LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2023
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 21 F-D
Pourvoi n° F 21-14.303
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023
Mme [B] [O], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 21-14.303 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Etude généalogique Maillard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [T] [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Etude généalogique Maillard,
3°/ à l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [O], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société BTSG, ès qualités, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 26 novembre 2020), Mme [O] a été engagée à compter du 28 février 2005 par la société Etude généalogique Maillard (la société), en qualité d'assistante juridique.
3. Par jugement du 3 janvier 2017, la société a été placée en liquidation judiciaire et la société BTSG, prise en la personne de M. [W], désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
4. La salariée a été licenciée pour motif économique par lettre du 13 janvier 2017 et son contrat de travail a été rompu le 6 février suivant par son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
5. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, et tendant à ce que l'arrêt soit déclaré opposable à l'AGS CGEA Ile-de-France, alors « que le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'ayant constaté qu'un financement anormal de la société Maillard ayant consisté à se servir de fonds dont elle n'était que dépositaire pour le compte des héritiers à l'origine d'une dette d'un montant de 4 334 000 euros pour l'exercice 2016, la poursuite de l'activité alors qu'elle était en cessation de paiement depuis le 3 juillet 2015, voire depuis 2012, l'existence d'une dette rendant impossible au moment où le tribunal de commerce avait été saisi tout autre choix qu'une liquidation judiciaire, l'existence d'un compte courant débiteur au profit du dirigeant, un gonflement artificiel du poste de production afin de maintenir des capitaux propres positifs à partir de 2012, des flux financiers non explicités au bénéfice d'une ancienne filiale pour un montant de 302 284 euros en 2015, ce dont il résultait que l'employeur avait commis des agissements fautifs ayant entraîné la liquidation judiciaire et la disparition consécutive de l'emploi de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1232-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.
8. Cependant, la cour d'appel a estimé que, si les agissements de l'employeur se révélaient fautifs, les éléments produits ne permettaient pas pour autant de considérer qu'ils étaient à l'origine des difficultés économiques et de la liquidation judiciaire de la société dont l'activité n'était pas viable, dès lors notamment que la dette « héritiers » atteignait déjà plus de trois millions en 2012 et que rien n'établissait qu'une poursuite d'activité aurait pu s'envisager si la cessation des paiements avait été déclarée plus tôt, compte tenu de cette dette, immédiatement exigible en sa plus grande partie et dix fois supérieure, en 2012, au résultat d'exploitation.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [O],
Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents et tendant à ce que l'arrêt soit déclaré opposable à l'AGS CGEA Ile de France.
ALORS QUE le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'ayant constaté qu'un financement anormal de la société Maillard ayant consisté à se servir de fonds dont elle n'était que dépositaire pour le compte des héritiers à l'origine d'une dette d'un montant de 4.334.000 € pour l'exercice 2016, la poursuite de l'activité alors qu'elle était en cessation de paiement depuis le 3 juillet 2015, voire depuis 2012, l'existence d'une dette rendant impossible au moment où le tribunal de commerce avait été saisi tout autre choix qu'une liquidation judiciaire, l'existence d'un compte courant débiteur au profit du dirigeant, un gonflement artificiel du poste de production afin de maintenir des capitaux propres positifs à partir de 2012, des flux financiers non explicités au bénéfice d'une ancienne filiale pour un montant de 302.284 € en 2015, ce dont il résultait que l'employeur avait commis des agissements fautifs ayant entraîné la liquidation judiciaire et la disparition consécutive de l'emploi de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1232-1 du code du travail.