La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/01/2023 | FRANCE | N°21-23947

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 20 janvier 2023, 21-23947


LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

COUR DE CASSATION LM

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Audience publique du 20 janvier 2023

Rejet

M. SOULARD, premier président

Arrêt n° 663 B+R
Pourvoi n° P 21-23.947

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE
PLÉNIÈRE, DU 20 JANVIER 2023

L'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié ministères économiques et financiers, [Adresse 5], venant aux droits de l'é

tablissement public industriel et commercial Charbonnages de France, a formé le pourvoi n° P 21-23.947 contre l'arrêt rendu le 7 septembr...

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

COUR DE CASSATION LM

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Audience publique du 20 janvier 2023

Rejet

M. SOULARD, premier président

Arrêt n° 663 B+R
Pourvoi n° P 21-23.947

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE
PLÉNIÈRE, DU 20 JANVIER 2023

L'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié ministères économiques et financiers, [Adresse 5], venant aux droits de l'établissement public industriel et commercial Charbonnages de France, a formé le pourvoi n° P 21-23.947 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [V], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [H] [V], domicilié [Adresse 3],

3°/ à Mme [G] [V], épouse [X], domiciliée [Adresse 4],

4°/ à Mme [P] [V], épouse [T], domiciliée [Adresse 6],

5°/ à M. [L] [I], domicilié [Adresse 1],

6°/ à M. [O] [V],

7°/ à M. [R] [V],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

8°/ à M. [B] [X],

9°/ à [U] [X], enfant mineure représentée par son représentant légal, Mme [G] [V], épouse [X],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

10°/ à M. [A] [T],

11°/ à [M] [T], enfant mineure représentée par son représentant légal, Mme [P] [V], épouse [T],

tous deux domiciliés [Adresse 6],

12°/ à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, dont le siège est [Adresse 7], ayant pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle,

défendeurs à la cassation.

Par ordonnance du 30 mai 2022, la première présidente de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.

Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt.

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés.

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Leduc et Vigand.

Le rapport écrit de Mme Van Ruymbeke, conseiller, et l'avis écrit de M. Gaillardot, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, assisté de M. Allain, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, de la SCP Leduc et Vigand, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2022 où étaient présents M. Soulard, premier président, MM. Pireyre, Sommer, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, présidents, Mme Duval-Arnould, doyen de chambre faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Maunand, Mmes Darbois, Martinel, doyens de chambre, M. de Larosière de Champfeu, Mme Auroy, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, M. Jacques, Mme Coutou, M. Mornet, Mmes Goanvic, Guillou, conseillers, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,

la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 7 septembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-13.126), la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (la caisse), par décision du 28 janvier 2013, a pris en charge, au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, la pathologie et le décès d'[J] [V] (la victime), salarié des Houillères du Bassin de Lorraine, aux droits desquelles se sont successivement trouvés l'établissement public Charbonnages de France, puis l'Agent judiciaire de l'Etat.

2. Ses ayants droit ont saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'Agent judiciaire de l'Etat fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnisation des préjudices personnels subis par [J] [V] aux sommes de 50 000 euros au titre du préjudice moral et 20 000 euros au titre du préjudice physique, alors :

« 1°/ que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que ne sont réparables, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, que les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, pour fixer à la somme de 70 000 euros l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées par [J] [V], la cour d'appel de renvoi a retenu que « l'indemnisation des souffrances physiques et morales prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la date de consolidation ou encore de l'absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent qui n'est ni prévue par ce texte ni par les dispositions des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale, en sorte que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales causées et éprouvées depuis l'accident ou l'évènement qui lui est assimilé, au nombre desquelles figurent l'angoisse de mort imminente qui constitue une des composantes des souffrances morales pour autant qu'elle soit caractérisée » ; qu'en indemnisant les souffrances physiques et morales subies par [J] [V] sans tenir compte de l'indemnisation procédant de la rente qu'il avait perçue, la cour d'appel de renvoi a violé l'ensemble des textes susvisés.

2°/ qu'il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que sont réparables, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, pour fixer à la somme de 70 000 euros l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées par [J] [V], la cour d'appel de renvoi a retenu que « Au cas présent, il convient de constater que l'intéressé s'est trouvé affecté à l'âge de 56 ans d'un cancer broncho pulmonaire, ce point n'étant pas contesté. Les pièces médicales produites permettent d'établir qu'après le diagnostic de la maladie, la victime a fait l'objet de traitements médicaux conséquents en particulier sous la forme de chimiothérapie inhérente à ce type de pathologie. Ces mêmes pièces ainsi que l'attestation produite aux débats du gendre de la victime établissent que les soins, traitements et diagnostics se sont poursuivis après la déclaration de la maladie le 29 avril 2012. En particulier la scintigraphie osseuse réalisée en juillet 2012 mettant en évidence une évolution osseuse secondaire du carcinome bronchique à petite cellules sous chimiothérapie, présentant un caractère diffus (rachis, gril costal, scapula droite et bassin) dont l'indication est caractéristique de douleurs. Tout comme le scanner du 24 août 2012 mettant en évidence des lésions secondaires sous forme d'hyperdensités focalisées, de prise de contraste aussi bien cérébrale que cérébelleuse. De même l'attestation de M. [T] permet de mettre en évidence des soins douloureux, entrecoupés de phases d'hospitalisations, jusqu'au décès de la victime. Il s'ensuit que ces traitements et l'évolution de la maladie constatée en particulier par les examens pratiqués au cours de l'état 2012 mettent en évidence des douleurs physiques s'étant continuées après la déclaration de la maladie qui ont été correctement évaluées par les premiers juges à la somme de 20 000 euros. En ce qui concerne les douleurs morales afférentes à la maladie, celles-ci résultent du caractère inéluctable, évolutif de la maladie affectant une personne relativement jeune, comme âgée de 56 ans lors de la déclaration de la maladie qui conduira à son décès moins de six mois après. Ces souffrances morales résultent également des conditions dégradées de vie qui étaient celles de la victime au cours de ces derniers mois se traduisant par l'impossibilité de réaliser seul les actes de la vie quotidienne, le regard de sa famille et de son épouse comme l'attestation de M. [T] permet de le mettre en évidence. Il s'ensuit que la fixation des souffrances morales à la somme de 50 000 euros comme opérée par les premiers juges apparaît justifiée. » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à démontrer en quoi les souffrances physiques et morales endurées par la victime étaient distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel de renvoi a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

4. Selon les articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu à l'article R. 434-1 du même code est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

5. Selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2 du même code, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

6. La Cour de cassation juge depuis 2009 que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 95 et 96 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; pourvoi n° 07-21.768, Bull. 2009, II, n° 153 ; pourvoi n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154).

7. Elle n'admet que la victime percevant une rente d'accident du travail puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales qu'à la condition qu'il soit démontré que celles-ci n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 28 février 2013, pourvoi n° 11-21.015, Bull. 2013, II, n° 48).

8. Si cette jurisprudence est justifiée par le souhait d'éviter des situations de double indemnisation du préjudice, elle est de nature néanmoins, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec le caractère forfaitaire de la rente au regard du mode de calcul de celle-ci, tenant compte du salaire de référence et reposant sur le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.

9. Par ailleurs, il ressort des décisions des juges du fond que les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles éprouvent parfois des difficultés à administrer la preuve de ce que la rente n'indemnise pas le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

10. Enfin, le Conseil d'Etat juge de façon constante qu'eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et que dès lors le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel (CE, section, avis, 8 mars 2013, n° 361273, publié au Recueil Lebon ; CE, 23 décembre 2015, n° 374628 ; CE, 18 octobre 2017, n° 404065).

11. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

12. Après avoir énoncé à bon droit que la rente versée à la victime, eu égard à son mode de calcul appliquant au salaire de référence de cette dernière le taux d'incapacité permanente défini à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, n'avait ni pour objet ni pour finalité l'indemnisation des souffrances physiques et morales prévue à l'article L. 452-3 du même code et qu'une telle indemnisation n'était pas subordonnée à une condition tirée de l'absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a exactement décidé que les souffrances physiques et morales de la victime pouvaient être indemnisées.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le vingt janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour l'Agent judiciaire de l'Etat, venant aux droits de l'établissement public industriel et commercial Charbonnages de France

L'Agent judiciaire de l'Etat fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé l'indemnisation des préjudices personnels subis par [J] [V] de la manière suivante : 50 000 euros au titre du préjudice moral et 20 000 euros au titre du préjudice physique, alors :

1°/ que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que ne sont réparables, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, que les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, pour fixer à la somme de 70 000 euros l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées par [J] [V], la cour d'appel de renvoi a retenu que « l'indemnisation des souffrances physiques et morales prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la date de consolidation ou encore de l'absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent qui n'est ni prévue par ce texte ni par les dispositions des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale, en sorte que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales causées et éprouvées depuis l'accident ou l'événement qui lui est assimilé, au nombre desquelles figurent l'angoisse de mort imminente qui constitue une des composantes des souffrances morales pour autant qu'elle soit caractérisée » ; qu'en indemnisant les souffrances physiques et morales subies par [J] [V] sans tenir compte de l'indemnisation procédant de la rente qu'il avait perçue, la cour d'appel de renvoi a violé l'ensemble des textes susvisés ;

2°/ qu'il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que sont réparables, en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, pour fixer à la somme de 70 000 euros l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées par [J] [V], la cour d'appel de renvoi a retenu que « Au cas présent, il convient de constater que l'intéressé s'est trouvé affecté à l'âge de 56 ans d'un cancer broncho pulmonaire, ce point n'étant pas contesté. Les pièces médicales produites permettent d'établir qu'après le diagnostic de la maladie, la victime a fait l'objet de traitements médicaux conséquents en particulier sous la forme de chimiothérapie inhérente à ce type de pathologie. Ces mêmes pièces ainsi que l'attestation produite aux débats du gendre de la victime établissent que les soins, traitements et diagnostics se sont poursuivis après la déclaration de la maladie le 29 avril 2012. En particulier la scintigraphie osseuse réalisée en juillet 2012 mettant en évidence une évolution osseuse secondaire du carcinome bronchique à petite cellules sous chimiothérapie, présentant un caractère diffus (rachis, gril costal, scapula droite et bassin) dont l'indication est caractéristique de douleurs. Tout comme le scanner du 24 août 2012 mettant en évidence des lésions secondaires sous forme d'hyperdensités focalisées, de prise de contraste aussi bien cérébrale que cérébelleuse. De même l'attestation de M. [T] permet de mettre en évidence des soins douloureux, entrecoupés de phases d'hospitalisations, jusqu'au décès de la victime. Il s'ensuit que ces traitements et l'évolution de la maladie constatée en particulier par les examens pratiqués au cours de l'état 2012 mettent en évidence des douleurs physiques s'étant continuées après la déclaration de la maladie qui ont été correctement évaluées par les premiers juges à la somme de 20 000 euros. En ce qui concerne les douleurs morales afférentes à la maladie, celles-ci résultent du caractère inéluctable, évolutif de la maladie affectant une personne relativement jeune, comme âgée de 56 ans lors de la déclaration de la maladie qui conduira à son décès moins de six mois après. Ces souffrances morales résultent également des conditions dégradées de vie qui étaient celles de la victime au cours de ces derniers mois se traduisant par l'impossibilité de réaliser seul les actes de la vie quotidienne, le regard de sa famille et de son épouse comme l'attestation de M. [T] permet de le mettre en évidence. Il s'ensuit que la fixation des souffrances morales à la somme de 50 000 euros comme opérée par les premiers juges apparaît justifiée. » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à démontrer en quoi les souffrances physiques et morales endurées par la victime étaient distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel de renvoi a violé les textes susvisés.


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 21-23947
Date de la décision : 20/01/2023
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale - Objet - Indemnisation du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Préjudice indemnisé - Etendue - Détermination SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Paiement - Imputation - Modalités - Détermination - Portée SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale - Objet - Indemnisation de la victime - Etendue - Détermination - Portée

La rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 07 septembre 2021

Revirement :2e Civ., 28 février 2013, pourvoi n° 11-21015, Bull. 2013, II, n° 48 (cassation partielle).Egalement :Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485 , Bull. crim. 2009, n° 95 et n° 96 (cassation) ;2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17581, Bull. 2009, II, n° 155 (cassation) ;2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 07-21768, Bull. 2009, II, n° 153 (cassation partielle) ;2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-16089, Bull. 2009, II, n° 154 (cassation).A rapprocher de :Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23673, Bull. (cassation partielle) ;CE, 8 mars 2013, n° 361273, publié au Recueil Lebon ;CE, 23 décembre 2015, n° 374628 ;CE, 18 octobre 2017, n° 404065.


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 20 jan. 2023, pourvoi n°21-23947, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (premier président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.23947
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award