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25/01/2023 | FRANCE | N°21-19105

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 janvier 2023, 21-19105


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 84 F-D

Pourvoi n° A 21-19.105

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2023

1°/ M. [U] [I],

2°/ Mme [C] [M], épouse [

I],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° A 21-19.105 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Lyon (6e cha...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 84 F-D

Pourvoi n° A 21-19.105

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2023

1°/ M. [U] [I],

2°/ Mme [C] [M], épouse [I],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° A 21-19.105 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [E] [P], épouse [O], domiciliée [Adresse 5],

2°/ à M. [Y] [P], domicilié [Adresse 4],

3°/ à M. [V] [P], domicilié [Adresse 2],

4°/ à Mme [L] [P], épouse [F], domiciliée [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. [I] et Mme [M], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mmes [E] et [L] [P], MM. [Y] et [V] [P], après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er avril 2021), le 14 avril 1990, [S] [P] a autorisé [N] [I] à entreposer du matériel agricole dans un hangar lui appartenant.

2. [N] [I] est décédé en 2013, laissant pour lui succéder sa veuve, Mme [M], et son fils, M. [I].

3. Mmes [E] et [L] [P], MM. [Y] et [V] [P] (les consorts [P]), ayants droit d'[S] [P], décédé le 24 novembre 2018, ont repris l'instance introduite par celui-ci le 21 novembre 2018 devant le tribunal d'instance, et ont sollicité la condamnation de M. [I] et Mme [M] à enlever le matériel du hangar. Ces derniers ont, à titre reconventionnel, revendiqué le bénéfice du statut du fermage.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. [I] et Mme [M] font grief à l'arrêt de dire que le bail rural, initialement conclu entre [N] [I] et [S] [P], n'a pas été renouvelé au 14 avril 2017 et qu'ils occupent les lieux sans droit ni titre, et de les condamner à retirer sans délai l'ensemble des objets et matériels leur appartenant entreposés dans les terrains et hangars appartenant aux consorts [P], alors « que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est un bail rural, dont la durée ne peut être inférieure à neuf ans ; qu'en vertu des dispositions d'ordre public qui gouvernent ce bail, le preneur a droit à son renouvellement, nonobstant toutes stipulations ou arrangements contraires, par le seul effet de la loi ; que les aléas du « titre onéreux » (paiement irrégulier, retardé ou absent) dont les parties sont initialement convenues n'affectent nullement la qualification du contrat au cours de son exécution ; qu'il n'est dès lors pas possible de justifier l'exclusion du droit du preneur au renouvellement du contrat de bail rural par un défaut de paiement du loyer, peu important qu'il n'ait été ni acquitté, ni réclamé ; qu'en jugeant pourtant que le contrat de bail n'avait pas pu se renouveler au 14 avril 2017 au motif qu'à cette date « les parties avaient cessé depuis plus de 3 ans de donner un caractère onéreux à leur mise à disposition des hangars à défaut d'usage agricole effectif des matériels entreposés », la cour a violé les articles L. 411-1, L. 411-46, L. 411-50 et L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime :

5. Selon ce texte, le preneur, s'il réunit les mêmes conditions d'exploitation et d'habitation que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise en fin de bail prévues à l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime, a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L. 411-31 du même code ou n'invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L. 411-57 à L. 411-63, L. 411-66 et L. 411-6 de ce code.

6. Pour écarter le renouvellement du bail rural, l'arrêt retient qu'il est soumis aux mêmes conditions de fond que son établissement, à savoir les exigences cumulatives de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, et que, les parties ayant cessé depuis plus de trois ans de donner un caractère onéreux à la mise à disposition des hangars et le matériel entreposé n'ayant plus d'usage agricole effectif, ces conditions ne sont plus réunies au 14 avril 2017.

7. En statuant ainsi, alors que le droit au renouvellement est subordonné au seul respect des exigences prévues à l'article L. 411-59 précité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le bail rural n'a pas été renouvelé au 14 avril 2017 et que M. [I] et Mme [M] occupent les lieux sans droit ni titre et en ce qu'il les condamne à retirer sans délai l'ensemble des objets et matériels leur appartenant entreposés dans les terrains et hangars, propriété de Mme [E] [P], M. [Y] [P], M. [V] [P] et Mme [L] [P], l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne Mmes [E] et [L] [P], MM. [Y] et [V] [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [E] et [L] [P], MM. [Y] et [V] [P], et les condamne à payer à M. [I] et Mme [M] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. [I] et Mme [M]

M. [U] [I] et Mme [C] [I] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la mise à disposition des hangars initialement convenue entre [N] [I] et les époux [S] [P], qui avait constitué un bail rural renouvelé jusqu'au 14 avril 2017, n'avait pas été renouvelé à cette date et qu'en conséquence, ils occupaient les lieux sans droit ni titre, et d'avoir en conséquence confirmé le jugement en ce qu'il les avait condamnés à retirer sans délai l'ensemble des objets et matériels leur appartenant entreposés dans les terrains et hangars, propriété de [E] [P] épouse [O], [Y] [P], [V] [P] et [L] [P] épouse [F], situés au [Adresse 6] (devenu [Localité 7]),

1° alors que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est un bail rural, dont la durée ne peut être inférieure à neuf ans, nonobstant toute clause ou convention contraire ; qu'en vertu des dispositions d'ordre public qui gouvernent ce bail, le preneur a droit à son renouvellement au terme de cette durée de neuf ans, nonobstant toutes stipulations ou arrangements contraires, par le seul effet de la loi ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que les parties étaient liées par un contrat, initialement conclu le 14 avril 1990, qui avait la nature d'un contrat de bail rural, lequel s'est renouvelé le 14 avril 1999, puis le 14 avril 2008 pour une nouvelle durée légale de neuf ans, dont le terme était le 14 avril 2017 ; qu'il s'ensuit qu'à défaut de toute opposition du bailleur à l'exercice du droit du preneur au renouvellement du contrat de bail rural, celui-ci devait se renouveler de plein droit au 14 avril 2017 pour une nouvelle durée de neuf ans ; qu'en jugeant le contraire, après avoir pourtant constaté qu'il s'agissait bien d'un bail rural en cours et qu'il était constant que le droit du preneur au renouvellement n'avait jamais été contesté, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 411-1 et L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime, ensemble des articles 411-50 et L. 411-53 du même code ;

2° alors que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est un bail rural, dont la durée ne peut être inférieure à neuf ans ; qu'en vertu des dispositions d'ordre public qui gouvernent ce bail, le preneur a droit à son renouvellement, nonobstant toutes stipulations ou arrangements contraires, par le seul effet de la loi ; que les aléas du « titre onéreux » (paiement irrégulier, retardé ou absent) dont les parties sont initialement convenues n'affectent nullement la qualification du contrat au cours de son exécution ; qu'il n'est dès lors pas possible de justifier l'exclusion du droit du preneur au renouvellement du contrat de bail rural par un défaut de paiement du loyer, peu important qu'il n'ait été ni acquitté, ni réclamé ; qu'en jugeant pourtant que le contrat de bail n'avait pas pu se renouveler au 14 avril 2017 au motif qu'à cette date « les parties avaient cessé depuis plus de 3 ans de donner un caractère onéreux à leur mise à disposition des hangars à défaut d'usage agricole effectif des matériels entreposés », la cour a violé les articles L. 411-1, L. 411-46, L. 411-50 et L. 411-53 du code rural et de la pêche maritime ;

3° alors que toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est un bail rural ; que ce bail ne peut être d'une durée inférieure à neuf ans, nonobstant toute clause ou convention contraire, au terme de laquelle le preneur a droit à son renouvellement, nonobstant toutes stipulations ou arrangements contraires, par le seul effet de la loi ; que les parties ne peuvent mettre fin à ce contrat, avant son terme légal, que par voie de résiliation, aux strictes conditions prévues la loi ; qu'en l'espèce, pour juger que le contrat de bail rural, antécédemment renouvelé le 14 avril 2008, n'avait pas pu se renouveler à son terme légal « théorique », le 14 avril 2017, la cour a retenu qu'à cette date, les conditions du droit au renouvellement d'un bail rural n'étaient plus réunies dès lors qu'à compter de 2014, les parties avaient cessé de donner un caractère onéreux à la mise à disposition du hangar litigieux au motif que le matériel entreposé n'aurait plus d'usage agricole effectif ; qu'ainsi, la cour a jugé que, de l'accord des parties, le contrat de bail rural avait perdu en cours d'exécution un élément essentiel à son existence, ce pourquoi le droit au renouvellement n'avait plus de raison d'être ; qu'en jugeant ainsi que les parties avaient pu conventionnellement mettre fin au contrat de bail rural avant son terme légal, par soustraction acceptée de l'un de ses éléments essentiels, sans qu'aucune résiliation n'en ait été demandée ni constatée, la cour a violé les articles L. 411-1 et L. 411-5 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 411-31 et L. 411-46 du même code.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 01 avril 2021


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 25 jan. 2023, pourvoi n°21-19105

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Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent, SCP Le Griel

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 25/01/2023
Date de l'import : 31/01/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21-19105
Numéro NOR : JURITEXT000047074073 ?
Numéro d'affaire : 21-19105
Numéro de décision : 32300084
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2023-01-25;21.19105 ?
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