiteur, représenté par un mandataire ad hoc, d'agir en responsabilité contre le liquidateur de la société pour les fautes de gestion commises, la cour d'appel a violé l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
8. D'une part, l'action en responsabilité contre le liquidateur, après clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, est soumise à la reprise préalable des opérations de liquidation judiciaire dans les conditions de l'article L. 643-13 du code de commerce, lorsqu'elle tend à la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers de la procédure collective. L'action en responsabilité, qui tend à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne peut donc être exercée que par un nouveau liquidateur, désigné dans les conditions de l'article L. 643-13 précité, qui a seul qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers.
9. L'arrêt, après avoir relevé, d'un côté, que le mandataire ad hoc de la société Pechex soutient qu'en raison des fautes imputées à l'ancien liquidateur, cette société doit retrouver son patrimoine d'origine, de l'autre, qu'il a été irrévocablement jugé, par le jugement de clôture pour insuffisance d'actif du 2 mai 2014, que les actifs de cette société étaient insuffisants pour apurer le passif et donc pour payer les créanciers, retient qu'à supposer fondée l'action introduite contre l'ancien liquidateur par le mandataire ad hoc, pour le compte de la société débitrice, les sommes susceptibles de lui être allouées à l'issue de la procédure constitueraient un actif de la société qui devrait être distribué aux créanciers.
10. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit, à bon droit, que la recevabilité de l'action exercée par le mandataire ad hoc de la société débitrice était subordonnée à la réouverture préalable de la procédure de liquidation judiciaire et à la désignation d'un nouveau liquidateur, dès lors que cette action avait vocation à faire entrer, dans le gage commun des créanciers sociaux, des sommes devant être réparties entre eux, dans le cadre de la procédure collective ainsi rouverte.
11. D'autre part, contrairement à ce que postule le moyen pris en sa deuxième branche, non seulement la réouverture de la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif n'est pas réservée à l'ancien liquidateur, dès lors que l'article L. 643-13, alinéa 2, précité prévoit que le tribunal peut aussi être saisi par le ministère public ou par tout créancier intéressé, mais, en outre, le débiteur est recevable à agir en responsabilité civile personnelle contre l'ancien liquidateur, après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, dès lors que son action tend à la réparation d'un préjudice personnel ou de la perte d'un éventuel boni de liquidation, distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers de la procédure collective.
12. Enfin, contrairement aux allégations de la troisième branche, pour déclarer irrecevable la demande du mandataire ad hoc, la cour d'appel ne s'est pas fondée sur le principe du dessaisissement frappant le débiteur mis en liquidation judiciaire, mais sur le constat de ce que l'action de ce mandataire tendait à l'allocation de dommages et intérêts ayant vocation à abonder le gage commun des créanciers de la société Pechex.
13. Le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pechex, représentée par M. [R] agissant en qualité de mandataire ad hoc, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pechex, représentée par M. [R] agissant en qualité de mandataire ad hoc, et la condamne à payer à Mme [P] et à la société MMA IARD la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.