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15/02/2023 | FRANCE | N°21-18220

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 février 2023, 21-18220


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 février 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 166 F-D

Pourvoi n° P 21-18.220

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023

La société Aerolineas Ar

gentinas, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3], M. [K] [C], [Adresse 4], Argentine, a formé le pourvoi n° P 21-18.220 contre l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 février 2023

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 166 F-D

Pourvoi n° P 21-18.220

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 FÉVRIER 2023

La société Aerolineas Argentinas, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3], M. [K] [C], [Adresse 4], Argentine, a formé le pourvoi n° P 21-18.220 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [B] [I], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, direction régionale Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aerolineas Argentinas, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2020), Mme [I] a été engagée le 6 décembre 1976 par la société Aerolineas Argentinas (la société), en qualité d'auxiliaire commerciale pour sa succursale française à Paris.

2. Le 5 août 2013, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 août suivant, au cours duquel l'employeur lui a proposé un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et lui a remis un document explicatif.

3. La salariée ayant accepté le CSP le 26 août 2013, l'employeur lui a confirmé la rupture par lettre du 6 septembre 2013.

4. Contestant cette rupture, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, et de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail, alors :

« 1°/ que répond aux exigences légales de motivation, s'agissant de la cause économique, l'écrit remis au salarié avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui mentionne que la rupture est justifiée par des difficultés économiques, sans qu'il soit nécessaire qu'il précise le niveau d'appréciation de la cause économique ; que c'est seulement en cas de litige qu'il appartient à l'employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que l'employeur faisait état de difficultés économiques rendant nécessaires la fermeture de sa succursale parisienne, entité dépourvue de personnalité juridique, que dans la lettre de convocation à l'entretien préalable comme dans le document accompagnant la remise du CSP, il rappelait en introduction et en termes généraux les difficultés économiques rencontrées par la société depuis 2011 mais cantonnait son analyse à la situation de la succursale parisienne dont il détaillait la baisse du chiffre d'affaires et analysait les ventes et coûts de la structure ; qu'en statuant de la sorte, quand les écrits précités répondaient aux exigences légales de motivation s'agissant de la cause économique, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier le caractère réel et sérieux des difficultés économiques invoquées au regard du périmètre pertinent pour leur appréciation, a violé les articles L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-16 du même code ;

2°/ que répond a fortiori aux exigences légales de motivation, s'agissant de la cause économique, l'écrit remis au salarié avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui mentionne en termes généraux les difficultés économiques de la société employeur, peu important que l'analyse détaillée et les données chiffrées évoquées ensuite ne concerne que la succursale dont relève le salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que dans la lettre de convocation à l'entretien préalable comme dans le document accompagnant la remise du CSP, l'employeur rappelait en introduction les difficultés économiques rencontrées par la société depuis 2001 ; qu'en jugeant cependant le licenciement sans cause réelle et sérieuse au prétexte que dans ces documents, il cantonnait ensuite son analyse à la situation de la succursale parisienne dont il détaillait la baisse du chiffre d'affaires et analysait les ventes et coûts de la structure, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-16 du même code ;

3°/ que si l'employeur est tenu d'énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, cette obligation légale a pour objet de permettre au salarié de connaître les motifs de la rupture pour pouvoir éventuellement les discuter et de fixer les limites du litige quant aux motifs énoncés ; qu'en l'espèce, s'agissant de l'incidence de la cause économique sur l'emploi de la salariée, il était indiqué dans le document annexé à la lettre du 16 août 2013, remis à la salariée lors de l'entretien préalable en accompagnement du contrat de sécurisation professionnelle : ''c'est pourquoi le siège a dû se résoudre à fermer la succursale française, de licencier tout le personnel...'', ce dont il se déduisait que les difficultés économiques avaient entraîné la suppression de tous les postes, y compris celui de la salariée ; qu'en énonçant cependant que le document accompagnant la remise du CSP ne mentionnait pas la suppression du poste de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-16 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-16 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

6. Selon le second de ces textes, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Cette obligation légale a pour objet de permettre au salarié de connaître les motifs de son licenciement pour pouvoir éventuellement les discuter et de fixer les limites du litige quant aux motifs énoncés.

7. Si la lettre de licenciement doit énoncer la cause économique du licenciement telle que prévue par l'article L. 1233-3 du code du travail et l'incidence matérielle de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, l'appréciation de l'existence du motif invoqué relève de la discussion devant le juge en cas de litige.

8. Il en résulte que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'écrit remis au salarié avant son acceptation qui mentionne que le licenciement est justifié par les difficultés économiques de l'entreprise répond aux exigences légales d'information des raisons de la rupture lors de son acceptation, sans qu'il soit nécessaire qu'il précise le niveau d'appréciation de la cause économique. C'est seulement en cas de litige qu'il appartient à l'employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

9. Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur fait état de difficultés économiques rendant nécessaire la fermeture de sa succursale parisienne, entité dépourvue de la personnalité juridique. Il ajoute que dans la lettre de convocation à l'entretien préalable comme dans le document accompagnant la remise du CSP, il rappelle en introduction et en termes généraux les difficultés économiques rencontrées par la société depuis 2001, mais cantonne son analyse à la situation de la succursale parisienne, dont il détaille la baisse du chiffre d'affaires et analyse les ventes et les coûts des frais de structure.

10. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de convocation à l'entretien préalable et le document accompagnant la remise du CSP énonçaient les difficultés économiques rencontrées par la société depuis 2001 et leur incidence sur l'emploi de la salariée, compte tenu de la fermeture de la succursale française et de la suppression de tous les postes, dont celui de la salariée, en sorte qu'ils répondaient aux exigences légales de motivation, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier le caractère réel et sérieux des difficultés économiques invoquées au regard du périmètre pertinent pour leur appréciation, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [I] de ses demandes de dommages-intérêts pour non-déclaration du statut cadre et d'injonction à la société Aerolineas Argentinas sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard et par organisme passé le délai de deux mois suivants la notification du jugement de régulariser sa situation auprès des organismes d'assurance retraite et chômage, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Aerolineas Argentinas

La société Aerolineas Argentinas FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [I] les sommes de 60 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 11 449,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 1 144,94 euros à titre de congés payés afférents, et de lui AVOIR ordonné de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [I] dans la limite de trois mois, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail,

1. ALORS QUE répond aux exigences légales de motivation, s'agissant de la cause économique, l'écrit remis au salarié avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui mentionne que la rupture est justifiée par des difficultés économiques, sans qu'il soit nécessaire qu'il précise le niveau d'appréciation de la cause économique ; que c'est seulement en cas de litige qu'il appartient à l'employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué ; qu'en l'espèce, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que l'employeur faisait état de difficultés économiques rendant nécessaires la fermeture de sa succursale parisienne, entité dépourvue de personnalité juridique, que dans la lettre de convocation à l'entretien préalable comme dans le document accompagnant la remise du CSP, il rappelait en introduction et en termes généraux les difficultés économiques rencontrées par la société depuis 2011 mais cantonnait son analyse à la situation de la succursale parisienne dont il détaillait la baisse du chiffre d'affaires et analysait les ventes et coûts de la structure ; qu'en statuant de la sorte, quand les écrits précités répondaient aux exigences légales de motivation s'agissant de la cause économique, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier le caractère réel et sérieux des difficultés économiques invoquées au regard du périmètre pertinent pour leur appréciation, a violé les articles L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-16 du même code ;

2. ALORS en toute hypothèse QUE répond a fortiori aux exigences légales de motivation, s'agissant de la cause économique, l'écrit remis au salarié avant l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui mentionne en termes généraux les difficultés économiques de la société employeur, peu important que l'analyse détaillée et les données chiffrées évoquées ensuite ne concerne que la succursale dont relève le salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que dans la lettre de convocation à l'entretien préalable comme dans le document accompagnant la remise du CSP, l'employeur rappelait en introduction les difficultés économiques rencontrées par la société depuis 2001 ; qu'en jugeant cependant le licenciement sans cause réelle et sérieuse au prétexte que dans ces documents, il cantonnait ensuite son analyse à la situation de la succursale parisienne dont il détaillait la baisse du chiffre d'affaires et analysait les ventes et coûts de la structure, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-16 du même code ;

3. ALORS en outre QUE si l'employeur est tenu d'énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, cette obligation légale a pour objet de permettre au salarié de connaître les motifs de la rupture pour pouvoir éventuellement les discuter et de fixer les limites du litige quant aux motifs énoncés ; qu'en l'espèce, s'agissant de l'incidence de la cause économique sur l'emploi de la salariée, il était indiqué dans le document annexé à la lettre du 16 août 2013, remis à la salariée lors de l'entretien préalable en accompagnement du contrat de sécurisation professionnelle : « c'est pourquoi le siège a dû se résoudre à fermer la succursale française, de licencier tout le personnel... », ce dont il se déduisait que les difficultés économiques avaient entraîné la suppression de tous les postes, y compris celui de la salariée ; qu'en énonçant cependant que le document accompagnant la remise du CSP ne mentionnait pas la suppression du poste de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-16 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-18220
Date de la décision : 15/02/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 novembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 fév. 2023, pourvoi n°21-18220


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.18220
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