LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er mars 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 215 F-D
Pourvoi n° K 21-19.988
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER MARS 2023
M. [W] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-19.988 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant au groupement d'intérêt économique Ramsay hospitalisation, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommé groupement d'intérêt économique Ramsay générale de santé hospitalisation, défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], de la SCP Foussard et Froger, avocat du groupement d'intérêt économique Ramsay hospitalisation, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2021), M. [R] a été engagé en qualité de directeur d'établissement, le 2 avril 2012, par le groupement d'intérêt économique Ramsay hospitalisation. Il a été affecté dans deux cliniques.
2. Licencié le 9 mai 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, des congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité de compensation des astreintes, de contrepartie obligatoire en repos, des congés payés afférents, de complément d'indemnité de préavis, des congés payés afférents, et de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; qu'en s'abstenant de rechercher si la rémunération effectivement perçue par le salarié se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein de la société, comme elle y était pourtant invitée à le faire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :
4. Selon ce texte, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.
5. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de la contrepartie obligatoire en repos et du travail dissimulé, l'arrêt relève que l'employeur rappelle que le contrat de travail mentionne expressément que l'intéressé relève de la catégorie des cadres dirigeants. Il constate qu'il résulte des extraits K-bis des cliniques où il est affecté que le salarié est le directeur général de l'une et le gérant de l'autre. Il retient que ces fonctions accréditent la qualité de cadre dirigeant, que la circonstance que le salarié est directeur de deux établissements implique une grande indépendance dans l'organisation de son temps de travail, et que l'intéressé prend des décisions importantes quant à l'embauche et au licenciement de salariés. Il déduit de ces éléments que le salarié bénéficie d'une large autonomie dans les prises de décision.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la rémunération effectivement perçue par le salarié se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein du groupement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [R] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité à titre de compensation des astreintes, d'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre congés payés afférents, d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, et d'indemnité conventionnelle de licenciement, et en ce qu'il le condamne à payer au groupement d'intérêt économique Ramsay hospitalisation la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et lui laisse la charge des dépens, l'arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne le groupement d'intérêt économique Ramsay hospitalisation aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le groupement d'intérêt économique Ramsay hospitalisation et le condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [R]
Le salarié fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, des congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité de compensation des astreintes, de contrepartie obligatoire de repos, des congés payés afférents, de complément d'indemnité de préavis, des congés payés afférents, et de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement.
1° ALORS QUE sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner les fonctions que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 3111-2 du code du travail ; qu'en se basant sur l'intitulé des fonctions de directeur général et de gérant du salarié pour affirmer que cela accréditait sa qualité de cadre dirigeant et impliquait une grande indépendance dans l'organisation de son temps de travail, sans examiner chacun des critères légaux au regard des fonctions réellement exercés par celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail.
2° ALORS QUE si les trois critères fixés par l'article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l'entreprise, il n'en résulte pas que la participation à la direction de l'entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ; que ne peut être qualifié de cadre dirigeant le salarié dont le pouvoir de décision autonome s'exerce seulement au niveau d'un secteur de l'entreprise et non à celui de la direction générale de l'entreprise à laquelle il ne participe pas ; qu'en appréciant la qualité de cadre dirigeant du salarié au regard de l'importance de ses responsabilités au niveau des deux cliniques dont il était le directeur général et le gérant, quand il lui incombait de le faire au niveau du GIE dans sa globalité, la cour d'appel a violé l'article L. 3111-2 du code du travail.
3° ALORS QUE si les trois critères fixés par l'article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l'entreprise, il n'en résulte pas que la participation à la direction de l'entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ; qu'en se bornant à relever que le salarié avait décidé du recrutement et du licenciement de salariés, dont trois médecins, pour en déduire qu'il avait le statut de cadre dirigeant, quand ces décisions de gestion courante ne permettaient pas d'établir que celui-ci était habilité à prendre des décisions de manière largement autonome le faisant participer à la direction du GIE, la cour d'appel a violé l'article L. 3111-2 du code du travail.
4° ALORS QUE sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; qu'en s'abstenant de rechercher si la rémunération effectivement perçue par le salarié se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein de la société, comme elle y était pourtant invitée à le faire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail.