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15/02/2023 | FRANCE | N°20-20599

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 février 2023, 20-20599


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 février 2023

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 132 FS-B

Pourvoi n° D 20-20.599

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 FÉVRIER 2023

Le directeur général des finances publiqu

es, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 5], a ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 février 2023

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 132 FS-B

Pourvoi n° D 20-20.599

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 FÉVRIER 2023

Le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° D 20-20.599 contre l'ordonnance rendue le 9 septembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant à la société LVMH finance Belgique, société anonyme de droit belge, dont le siège est [Adresse 4] (Belgique), défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société LVMH finance Belgique, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 9 septembre 2020), le 10 septembre 2019, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à des visites avec saisies dans des locaux et dépendances situés [Adresse 1] à [Localité 6], [Adresse 3] à [Localité 6], [Adresse 2] à [Localité 6], susceptibles d'être occupées par la société européenne LVMH Louis Vuitton Moët Hennessy, la société de droit belge LVMH finance Belgique (la société LFB) et/ou toute autre entité du groupe LVMH Louis Vuitton Moët Hennessy, afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société LFB au regard de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur le chiffre d'affaires ainsi que des infractions d'achats ou ventes sans factures et d'omissions d'écritures comptables ou de passations d'écritures comptables inexactes ou fictives.

2. Les opérations de visites et de saisies se sont déroulées les 11 et 12 septembre 2019.

3. La société LFB a interjeté appel de cette autorisation et exercé un recours contre le déroulement des visites.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'administration fiscale fait grief à l'ordonnance d'annuler l'ordonnance du 10 septembre 2019 portant autorisation de visites puis les opérations de visites des 11 et 12 septembre 2019, d'ordonner la restitution aux sociétés de l'ensemble des documents saisis et de rejeter toutes autres demandes, alors « que la production d'une note en délibéré après clôture des débats n'est recevable que dans deux cas : si elle a pour objet de répondre à l'avis émis par le ministère public, ou encore si elle est autorisée ou demandée par le juge ; qu'en l'espèce, la société LFB a produit une note en délibéré datée du 30 juin 2020 assortie d'annexes ; qu'en visant cette note en délibéré, et en analysant son contenu au même titre que les conclusions régulièrement déposées par la société LFB, et donc en se fondant sur cette note en délibéré comme constituant une composante des débats, quand il devait déclarer cette note en délibéré irrecevable le juge du second degré a violé l'article 445 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt que, pour statuer ainsi qu'il l'a fait, le premier président ne s'est pas fondé sur la note en délibéré litigieuse.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. L'administration fiscale fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour solliciter une autorisation de visite, l'administration n'a pas à prouver l'existence d'une situation révélant un manquement aux obligations fiscales ; qu'elle est simplement tenue d'apporter des indices permettant de retenir des soupçons de manquements ; qu'en énonçant que l'administration ne démontre pas que la société LFB n'a pas en Belgique les moyens nécessaires pour assurer dans cet État la mission qui lui est confiée, le juge du second degré, qui a fait peser sur l'administration une preuve complète quand seuls des indices de soupçons suffisaient, a violé l'article L. 16 B du livre de procédure fiscale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales :

8. Selon ce texte, des visites et saisies peuvent être autorisées par l'autorité judiciaire si l'administration fiscale établit qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.

9. Pour infirmer l'autorisation de visites et de saisies du juge des libertés et de la détention et annuler les opérations effectuées, l'ordonnance du délégué du premier président retient que les moyens attribués à la société LFB depuis 2009, soit six à sept personnes à temps plein ou cinq à six salariés selon les périodes, ainsi que la présence d'une administratrice déléguée, apparaissent suffisants pour que celle-ci effectue son activité de gestion de trésorerie du groupe LVMH et en déduit que l'administration fiscale ne démontre pas que la société LFB n'aurait pas les ressources nécessaires en Belgique à la gestion de cette activité.

10. En statuant ainsi, alors que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'exige que de simples présomptions, en particulier de ce qu'une société étrangère, en l'espèce la société LFB, exploiterait un établissement stable en France en raison de l'activité duquel elle serait soumise aux obligations fiscales et comptables prévues par le code général des impôts en matière d'impôt sur les bénéfices et/ou de taxes sur le chiffre d'affaires, le premier président, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 septembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société LVMH finance Belgique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société LVMH finance Belgique et la condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des enquêtes fiscales, la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'ordonnance attaquée (9 septembre 2020, n° RG 19/16971), critiquée par Monsieur le Directeur général des finances publiques, encourt la censure ;

EN CE QU'elle a annulé l'ordonnance du 10 septembre 2019 portant autorisation de visites, puis annulé les opérations de visites des 11 et 12 septembre 2019, ordonné la restitution aux sociétés de l'ensemble des documents saisis, enfin rejeté toutes autres demandes ;

ALORS QUE la production d'une note en délibéré après clôture des débats n'est recevable que dans deux cas : si elle a pour objet de répondre à l'avis émis par le ministère public, ou encore si elle est autorisée ou demandée par le juge ; qu'en l'espèce, la société LVMH FINANCE BELGIQUE a produit une note en délibéré datée du 30 juin 2020 assortie d'annexes ; qu'en visant cette note en délibéré, et en analysant son contenu au même titre que les conclusions régulièrement déposées par la société LVMH FINANCE BELGIQUE, et donc en se fondant sur cette note en délibéré comme constituant une composante des débats, quand il devait déclarer cette note en délibéré irrecevable le juge du second degré a violé l'article 445 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'ordonnance attaquée (9 septembre 2020, n°RG 19/16971), critiquée par Monsieur le Directeur général des finances publiques, encourt la censure ;

EN CE QU'elle a annulé l'ordonnance du 10 septembre 2019 portant autorisation de visites, puis annulé les opérations de visites des 11 et 12 septembre 2019, ordonné la restitution aux sociétés de l'ensemble des documents saisis, enfin rejeté toutes autres demandes ;

ALORS QUE pour solliciter une autorisation de visite, l'administration n'a pas à prouver l'existence d'une situation révélant un manquement aux obligations fiscales ; qu'elle est simplement tenue d'apporter des indices permettant de retenir des soupçons de manquements ; qu'en énonçant que l'administration ne démontre pas que la société LVMH FINANCE BELGIQUE n'a pas en Belgique les moyens nécessaires pour assurer dans cet État la mission qui lui est confiée, le juge du second degré, qui a fait peser sur l'administration une preuve complète quand seuls des indices de soupçons suffisaient, a violé l'article L.16-B du Livre de procédure fiscale.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'ordonnance attaquée (9 septembre 2020, n°RG 19/16971), critiquée par Monsieur le Directeur général des finances publiques, encourt la censure ;

EN CE QU'elle a annulé l'ordonnance du 10 septembre 2019 portant autorisation de visites, puis annulé les opérations de visites des 11 et 12 septembre 2019, ordonné la restitution aux sociétés de l'ensemble des documents saisis, enfin rejeté toutes autres demandes ;

ALORS QUE premièrement avant de prendre parti, le juge du second degré devait se prononcer sur l'objet et l'étendue de l'activité confiée à la société LVMH FINANCE BELGIQUE et déterminer si, eu égard aux indices produits, il fallait raisonner sur une activité comprenant la gestion d'opérations financières et une centrale de trésorerie, comme le soutenait l'administration, ou si au contraire, l'activité était limitée à une centrale de trésorerie, comme le soutenait la société LVMH FINANCE BELGIQUE ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point pour se borner à rappeler les points de vue exposés par chaque partie, le juge du second degré a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.16-B du Livre des procédures fiscales ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en se bornant à évoquer les moyens dont disposait la société LVMH FINANCE BELGIQUE en Belgique, sans s'expliquer sur le point de savoir s'il pouvait être présumé, au vu des indices produits, que la société LVMH FINANCE BELGIQUE disposait sur le territoire français de moyens en hommes et en matériels lui permettant de déployer une activité en France susceptible de tomber sous le coup de la loi fiscale française le juge du second degré a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L.16-B du Livre des procédures fiscales.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

L'ordonnance attaquée (9 septembre 2020, n°RG 19/16971), critiquée par Monsieur le Directeur général des finances publiques, encourt la censure ;

EN CE QU'elle a annulé l'ordonnance du 10 septembre 2019 portant autorisation de visites, puis annulé les opérations de visites des 11 et 12 septembre 2019, ordonné la restitution aux sociétés de l'ensemble des documents saisis, enfin rejeté toutes autres demandes ;

ALORS QUE dès lors que l'absence de comptabilité régulière était liée aux manquements suspectés en matière de fraude fiscale, la censure de l'ordonnance attaquée, s'agissant des soupçons de fraude fiscale, ne peut manquer d'entraîner une censure totale de l'ordonnance, conformément à l'article 624 du Code de procédure civile, y compris en tant qu'elle se prononce sur les soupçons d'irrégularités comptables.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-20599
Date de la décision : 15/02/2023
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 fév. 2023, pourvoi n°20-20599, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:20.20599
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