LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 mars 2023
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 236 FS-B
Pourvoi n° E 20-18.507
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 MARS 2023
Mme [V] [U], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-18.507 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2020 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Air Caraïbes, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller doyen, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [U], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Air Caraïbes, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Huglo, conseiller doyen rapporteur, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 29 mai 2020), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 25 janvier 2016, pourvoi n° 14-20.167), Mme [U] a été engagée le 13 mai 1986 par la société Air Caraïbes (la société) et promue en janvier 2004 au poste de responsable « recouvrement contentieux clients » avec un statut de cadre. Depuis le mois de mars 2008, la salariée exerçait par ailleurs un mandat de conseiller municipal et d'adjoint au maire chargé de l'état civil dans une commune comptant plus de 30 000 habitants.
2. Après entretien préalable du 20 septembre 2011, elle a été licenciée le 27 septembre suivant. La lettre de licenciement mentionnait notamment une absence le matin du 1er septembre 2011 pour raisons médicales non justifiées, alors que la présence de la salariée à la mairie célébrant un mariage en sa qualité d'élue locale avait été constatée par deux cadres de la société.
3. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 9 décembre 2011, d'une demande de réintégration et de demandes indemnitaires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et le second moyen, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à obtenir, en réparation du préjudice économique qu'elle a subi, une somme équivalente au montant des salaires et avantages qu'elle aurait perçus jusqu'à la date effective de sa réintégration ainsi que la régularisation de ses droits auprès des organismes sociaux, alors « qu'est nul tout licenciement prononcé à l'égard d'un salarié investi d'un mandat de conseiller municipal ou d'adjoint au maire en raison des absences résultant de sa participation aux séances du conseil ou aux réunions de commissions ou de l'utilisation du crédit d'heures dont il bénéficie pour l'administration de sa commune ; dès lors qu'un tel licenciement caractérise une atteinte à la liberté fondamentale, constitutionnellement garantie, du salarié d'exercer comme tout citoyen un mandat électif local, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration sans déduction des éventuels salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'après avoir ordonné la nullité du licenciement pour avoir été prononcé à l'encontre de Mme [U] en raison d'une absence liée à son activité d'adjointe au maire, l'arrêt énonce que l'employeur est tenu au paiement du montant des salaires que Mme [U] aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration après déduction des sommes perçues au titre d'une autre activité et d'un revenu de remplacement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 2123-1, L. 2123-2, L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales, L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 3 de la Constitution du 4 octobre 1958. »
Réponse de la Cour
6. Les articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 n'instituent pas une liberté fondamentale qui justifierait, en cas de nullité du licenciement prononcé en violation de l'article L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales, la non-déduction des revenus de remplacement perçus par le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration.
7. Ayant annulé le licenciement prononcé en raison de l'absence de la salariée liée à l'exercice de son mandat d'élue locale et ordonné sa réintégration en application des articles L. 2123-2 et L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales, la cour d'appel a exactement retenu que l'employeur était tenu au paiement du montant des salaires que la salariée aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, après déduction des sommes perçues au titre d'une autre activité et du revenu de remplacement servis à la salariée pendant cette période.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [U]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Mme [U] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à obtenir, en réparation du préjudice économique qu'elle a subi, une somme équivalente au montant des salaires et avantages qu'elle aurait perçus jusqu'à la date effective de sa réintégration ainsi que la régularisation de ses droits auprès des organismes sociaux ;
1°) ALORS QU' est nul tout licenciement prononcé à l'égard d'un salarié investi d'un mandat de conseiller municipal ou d'adjoint au maire en raison des absences résultant de sa participation aux séances du conseil ou aux réunions de commissions ou de l'utilisation du crédit d'heures dont il bénéficie pour l'administration de sa commune ; dès lors qu'un tel licenciement caractérise une atteinte à la liberté fondamentale, constitutionnellement garantie, du salarié d'exercer comme tout citoyen un mandat électif local, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration sans déduction des éventuels salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'après avoir ordonné la nullité du licenciement pour avoir été prononcé à l'encontre de Mme [U] en raison d'une absence liée à son activité d'adjointe au maire, l'arrêt énonce que l'employeur est tenu au paiement du montant des salaires que Mme [U] aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration après déduction des sommes perçues au titre d'une autre activité et d'un revenu de remplacement ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les articles L. 2123-1, L. 2123-2, L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales, L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; il ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en refusant d'évaluer l'indemnité d'éviction due à Mme [U] au seul motif qu'elle ne justifiait pas de ses revenus à compter de son licenciement malgré les demandes de son employeur quand il lui appartenait d'ordonner toute mesure d'instruction nécessaire pour en déterminer le montant, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Mme [U] fait grief à attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement d'un rappel de prime d'objectifs ;
ALORS QU'en ne donnant aucun motif à ce rejet, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de Mme [U] qui, à l'appui de sa demande d'un rappel de primes d'objectifs (ses conclusions p. 2 et p. 26), a fait valoir qu'à compter de son élection à un mandat électif local en 2008, elle n'avait plus été évaluée chaque année et n'avait plus perçu de primes d'objectifs, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.