La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2023 | FRANCE | N°21-87140

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 2023, 21-87140


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° B 21-87.140 F-D

N° 00245

GM
22 FÉVRIER 2023

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 FÉVRIER 2023

Mme [Y] [D] et Mme [I] [E] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 17 novembre 2021, qui,

pour abus de faiblesse, les a condamnées chacune à douze mois d'emprisonnement, a ordonné une mesure de confiscation et a pro...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° B 21-87.140 F-D

N° 00245

GM
22 FÉVRIER 2023

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 FÉVRIER 2023

Mme [Y] [D] et Mme [I] [E] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 17 novembre 2021, qui, pour abus de faiblesse, les a condamnées chacune à douze mois d'emprisonnement, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [Y] [D], Mme [I] [E], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [P] [Z] [S], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 2 septembre 2019, le tribunal correctionnel a relaxé Mme [Y] [D] et Mme [I] [E] des faits d'abus de confiance au préjudice d'une personne vulnérable, a constaté l'acquisition de la prescription de certains faits antérieurs au 16 mars 2008, les a déclarées coupables d'abus de faiblesse au préjudice de Mme [P] [Z] [S], a condamné la première à huit mois d'emprisonnement assortis du sursis, la seconde à un an d'emprisonnement assorti du sursis, a ordonné la restitution d'objets placés sous main de justice et a prononcé des peines de confiscation.

3. Mme [D], Mme [E] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a.condamné Mmes [D] et [E] à une peine de douze mois d'emprisonnement ferme, alors « qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; que si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; que bien que la cour d'appel ait relevé que ni Mme [D] ni Mme [E] n'avaient jamais été condamnées auparavant, la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement d'un an ferme, non aménagée ab initio, sans motiver sa décision, d'une part, au regard de la personnalité des prévenues, d'autre part sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, et sans motiver spécialement le refus d'aménagement de cette peine par la situation personnelle, familiale, sociale de Mme [D] et [E] ou en constatant une impossibilité matérielle, étant précisé que les deux prévenues étaient présentes aux débats et en mesure de donner toute information nécessaire à la mise en place d'un tel aménagement si la cour ne disposait pas de suffisamment d'éléments pour cela ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 132-19 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, et 464-2 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ces textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis doit motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.

7. Il en résulte également que si la peine d'emprisonnement ferme est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, ou deux ans s'agissant de faits commis avant le 24 mars 2020, au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, son aménagement est le principe et le juge ne peut l'écarter que s'il constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou s'il relève une impossibilité matérielle de le faire. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

8. Pour condamner Mmes [D] et [E] chacune à la peine de douze mois d'emprisonnement, l'arrêt attaqué retient qu'elles ont été reconnues coupables du délit d'abus de faiblesse sur une période de quatre ans, lequel a causé un préjudice conséquent à Mme [Z] [S], âgée de quatre-vingts ans, tant sur le plan financier que sur celui de ses conditions de vie, dégradées par le déménagement qui lui a été imposé, les intéressées si elles n'ont jamais été condamnées, ayant sans cesse minimisé leur responsabilité sans aucune réflexion sur leur passage à l'acte.

9. Les juges ajoutent qu'en privilégiant l'appât du gain et des considérations consuméristes, alors même qu'elles disposaient toutes deux de situations financières parfaitement satisfaisantes, la mère et la fille ont ainsi enfreint inutilement la loi, ce qui justifie une condamnation à un an d'emprisonnement ferme, à la hauteur de la durée et de l'importance de leurs agissements, l'aménagement de cette peine pouvant se faire sous le contrôle du juge de l'application des peines, la cour ne disposant pas d'éléments sur la situation de chacune pour le décider ab initio.

10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

11. En effet, d'une part, elle ne pouvait prononcer une telle peine d'emprisonnement sans sursis, sans s'expliquer sur la situation familiale et sociale des prévenues et sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction.

12. D'autre part, dès lors qu'elle estimait que ni la situation ou la personnalité des condamnées, ni une impossibilité matérielle n'empêchaient l'aménagement de la peine, il lui appartenait, d'une part, de l'ordonner explicitement, dans son principe, et, d'autre part, soit de déterminer la forme de cet aménagement si elle obtenait les éléments d'appréciation nécessaires à cette fin, en interrogeant les prévenues présentes à l'audience, soit, dans le cas inverse, d'ordonner leur convocation devant le juge de l'application des peines pour qu'il en règle les modalités conformément aux dispositions de l'article 464-2, I, 1° et 2°, précité.

13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation sera limitée aux dispositions sur les peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.

Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale

15. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de Mmes [D] et [E] étant devenue définitive par suite de la non-admission des premiers et deuxième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 17 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 2500 euros la somme globale que Mmes [D] et [E] devront payer à M. [X] [K] en qualité de tuteur de Mme [P] [Z] [S] au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-87140
Date de la décision : 22/02/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 17 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 fév. 2023, pourvoi n°21-87140


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.87140
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award