LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 22-87.246 F-D
N° 00449
SL2
14 MARS 2023
CASSATION PARTIELLE
NON LIEU A STATUER
DECHEANCE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MARS 2023
Le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, Mmes [D] [J] et [G] [P], MM. [B] [P], [B] [C], [U] [T], [I] [P] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 30 septembre 2022, qui a renvoyé devant la cour d'assises, notamment, Mme [D] [J], MM. [B] [P], [B] [C], [U] [T], [I] [P] et Mme [G] [P], sous l'accusation d'association de malfaiteurs ainsi que, pour les deuxième et troisième, notamment, sous l'accusation de destruction en bande organisée, pour le quatrième, notamment, de corruption active en récidive et, pour les cinquième et sixième, de destruction de preuves.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [G] [P], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 12 décembre 2017, une information a été ouverte à la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille des chefs, notamment, d'assassinat, vol aggravé et destruction par incendie, en bande organisée, association de malfaiteurs et destruction de preuves.
3. Le 10 juin 2018, Mme [G] [P] a été mise en examen des chefs d'association de malfaiteurs et de destruction de preuve. Placée en détention provisoire le même jour, elle a été libérée le 27 juin suivant et mise sous contrôle judiciaire.
4. Le 30 mai 2022, les magistrats instructeurs ont notamment ordonné le renvoi de Mme [P] des chefs susvisés devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône statuant comme JIRS. Par ordonnance distincte du même jour, ils ont maintenu son contrôle judiciaire.
5. Mmes [P] et [J], MM. [C], [T] et [B] [P], notamment, puis le procureur de la République, ont relevé appel de cette décision.
Déchéance des pourvois formés par le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, MM. [B] [P], [U] [T], [B] [C] et Mme [D] [J]
6. Le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, MM. [B] [P], [T], [C] et Mme [J] n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation.
7. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leurs pourvois par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Sur le pourvoi formé par M. [I] [P]
Vu l'article 606 du code de procédure pénale :
8. Il résulte des documents régulièrement communiqués que le demandeur est décédé.
9. En application de l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique est éteinte à son égard, étant relevé qu'il n'y a pas d'intérêts civils en cause.
10. Dès lors, le pourvoi est devenu sans objet.
Sur le pourvoi formé par Mme [P]
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
11. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la mise en accusation de Mme [P], du chef de participation à un groupement fondé ou une entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels de crimes commis en bande organisée et d'homicides volontaires envisagés, et modification des lieux d'un crime, sans désigner la juridiction compétente, alors :
« 1°/ que la chambre de l'instruction doit lorsqu'elle prononce une mise en accusation, désigner la cour d'assises compétente ; qu'en omettant de le faire, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 214 du code de procédure pénale ;
2°/ que la juridiction interrégionale spécialisée créée par la Ioi du 9 mars 2004 ayant une compétence concurrente de celle des juridictions de droit commun en matière de criminalité organisée, la chambre de l'instruction saisie de l'appel interjeté par Mme [P] contre l'ordonnance du juge d'instruction de Marseille ayant ordonné sa mise en accusation devant la cour d'assises des Bouches du Rhône, statuant comme juridiction interrégionale spécialisée pour le jugement des crimes entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale, devait désigner à son tour la juridiction compétente, eu égard aux circonstances de fait et particularités propres à la cause qu'elle devait apprécier ; la Cour de cassation ne peut s'y substituer et désigner la cour d'assises compétente sur le fondement de l'article L 131-5 al. 2 du code de l'organisation judiciaire ; la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 214 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 214, alinéa 1er, du code de procédure pénale :
13. Il résulte de ce texte que la chambre de l'instruction, lorsqu'elle prononce la mise en accusation, doit désigner la cour d'assises ou la cour criminelle départementale compétente.
14. En omettant de le faire en l'espèce, l'arrêt attaqué encourt la censure.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté que le contrôle judiciaire auquel est astreint Mme [P] mise en accusation continue à produire son effet, alors « que selon l'article 181 du code de procédure pénale, le contrôle judiciaire d'une personne renvoyée pour délit connexe devant la juridiction criminelle prend fin avec la décision de mise en accusation, sauf s'il est fait application du troisième alinéa de l'article 179 du même code ; que selon ce dernier texte, le contrôle judiciaire ne peut être maintenu par le juge d'instruction que par une décision distincte de l'ordonnance de renvoi spécialement motivée. II se déduit de ces dispositions que le contrôle judiciaire de la personne renvoyée pour délit connexe devant une cour d'assises prend fin avec l'arrêt de mise en accusation, sauf s'il est maintenu par arrêt distinct et spécialement motivé ; qu'en ordonnant la mise en accusation de [G] [P] pour délit connexe et son maintien sous contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 179, 181, 214 et 215 du code de procédure pénale ; la cassation sur ce point interviendra sans renvoi. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 179, 181, 214 et 215 du code de procédure pénale :
17. Selon l'article 214 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction prononce la mise en accusation devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale des personnes mises en examen à l'égard desquelles il existe des charges d'avoir commis une infraction qualifiée crime par la loi. Elle peut aussi renvoyer devant la juridiction criminelle les infractions connexes, en particulier les délits.
18. Selon l'article 215 du code précité, l'article 181 du même code est applicable, lorsque la chambre de l'instruction prononce la mise en accusation.
19. Selon cet article 181, le contrôle judiciaire des personnes renvoyées pour délit connexe devant la juridiction criminelle prend fin avec la décision de mise en accusation, sauf s'il est fait application du troisième alinéa de l'article 179 du même code.
20. Selon ce dernier texte, la personne renvoyée devant le tribunal correctionnel peut être maintenue sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction, par une décision distincte de l'ordonnance de renvoi et spécialement motivée.
21. Il se déduit de ces dispositions que le contrôle judiciaire de la personne renvoyée pour délit connexe devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale par la chambre de l'instruction prend fin avec l'arrêt de mise en accusation, sauf s'il est maintenu par un arrêt distinct et spécialement motivé.
22. En ordonnant, par l'arrêt attaqué, d'une part, le renvoi de Mme [P] devant la cour d'assises du seul chef de délits connexes, d'autre part, son maintien sous contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés.
23. La cassation est, dès lors, de nouveau encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation à intervenir est limitée à l'omission de la désignation de la cour d'assises devant connaître de l'accusation et aux dispositions relatives à la confirmation du maintien sous contrôle judiciaire de Mme [P]. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur les pourvois formés par le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par M. [B] [P], par M. [T], par Mme [J] et par M. [C] :
CONSTATE la déchéance des pourvois ;
Sur le pourvoi formé par M. [I] [P] :
CONSTATE l'extinction de l'action publique ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
Sur le pourvoi formé par Mme [P] :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 30 septembre 2022, mais seulement en ce qu'il ne désigne pas la cour d'assises devant connaître de l'accusation et en ses dispositions relatives au maintien de Mme [P] sous contrôle judiciaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-trois.