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25/01/2023 | FRANCE | N°21-20912

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 janvier 2023, 21-20912


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 67 F-D

Pourvoi n° Q 21-20.912

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023

M. [V] [M], domicilié [Adresse

1], a formé le pourvoi n° Q 21-20.912 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opp...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 67 F-D

Pourvoi n° Q 21-20.912

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023

M. [V] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-20.912 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Décathlon, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Décathlon, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2021), M. [M] a été engagé par la société Décathlon à compter du 30 décembre 2008, en qualité de "responsable univers" avant d'être promu le 1er janvier 2009 responsable de rayon.

2. Le salarié a été licencié le 3 novembre 2014.

3. Le 26 janvier 2015, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité de la convention de forfait en jours et en paiement de sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de repos compensateur et au titre du travail dissimulé, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ainsi que le droit à la santé du salarié ; qu'à défaut, la convention de forfait en jours est nulle ; que les dispositions de l'accord sur l'aménagement du temps de travail en date du 26 juin 2002 conclu au sein de la société Décathlon se limitent à prévoir un outil de planification et de suivi des journées travaillées et, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et donc, à assurer la protection de son droit au repos, à la sécurité et à la santé ; qu'en jugeant que de telles dispositions étaient de nature à répondre aux exigences relatives au droit à la santé et au repos et en refusant d'annuler la convention de forfait en jours conclue par le salarié, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière des articles 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

5. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

6. Il résulte des articles susvisés des directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

7. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

8. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours, l'arrêt retient que selon l'accord "cadres autonomes et aménagement du temps de travail" signé le 25 juin 2002 entre les représentants syndicaux et le représentant de la société Décathlon, les cadres dirigeants et les cadres autonomes travailleront au maximum 217 jours par an sous réserve d'avoir acquis 25 jours de congés payés. Il ajoute qu'aucune atteinte aux droits à la sécurité, à la santé et au repos n'est établie et que l'accord cadre sur les forfaits en jours s'applique bien au salarié.

9. En statuant ainsi, alors que les dispositions des articles 2.1 et 2.2 de l'accord d'entreprise du 25 juin 2002, qui se bornent à rappeler que les cadres autonomes bénéficient des dispositions légales en matière de repos quotidien et hebdomadaire et à prévoir que ces cadres sont tenus de veiller au respect de ces repos, qu'un outil de planification et de suivi des journées travaillées et non-travaillées sera mis en place et que lors de l'entretien de fin d'année, le cadre fera le point avec son responsable hiérarchique sur l'organisation de son travail, l'amplitude de ses journées d'activité et la charge de travail qui en résulte, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [M] de ses demandes en nullité de la convention de forfait en jours et en paiement de sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de repos compensateurs et au titre du travail dissimulé, et en ce qu'il statue sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Décathlon aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Décathlon et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [M]

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [M] de sa demande de nullité de sa convention de forfait en jours et d'AVOIR débouté Monsieur [M] de sa demande de rappel de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de repos compensateur et au titre du travail dissimulé ;

1°) ALORS QUE la validité de la convention de forfait en jours suppose que le salarié dont elle gouverne le décompte du temps de travail soit autonome dans l'organisation de son emploi du temps ; que l'autonomie dans l'organisation du temps de travail d'un salarié s'apprécie au regard de l'ensemble des fonctions réellement exercées par ce dernier ; qu'au cas présent, pour dire la convention de forfait en jours valable, la cour d'appel s'est bornée à relever que monsieur [M] disposait d'une autonomie dans le recrutement des collaborateurs (arrêt p. 8 § 4) ; qu'en statuant ainsi, quand le niveau de délégation dont disposait Monsieur [M] était inopérant pour révéler une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-58 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant en l'espèce, pour débouter Monsieur [M] de sa demande tendant à faire juger invalide sa convention de forfait en jours, que celui-ci était autonome dans l'organisation de son emploi du temps, sans s'expliquer sur les attestations versées aux débats par le salarié pour démontrer que son emploi du temps était contraint par les modalités d'organisation du magasin, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ainsi que le droit à la santé du salarié ; qu'à défaut, la convention de forfait en jours est nulle ; que les dispositions de l'accord sur l'aménagement du temps de travail en date du 26 juin 2002 conclu au sein de la société Décathlon se limitent à prévoir un outil de planification et de suivi des journées travaillées et, s'agissant du suivi de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et donc, à assurer la protection de son droit au repos, à la sécurité et à la santé ; qu'en jugeant que de telles dispositions étaient de nature à répondre aux exigences relatives au droit à la santé et au repos et en refusant d'annuler la convention de forfait en jours conclue par le salarié, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-20912
Date de la décision : 25/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jan. 2023, pourvoi n°21-20912


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.20912
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