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08/02/2023 | FRANCE | N°21-15863

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 février 2023, 21-15863


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 février 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 114 F-D

Pourvoi n° B 21-15.863

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023

M. [Y] [R], domicilié [Adresse

2], a formé le pourvoi n° B 21-15.863 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 février 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 114 F-D

Pourvoi n° B 21-15.863

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023

M. [Y] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-15.863 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Laffont Drome gel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [R], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Laffont Drome gel, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 décembre 2020) M. [R] a été engagé à compter du 29 mars 1994, en qualité de vendeur encaisseur par la société Laffont Drôme gel, par un contrat à temps partiel à hauteur de 30 heures par semaine. A compter de mars 1999, le salarié a travaillé à temps complet.

2. A compter du 7 septembre 2012, l'employeur a réduit unilatéralement le nombre d'heures à 108,33 par mois et, le 11 mai 2015, il a proposé de le réduire à 76 heures.

3. Le 22 juillet 2015, le salarié a refusé la diminution du nombre de ses heures de travail et demandé une régularisation sur la base d'un temps complet de 169 heures. Le 9 septembre 2015, l'employeur a renoncé à la réduction à 76 heures et a régularisé la période de mai à août 2015 sur la base de 108,33 heures.

4. Le 30 septembre 2015, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, et le 23 octobre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire requalifier son contrat de travail en contrat à temps plein et juger que sa prise d'acte avait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps complet, et, de ses demandes en paiement de rappels de salaires et congés payés afférents, alors :

« 1°/ que le contrat du salarié à temps partiel doit être écrit et mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; que cette exigence légale d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition ; que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ; que la durée contractuelle de travail constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié, dont l'acceptation doit être claire et non équivoque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [R] avait été embauché ‘'à compter du 29 mars 1994 en contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de vendeur livreur encaisseur pour une durée de 130 heures par mois'‘, qu'‘'il travaillera à temps complet à compter de mars 1999'', qu'‘'à compter de janvier 2002, son temps de travail a été réduit à 151,67 heures par mois'‘ et que ‘'M. [R] avait tacitement accepté son passage à 108,33 heures par mois à compter de juillet 2012'', ce dont il résultait qu'à défaut d'avenants modificatifs du contrat écrit à temps partiel du 29 mars 1994, il appartenait à l'employeur de justifier de la durée exacte de travail expressément convenue par les parties pour faire échec à la présomption de contrat de travail à temps plein ; qu'en se fondant cependant, pour rejeter la demande de M. [R] en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de sa demande en rappels de salaires subséquente, sur la seule acceptation tacite par le salarié de la réduction de son temps de travail à 108,33 heures par mois, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, devenu l'article 1103 ;

3°/ que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en rejetant la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de sa demande en rappels de salaires subséquente sans constater que l'employeur rapportait la preuve que M. [R] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'employeur soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et, partant, irrecevable.

7. Cependant par ses conclusions devant la cour d'appel, le salarié a expressément sollicité le bénéfice d'une présomption d'une durée de travail à temps complet en se fondant sur l'absence d'écrit du contrat.

8. Dès lors le moyen, qui n'est pas nouveau, est recevable.

Bien fondé du moyen

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

9. Selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. Cette exigence légale d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition.

10. Pour débouter le salarié de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, la cour d'appel a jugé que le salarié ne pouvait, en 2015, critiquer la réduction du temps de travail intervenue en septembre 2012, alors que le contrat s'était poursuivi sans contestation de sa part pendant trois années.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait unilatéralement diminué le temps de travail et que cette diminution n'avait donné lieu à aucun avenant, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans rechercher si l'employeur justifiait de la durée de travail exacte convenue et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. Le salarié reproche à l'arrêt attaqué de le débouter de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer une certaine somme en réparation d'une inégalité de traitement qu'il a subie par rapport aux autres commerciaux de la société, alors « qu'en vertu du principe de l'égalité de traitement, un salarié ne peut pas subir de traitement discriminatoire par rapport à d'autres salariés placés dans une situation identique ; qu'en écartant l'existence d'une inégalité de traitement subie par M. [R] par rapport aux autres commerciaux de la société Lafont Drome gel sans rechercher, comme il le lui demandait, s'il n'avait pas subi une telle inégalité de traitement dans la mesure où le fixe des autres commerciaux était égal à un salaire minimum de croissance à temps complet, plus un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé, quand il percevait, outre une rémunération forfaitaire sans lien avec le nombre d'heures effectuées, une rémunération en fonction de son chiffre d'affaires, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

14. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que rien n'interdisait au salarié de prospecter une clientèle de professionnels et contrairement à ce que ce dernier conclut, il bénéficiait dans son portefeuille de clients professionnels, qui au surplus généraient une commission moindre que celle des particuliers. L'arrêt ajoute que le salarié ne démontre pas que les autres commerciaux n'avaient pas ou n'auraient pas eu, dans une situation similaire à la sienne de baisse importante du chiffre d'affaires ou vu réduire leur temps de travail par l'employeur. Il en déduit qu'aucune différence de traitement n'est démontrée.

15. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, qui invoquait une inégalité avec ses collègues commerciaux dont la rémunération était composée d'une partie fixe correspondant au Smic et d'une partie variable en fonction du chiffre d'affaires alors que la sienne était forfaitaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

16. Le salarié reproche à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel des primes contractuelles de prospection et d'entretien, alors :

« 1°/ que la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail du salarié qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération serait plus avantageux ; qu'en affirmant, pour débouter M. [R] de sa demande tendant à voir condamner la société Laffont Drôme gel à lui verser la somme de 2.972,58 € à titre de rappel des primes contractuelles de prospection et d'entretien, que la société justifie que la mesure ayant modifié le versement de ces primes à compter de juin 2012 était plus favorable financièrement pour M. [R], la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, devenu l'article 1103 du code civil ;

2°/ que l'accord du salarié à la modification de sa rémunération contractuelle ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat de travail sans protestation ; qu'en affirmant, pour débouter M. [R] de sa demande tendant à voir condamner la société Lafont Drôme gel à lui verser la somme de 2.972,58 € à titre de rappel des primes contractuelles de prospection et d'entretien, que si l'employeur ne conteste pas avoir modifié le versement de ces primes à compter de juin 2012, elle justifie que M. [R] n'a jamais contesté cette mesure au cours des trois années qui ont suivi, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, devenu l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

17. Il résulte de ces textes que la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure, sans son accord, peu important que l'employeur soutienne que le nouveau mode de rémunération serait plus avantageux.

18. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de primes contractuelles, l'arrêt retient que si l'employeur ne conteste pas avoir modifié le versement des primes de prospection et d'entretien pour l'ensemble du personnel à compter de juin 2012, il justifie non seulement que le salarié n'a jamais contesté cette mesure pendant la relation contractuelle au cours des trois années qui ont suivi, mais qu'elle était plus favorable financièrement par son mode de calcul pour les salariés.

19. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait modifié unilatéralement le mode de rémunération du salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

20. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme pour congés payés non pris, alors « qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement et de rapporter la preuve que le salarié a refusé de prendre son congé ; qu'en affirmant, pour débouter M. [R] de sa demande en paiement pour congés payés non pris, que s'agissant de la privation de congés payés annuels, la société a payé, depuis le mois de juin 2013, des congés payés, faute de retour des plannings du salarié, quand il appartenait à la cour d'appel de déterminer si le salarié avait pris ou non ses congés et, dans la négative, de rechercher si l'employeur justifiait avoir pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé en accomplissant à cette fin les diligences qui lui incombaient, mais que le salarié avait opposé un refus, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 3141-12 et L. 3141-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3141-12 et L. 3141-14 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

21. Il résulte de ces textes qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

22. Pour infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement d'une certaine somme au titre de congés payés non pris, l'arrêt retient que s'agissant de la privation de congés payés annuels, le salarié ne conclut pas sur ce point et l'employeur justifie du paiement des congés payés en produisant les bulletins de salaire depuis le mois de juin 2013 sur la base de 10 % de son salaire, faute de retour des plannings du salarié comme le confirme la secrétaire comptable de l'entreprise.

23. En statuant ainsi, alors que le salarié faisait valoir qu'il ressortait de ses bulletins de paie qu'il n'avait pas pu prendre de congés payés tout au long de la relation de travail et qu'il appartenait à l'employeur de démontrer qu'il avait permis au salarié de prendre ses congés payés ce qu'il ne faisait pas, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

24. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à faire dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de ses demandes en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, alors « que la cassation à intervenir sur le premier, deuxième troisième ou quatrième moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt ayant débouté l'exposant de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

25. La cassation prononcée sur les quatre premiers moyens entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif déboutant le salarié de sa demande tendant à faire analyser la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes en paiement d'indemnité de rupture, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquence de la cassation

26. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen, entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable l'appel de la société Laffont Drôme gel, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Laffont Drôme gel aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Laffont gel et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. [R]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [R] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et, en conséquence, de ses demandes en paiement de rappels de salaires et congés payés afférents,

1°) ALORS QUE le contrat du salarié à temps partiel doit être écrit et mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; que cette exigence légale d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition ; que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ; que la durée contractuelle de travail constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié, dont l'acceptation doit être claire et non équivoque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [R] avait été embauché « à compter du 29 mars 1994 en contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de vendeur livreur encaisseur pour une durée de 130 heures par mois » (arrêt attaqué, p. 2), qu'« il travaillera à temps complet à compter de mars 1999 », qu'« à compter de janvier 2002, son temps de travail a été réduit à 151,67 heures par mois » (arrêt attaqué, p. 8) et que « M. [R] avait tacitement accepté son passage à 108,33 heures par mois à compter de juillet 2012 » (arrêt attaqué, p. 10), ce dont il résultait qu'à défaut d'avenants modificatifs du contrat écrit à temps partiel du 29 mars 1994, il appartenait à l'employeur de justifier de la durée exacte de travail expressément convenue par les parties pour faire échec à la présomption de contrat de travail à temps plein ; qu'en se fondant cependant, pour rejeter la demande de M. [R] en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de sa demande en rappels de salaires subséquente, sur la seule acceptation tacite par le salarié de la réduction de son temps de travail à 108,33 heures par mois, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, devenu l'article 1103 ;

2°) ALORS QU'en l'absence d'écrit, le contrat de travail est présumé conclu à temps complet et il appartient à l'employeur qui se prévaut d'un contrat à temps partiel de rapporter la preuve non seulement de la durée exacte du travail convenue, mais également de sa répartition sur la semaine ou le mois ; qu'en rejetant la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de sa demande en rappels de salaires subséquente sans vérifier, quand cela était contesté, si l'employeur rapportait la preuve de la répartition de la durée de travail convenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause,

3°) ALORS QUE l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en rejetant la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de sa demande en rappels de salaires subséquente sans constater que l'employeur rapportait la preuve que M. [R] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [R] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à condamner la société Lafont Drome gel à lui verser 6.000 € en réparation d'une inégalité de traitement qu'il a subie par rapport aux autres commerciaux de la société,

ALORS QU'en vertu du principe de l'égalité de traitement, un salarié ne peut pas subir de traitement discriminatoire par rapport à d'autres salariés placés dans une situation identique ; qu'en écartant l'existence d'une inégalité de traitement subie par M. [R] par rapport aux autres commerciaux de la société Lafont Drome gel sans rechercher, comme il le lui demandait, s'il n'avait pas subi une telle inégalité de traitement dans la mesure où le fixe des autres commerciaux était égal à un salaire minimum de croissance à temps complet, plus un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé, quand il percevait, outre une rémunération forfaitaire sans lien avec le nombre d'heures effectuées, une rémunération en fonction de son chiffre d'affaires, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du principe d'égalité de traitement.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [R] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir condamner la société Lafont Drome gel à lui verser la somme de 2.972,58 € à titre de rappel des primes contractuelles de prospection et d'entretien,

1°) ALORS QUE la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail du salarié qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération serait plus avantageux ; qu'en affirmant, pour débouter M. [R] de sa demande tendant à voir condamner la société Lafont Drome gel à lui verser la somme de 2.972,58 € à titre de rappel des primes contractuelles de prospection et d'entretien, que la société justifie que la mesure ayant modifié le versement de ces primes à compter de juin 2012 était plus favorable financièrement pour M. [R], la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, devenu l'article 1103 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'accord du salarié à la modification de sa rémunération contractuelle ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat de travail sans protestation ; qu'en affirmant, pour débouter M. [R] de sa demande tendant à voir condamner la société Lafont Drome gel à lui verser la somme de 2.972,58 € à titre de rappel des primes contractuelles de prospection et d'entretien, que si l'employeur ne conteste pas avoir modifié le versement de ces primes à compter de juin 2012, elle justifie que M. [R] n'a jamais contesté cette mesure au cours des trois années qui ont suivi, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, devenu l'article 1103 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [R] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande en condamnation de la société Lafont Drome gel au paiement de la somme de 6.097,13 € pour congés payés non pris,

ALORS QU'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement et de rapporter la preuve que le salarié a refusé de prendre son congé ; qu'en affirmant, pour débouter M. [R] de sa demande en paiement pour congés payés non pris, que s'agissant de la privation de congés payés annuels, la société a payé, depuis le mois de juin 2013, des congés payés, faute de retour des plannings du salarié (arrêt attaqué, p. 9), quand il appartenait à la cour d'appel de déterminer si le salarié avait pris ou non ses congés et, dans la négative, de rechercher si l'employeur justifiait avoir pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé en accomplissant à cette fin les diligences qui lui incombaient, mais que le salarié avait opposé un refus, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 3141-12 et L. 3141-14 du code du travail.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [R] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de ses demandes tendant à voir condamné la société Laffont Drome gel à lui payer les sommes de 9.994,35 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de 1.3048,18 € à titre d'indemnité de licenciement et de 3.331,45 € brut à titre d'indemnité de préavis, de 333,10 € brut à titre de congés payés afférents,

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier, deuxième troisième ou quatrième moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt ayant débouté l'exposant de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, en application de l'article 624 du code de procédure civile,

2°) ALORS QU'en affirmant, pour refuser de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'employeur avait procédé à la régularisation des salaires de mai à août 2015 sur la paye du mois de septembre 2015 à hauteur de 108,33 heures, quand il résultait du bulletin de septembre 2015 une régularisation à hauteur de 107,43 heures (production n° 8), la cour d'appel a dénaturé ce document clair et précis et violé le principe faisant obligation au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis,

3°) ALORS QUE la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que le manquement reproché à l'employeur est suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail ; qu'en refusant de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'absence de prise en charge des frais de repas du salarié pris à l'extérieur ne constituait pas un manquement suffisamment grave de l'employeur susceptible de justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail torts de ce dernier, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-2 du code du travail,

4°) ALORS QU'en refusant de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans rechercher, comme cela lui était demandé, preuve à l'appui, si le fait que M. [R] avait été contraint de supporter, de mars 2009 à août 2015, près de 4.680 € de carburant, à raison de 15 € par semaine minimum, ne constituait pas un manquement suffisamment grave de l'employeur susceptible de justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de ce dernier, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-2 du code du travail,

5°) ALORS QU'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement et de rapporter la preuve que le salarié a refusé de prendre son congé ; qu'en affirmant, pour refuser de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que s'agissant de la privation de congés payés annuels, la société a payé, depuis le mois de juin 2013, des congés payés, faute de retour des plannings du salarié (arrêt attaqué, p. 9), quand il appartenait à la cour d'appel de déterminer si le salarié avait pris ou non ses congés et, dans la négative, de rechercher si l'employeur justifiait avoir pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé en accomplissant à cette fin les diligences qui lui incombaient, mais que le salarié avait opposé un refus, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-2 du code du travail, ensemble les articles L. 3141-12 et L. 3141-14 du code du travail ;

6°) ALORS QUE l'accord du salarié à la modification de son contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite de ce contrat sans protestation ; qu'en se fondantt, pour refuser de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur la seule acceptation tacite par le salarié de la réduction de son temps de travail après la notification, en septembre 2012, de cette réduction, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1237-2 du code du travail, ensemble les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version applicable en la cause, devenu l'article 1103.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-15863
Date de la décision : 08/02/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 08 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 fév. 2023, pourvoi n°21-15863


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.15863
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