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08/02/2023 | FRANCE | N°21-19512

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 février 2023, 21-19512


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 février 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 124 F-D

Pourvoi n° T 21-19.512

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023

M. [D] [L], domicilié [Adresse

1], a formé le pourvoi n° T 21-19.512 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'oppo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 février 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 124 F-D

Pourvoi n° T 21-19.512

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023

M. [D] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-19.512 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Cahpp Conseil et Référencement, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [L], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Cahpp Conseil et Référencement, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2021), M. [L] a été engagé par la société Centrale d'achat de l'hospitalisation privée et publique le 2 août 2001. Une convention de forfait en jours a été conclue le 1er septembre 2016.

2. Le salarié a été licencié le 20 juillet 2017.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 3 novembre 2017 de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et au titre du travail dissimulé, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que l'accord d'entreprise relatif au temps de travail applicable au sein de la société Cahpp Conseil et Référencement se borne à prévoir, en premier lieu, que les salariés au forfait annuel en jours doivent remettre à la direction des ressources humaines, chaque mois, un état indiquant le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que les dates et la qualification des jours non travaillés comportant une déclaration sur la durée du repos quotidien et hebdomadaire, en deuxième lieu, qu'un entretien devra être organisé chaque année avec chaque salarié concerné par la convention de forfait jours, où seront abordés sa charge de travail, l'amplitude de ses journées de travail, son organisation de travail au sein de l'entreprise, l'articulation de son activité professionnelle avec sa vie personnelle et familiale, le suivi de la prise des jours non travaillés et de ses congés et sa rémunération, un questionnaire devant être formalisé avant l'entretien sur ces différents points et, en troisième lieu, qu'au regard de la bonne foi présumée de l'employeur et du salarié quant à la mise en oeuvre du forfait annuel en jours et de l'autonomie dont bénéficie le salarié dans l'organisation de temps de travail, ce dernier doit exprimer ses difficultés en cas de surcharge de travail et alerter employeur en utilisant la messagerie professionnelle ou une lettre recommandée, qu'en cas d'alerte, un rendez-vous entre le salarié et son supérieur hiérarchique sera programmé afin d'évoquer la surcharge de travail du salarié, les causes – structurelles ou conjoncturelles – pouvant expliquer celle-ci et remédier à ces difficultés et que si l'employeur est amené à constater que l'organisation du travail du salarié et/ou que sa charge de travail aboutissent à un non-respect des durées de repos quotidiennes et hebdomadaires, l'employeur ou son représentant pourra également déclencher un rendez-vous avec le salarié ; que de telles dispositions ne sont pas de nature à permettre à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ni de garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié ; qu'en jugeant, pour débouter le salarié de sa demande tendant à l'annulation de la convention de forfait jours contenue dans son contrat de travail, que le contrôle mis en place par cet accord apparaissait satisfaisant, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article L. 3121-64 du code du travail, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

7. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

9. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le contrôle du forfait en jours mis en place apparaît satisfaisant, puisqu'il prévoit à la fois un suivi annuel systématique et une possibilité d'alerte à l'initiative du salarie. Il ajoute que le salarié n'a jamais fait usage de cette possibilité d'alerter son employeur par messagerie professionnelle ou lettre recommandée, et une année entière ne s'étant pas écoulée depuis la mise en place de la convention de forfait en jours, il ne peut être fait grief à l'employeur de ne pas avoir organisé le contrôle annuel.

10. En statuant ainsi, alors que l'accord d'entreprise sur le temps de travail du 29 juin 2016 se borne à prévoir que le salarié doit exprimer ses difficultés en cas de surcharge de travail et alerter son employeur en utilisant la messagerie personnelle ou une lettre recommandée, qu'en cas d'alerte un rendez-vous sera programmé avec le supérieur hiérarchique afin d'évoquer la surcharge de travail, les causes structurelles ou conjoncturelles pouvant l'expliquer et remédier à ces difficultés et que si l'employeur est amené à constater que l'organisation ou la charge de travail aboutissent à un non-respect des durées de repos quotidienne ou hebdomadaire, un rendez-vous avec le salarié doit être déclenché, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ce dont il résulte que ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [L] de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et du travail dissimulé, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Centrale d'achat de l'hospitalisation privée et publique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Centrale d'achat de l'hospitalisation privée et publique et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [L]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [D] [L] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'avait débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires, au titre des congés payés y afférents et au titre du travail dissimulé ;

1°) ALORS QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que l'accord d'entreprise relatif au temps de travail applicable au sein de la société Cahpp Conseil et Référencement se borne à prévoir, en premier lieu, que les salariés au forfait annuel en jours doivent remettre à la direction des ressources humaines, chaque mois, un état indiquant le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que les dates et la qualification des jours non travaillés comportant une déclaration sur la durée du repos quotidien et hebdomadaire, en deuxième lieu, qu'un entretien devra être organisé chaque année avec chaque salarié concerné par la convention de forfait jours, où seront abordés sa charge de travail, l'amplitude de ses journées de travail, son organisation de travail au sein de l'entreprise, l'articulation de son activité professionnelle avec sa vie personnelle et familiale, le suivi de la prise des jours non travaillés et de ses congés et sa rémunération, un questionnaire devant être formalisé avant l'entretien sur ces différents points et, en troisième lieu, qu'au regard de la bonne foi présumée de l'employeur et du salarié quant à la mise en oeuvre du forfait annuel en jours et de l'autonomie dont bénéficie le salarié dans l'organisation de temps de travail, ce dernier doit exprimer ses difficultés en cas de surcharge de travail et alerter employeur en utilisant la messagerie professionnelle ou une lettre recommandée, qu'en cas d'alerte, un rendez-vous entre le salarié et son supérieur hiérarchique sera programmé afin d'évoquer la surcharge de travail du salarié, les causes – structurelles ou conjoncturelles – pouvant expliquer celle-ci et remédier à ces difficultés et que si l'employeur est amené à constater que l'organisation du travail du salarié et/ou que sa charge de travail aboutissent à un non-respect des durées de repos quotidiennes et hebdomadaires, l'employeur ou son représentant pourra également déclencher un rendez-vous avec le salarié ; que de telles dispositions ne sont pas de nature à permettre à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ni de garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié ; qu'en jugeant, pour débouter le salarié de sa demande tendant à l'annulation de la convention de forfait jours contenue dans son contrat de travail, que le contrôle mis en place par cet accord apparaissait satisfaisant, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, le juge formant sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments ; qu'en l'espèce, M. [L] faisait valoir, preuves à l'appui (cf. productions n° 7 à 12), que ses fonctions de conseiller régional, pour lesquelles il était initialement rémunéré dans le cadre d'un forfait de 39 heures hebdomadaires, étaient demeurées inchangées nonobstant la mise en place d'une convention de forfait jours et qu'elles portaient même, après cette date, sur un secteur de prospection significativement plus étendu, celui-ci étant passé de 9 à 16 départements, de sorte que son temps de travail hebdomadaire ne pouvait avoir été inférieur à 39 heures ; que c'est donc sur la base de 4 heures supplémentaires par semaine et en tenant compte de 33 semaines complètes de travail, que le salarié avait procédé à ses calculs dont il précisait le détail dans ses conclusions ; qu'en jugeant, par motifs éventuellement adoptés, que le salarié, à qui il appartenait de prouver l'existence des heures supplémentaires alléguées, ne fournissait aucun élément de nature à étayer sa demande de sorte que la réalité de son travail effectif n'était donc pas établie, lorsque celui-ci présentait, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies et que l'employeur, dont les conclusions et pièces ont été déclarées irrecevables par l'arrêt attaqué, ne fournissait aucun élément sur les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

3°) ALORS à tout le moins QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, le juge formant sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments ; que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, la cour d'appel a relevé, par motifs éventuellement adoptés, que le salarié, à qui il appartenait de prouver l'existence des heures supplémentaires alléguées, ne fournissait aucun élément de nature à étayer sa demande de sorte que la réalité de son travail effectif n'était pas établie ; qu'il était par ailleurs constant que les conclusions et pièces produites en appel par l'employeur avaient été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 janvier 2020, confirmée par un arrêt du 23 octobre 2020 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sur la base d'une prétendue insuffisance des éléments présentés par le salarié et ce en dépit de l'absence de tout élément produit par l'employeur sur les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

M. [D] [L] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre du rappel de journées supplémentaires, au titre des congés payés y afférents et au titre du travail dissimulé ;

1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'ainsi, la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande en paiement des journées de travail proratisées effectuées au-delà du forfait jours, la cour d'appel a relevé que le salarié ne produisait aucun élément pour justifier du nombre de journées effectivement travaillées sur la dernière partie de 2016 ; qu'il était par ailleurs constant que les conclusions et pièces produites en appel par l'employeur avaient été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 janvier 2020, confirmée par un arrêt du 23 octobre 2020 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sur la base d'une prétendue insuffisance des éléments produits par le salarié et ce en dépit de tout élément produit par l'employeur, la cour d'appel, qui a fait reposer sur le seul salarié la charge de la preuve des jours travaillés, a violé les articles L. 3121-59, L. 3171-4 et D. 3171-10 du code du travail, ce dernier texte dans sa version modifiée par le décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008 ;

2°) ALORS QUE le juge est tenu de respecter les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le salarié sollicitait le paiement des journées de travail proratisées effectuées au-delà du forfait jours, pour les trois derniers mois de l'année 2016, en se référant à l'article L. 3121-59 du code du travail prévoyant la possibilité pour le salarié en forfait jours, en cas de dépassement des jours prévus par le forfait, de renoncer à une partie des jours de repos correspondant en contrepartie d'une majoration de salaire ne pouvant être inférieure à 10 % ; qu'il était par ailleurs constant que les conclusions et pièces produites en appel par l'employeur avaient été déclarées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 janvier 2020, confirmée par un arrêt du 23 octobre 2020 ; que dès lors, en se fondant, pour débouter le salarié de sa demande de paiement des journées de travail proratisées effectuées au-delà du forfait jours, sur des dispositions de l'accord d'entreprise applicable qui n'étaient invoquées par aucune des parties, la cour d'appel a méconnu les limites du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour débouter le salarié de sa demande de paiement des journées de travail proratisées effectuées au-delà du forfait jours, sur des dispositions de l'accord d'entreprise applicable qui n'étaient invoquées par aucune des parties, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre des journées de travail proratisées effectuées au-delà du forfait jours, le salarié invoquait, dans ses conclusions d'appel (cf. p. 24, in fine et p. 25), les dispositions de l'article L. 3121-59 du code du travail prévoyant la possibilité pour le salarié en forfait jours, en cas de dépassement des jours prévus par le forfait, de renoncer à une partie des jours de repos correspondant, en contrepartie d'une majoration de salaire ne pouvant être inférieure à 10 % ; qu'en se fondant, pour débouter le salarié de cette demande, sur les dispositions de l'accord d'entreprise relatif au temps de travail applicable au sein de la société CAHPP Conseil et Référencement retenant que les journées non travaillées dans le cadre de la convention de forfait qui n'auraient pas été prises au plus tard le 31 décembre de l'année en cours ne pourront pas donner lieu à compensation en salaire notamment en cas de rupture du contrat, sans répondre au moyen des conclusions du salarié qui évoquait des dispositions légales plus favorables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce que le salarié soumis à une convention de forfait jours a été mis en mesure de prendre les journées non travaillées destinées à éviter ou à compenser le dépassement des jours prévus par ladite convention de forfait jours ; qu'en reprochant au salarié, pour le débouter de sa demande de paiement des journées de travail proratisées effectuées au-delà du forfait jours, de ne pas avoir proposé des dates pour les journées non travaillées litigieuses si ce n'est avant le 31 décembre 2016 et en tout cas au cours des mois qui avaient suivi, lorsqu'il appartenait à l'employeur de démontrer qu'il avait mis le salarié en mesure de prendre les journées non travaillées en cause, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [D] [L] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du montant dérisoire de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

1°) ALORS QUE le juge ne dénaturer les documents de la cause ; que par un avenant en date du 3 janvier 2003, les parties étaient convenues d'une clause de non-concurrence aux termes de laquelle, en contrepartie d'une somme équivalente à 10 % du salaire net perçu durant les deux années précédant son départ de l'entreprise, le salarié « s'interdi[ssait] expressément, pendant une durée de Deux ans (2 ans) à compter de sa date effective de départ de la société C.A.H.P.P.(le certificat de travail faisant foi de la date réelle de fin de contrat) d'exercer une activité quelle qu'elle soit, qui est ou qui serait concurrente directement ou indirectement à l'activité de la C.A.H.P.P., au sens le plus large du terme : entrer au Service d'une Société concurrente existante ou qui serait créée dans les deux ans, entrer au Service d'une Société non concurrente dont la filiale ou la création d'une filiale devient concurrente par l'arrivée de Monsieur [D] [L] au sein de celle-ci ; entrer au Service d'une société de e.procurement intervenant sur le domaine de la santé, entrer au Service d'un groupe financier acquéreur d'Etablissements de Santé, de créer directement ou indirectement une société qui serait concurrente de la C.A.H.P.P ; intervenir en Qualité de Commanditaire ou de Conseiller dans une activité qui pourrait nuire à la pérennité et à l'activité de la Société C.A.H.P.P. » (cf. production n° 5) ; qu'en retenant, pour juger la contrepartie à la clause de non-concurrence dépourvue de caractère dérisoire, que cette clause concernait un secteur d'activité très restreint (le référencement de matériel médical), lorsqu'en interdisant au salarié de travailler dans des sociétés indirectement concurrentes de son ancien employeur, dans des sociétés de e.procurement intervenant sur le domaine de la santé, dans des groupes financiers acquéreurs d'établissements de santé ou plus largement dans toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer ou de nuire à la société CAHPP, la clause litigieuse s'étendait clairement très au-delà, la cour d'appel a dénaturé ledit avenant et violé ce faisant l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil ;

2°) ALORS QUE la contrepartie pécuniaire d'une obligation de non-concurrence ne doit pas être dérisoire, celle-ci équivalant à une absence de contrepartie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la contrepartie convenue était limitée à 10 % du salaire net perçu durant les deux années précédant le départ du salarié dans l'entreprise, cependant qu'elle concernait un secteur géographique étendu et durait deux années ; qu'en jugeant néanmoins cette clause non dérisoire au motif inopérant qu'elle se rapportait à un secteur d'activité très restreint, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;

3°) ALORS subsidiairement QUE le caractère dérisoire de la contrepartie pécuniaire d'une obligation de non-concurrence s'apprécie au regard de l'ampleur de la limitation apportée à la liberté de travailler ; qu'en l'espèce, soutenant que la contrepartie à la clause de non-concurrence figurant dans son contrat était dérisoire, le salarié faisait valoir que si la clause de non-concurrence concernait un secteur d'activité restreint, à savoir le référencement de matériel médical, cette circonstance, loin d'être de nature à réduire l'atteinte portée à sa liberté de travailler, était au contraire susceptible d'affecter lourdement celle-ci, la possibilité pour le salarié de retrouver un emploi dans le domaine particulier où il avait travaillé pendant 16 ans s'en trouvant d'autant plus réduite (cf. les conclusions du salarié p. 29) ; qu'en écartant le caractère dérisoire de la contrepartie à la clause de non-concurrence convenue, dont elle avait pourtant souligné le secteur géographique « étendu » et la durée de deux années, au prétexte qu'en visant un secteur d'activité restreint, la clause n'entravait pas la possibilité pour le salarié de retrouver un emploi dans le domaine commercial, sans rechercher s'il ne s'évinçait précisément pas de la spécialisation du secteur concerné une atteinte à la liberté du salarié de retrouver un emploi dans son domaine précis de compétence non sérieusement compensée par une contrepartie limitée à 10 % du salaire net perçu durant les deux années précédant son départ de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-19512
Date de la décision : 08/02/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 fév. 2023, pourvoi n°21-19512


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.19512
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