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12/01/2023 | FRANCE | N°20-22103

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 janvier 2023, 20-22103


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2023

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 66 FS-B

Pourvoi n° P 20-22.103

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2023

M. [Z] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-22

.103 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2020 par la cour d'appel de Metz (3e chambre civile, droit local), dans le litige l'opposant :

1°/ à l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2023

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 66 FS-B

Pourvoi n° P 20-22.103

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2023

M. [Z] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-22.103 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2020 par la cour d'appel de Metz (3e chambre civile, droit local), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Aunilec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Axdis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de la société Aunilec, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Martinel et Leroy-Gissinger, conseillers doyens, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, MM. Martin, Delbano, Mmes Vendryes, Isola, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Pradel, Mmes Brouzes, Latreille, Bonnet, Philippart, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 24 septembre 2020), M. [N], qui avait été désigné en qualité d'expert judiciaire dans un litige opposant les sociétés Axdis et Aunilec, a formé un recours à l'encontre d'une ordonnance de taxe ayant fixé sa rémunération au montant des sommes consignées, déduction faite des avances qui lui avaient été versées.

2. M. [N] a formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt ayant rejeté son recours.

3. Le président de la compagnie des experts de justice près la cour d'appel de Colmar, le président de la compagnie des experts de justice près la cour d'appel de Metz et le secrétaire général de l'Institut de droit local alsacien-mosellan ont, en application des articles L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et été entendus à l'audience publique du 6 octobre 2022.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter son recours formé contre l'ordonnance de taxe rendue le 19 juillet 2018 et de confirmer cette ordonnance lui allouant, au vu notamment du montant total de 31 300 euros consigné et des deux avances pour un montant de 10 000 euros qui lui avaient été versées, un montant forfaitaire de 21 300 euros, alors :

« 1°/ qu'en droit local alsacien-mosellan, la rémunération de l'expert est déterminée au regard de la perte de temps, de la difficulté de l'affaire, de la situation professionnelle de l'expert, outre des frais dépensés en vue de la confection de l'expertise et de la valeur des objets et des outils usés à cette occasion, peu important le montant des sommes consignées ; qu'en allouant à M. [N] un montant forfaitaire de 21 300 euros, compte tenu de la somme totale de 31 300 euros consignée et des deux avances pour un montant de 10 000 euros qui lui avaient été versées, sans déterminer le montant de sa rémunération au regard des diligences accomplies, du temps passé, de la difficulté de l'affaire, de la situation professionnelle de l'expert, et des frais exposés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de la loi n° 1257 du 30 juin 1878 relative aux indemnités accordées aux témoins et experts ;

2°/ qu'en droit local alsacien-mosellan, la rémunération de l'expert qui doit être déterminée au regard de la perte de temps, de la difficulté de l'affaire, de la situation professionnelle de l'expert, et des frais engagés, n'est pas limitée au montant des sommes consignées, le juge taxateur pouvant délivrer à l'expert un titre exécutoire pour recouvrer le solde de sa rémunération non couvert par la consignation ; qu'en jugeant au contraire qu'en droit local, la rémunération de l'expert était limitée à la somme consignée, dès lors qu'elle n'aurait pas le pouvoir de condamner une des parties à la procédure à payer à l'expert judiciaire le solde de sa rémunération non couvert par la consignation, pour réduire la rémunération de M. [N] à la somme consignée de 31 300 euros, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de la loi n° 1257 du 30 juin 1878 relative aux indemnités accordées aux témoins et experts, l'article 32 du décret n° 76-899 du 29 septembre 1976 relatif à l'application du nouveau code de procédure civile dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les articles 7 et 106 de la loi d'Alsace Lorraine sur les frais de justice du 6 décembre 1899, et les articles 79 et 84 de la loi d'Empire sur les frais de justice du 18 juin 1878. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société Aunilec conteste la recevabilité du moyen en invoquant sa nouveauté.

6. Cependant, si, aux termes de ses conclusions d'appel, M. [N] n'invoquait pas les dispositions de l'article 3 de la loi du 30 juin 1878 relative aux indemnités accordées aux témoins et experts et précisant les critères de rémunérations de l'expert, celui-ci faisait néanmoins valoir qu'aucun élément ne semble limiter la rémunération de l'expert au montant des sommes consignées et que si seul le montant des sommes consignées peut naturellement être versé par la régie du tribunal à sa connaissance, la réglementation applicable n'interdit pas au juge en charge de la rémunération du technicien de fixer le montant de sa rémunération à une somme supérieure.

7. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

8. Aux termes de l'article 30 du décret n° 76-899 du 29 septembre 1976 relatif à l'application du nouveau code de procédure civile dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les indemnités, frais et honoraires alloués aux témoins et aux experts demeurent régis par les dispositions du droit local.

9. En application de l'article 32 du même décret, lorsque le juge ordonne une enquête ou des mesures d'instruction exécutées par un technicien, ou toute autre mesure ayant pour but une opération entraînant des déboursés effectifs, fixe le montant de l'avance à consigner et désigne la ou les parties qui seront tenues de verser cette avance.

10. L'article 79, 4°, de la loi d'Empire sur les frais de justice du 18 juin 1878 énonce, dans ses dispositions maintenues en vigueur par l'article 1er du décret n° 78-63 du 20 janvier 1978, qu'il sera perçu à titre de déboursés effectifs les droits à payer aux témoins et aux experts.

11. L'article 84 de cette loi dispose, dans sa rédaction issue du décret précité du 20 janvier 1978, que le demandeur devra, pour toute demande ayant pour but une opération entraînant des déboursés effectifs, verser une avance suffisante pour couvrir ces déboursés.

12. Selon l'article 4, a, de la loi du 30 juin 1878 relative aux indemnités accordées aux témoins et experts, lorsque dans des instances civiles et commerciales les parties se sont déclarées d'accord devant le tribunal pour payer une somme déterminée pour les travaux de l'expert, cette indemnité sera allouée, à condition qu'une caution suffisante aura été déposée au Trésor public.

13. L'article 17 de cette loi énonce notamment que les indemnités à allouer à un témoin ou à un expert seront fixées par ordonnance du tribunal, si, soit le témoin ou l'expert, soit le Trésor public, en demandent la fixation ou si le tribunal le juge convenable. La taxe pourra être rectifiée d'office lorsqu'après avoir été payés par le Trésor public, les montants n'auront pas été remboursés.

14. Il résulte de la combinaison de ces textes que la rémunération de l'expert, fixée par le tribunal en application de l'article 17 de la loi du 30 juin 1878, ne peut être supérieure au montant total des sommes consignées par les parties.

15. Ayant retenu que la rémunération de l'expert prévue par les textes applicables en Alsace-Moselle repose sur la consignation préalable des montants dus à celui-ci et qu'il n'existe, en l'absence de disposition spécifique, aucune possibilité pour la juridiction saisie de condamner l'une des parties à verser une quelconque somme à l'expert, celui-ci ne pouvant se faire payer que par les comptables des impôts, en leur qualité de préposés de la Caisse des dépôts et consignations, sur les sommes consignées, la cour d'appel en a exactement déduit que, compte tenu des sommes consignées à hauteur de 31 300 euros, le montant total de la rémunération due à l'expert ne pouvait dépasser ce montant.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [N]

M. [N] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté son recours formé contre l'ordonnance de taxe rendue le 19 juillet 2018 et d'AVOIR confirmé cette ordonnance lui allouant, au vu notamment du montant total de 31 300 euros consigné et des deux avances pour un montant de 10 000 euros qui lui avaient été versées, un montant forfaitaire de 21 300 euros ;

1° ALORS QU'en droit local alsacien-mosellan, la rémunération de l'expert est déterminée au regard de la perte de temps, de la difficulté de l'affaire, de la situation professionnelle de l'expert, outre des frais dépensés en vue de la confection de l'expertise et de la valeur des objets et des outils usés à cette occasion, peu important le montant des sommes consignées ; qu'en allouant à M. [N] un montant forfaitaire de 21 300 euros, compte tenu de la somme totale de 31 300 euros consignée et des deux avances pour un montant de euros qui lui avaient été versées, sans déterminer le montant de sa rémunération au regard des diligences accomplies, du temps passé, de la difficulté de l'affaire, de la situation professionnelle de l'expert, et des frais exposés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de la loi n° 1257 du 30 juin 1878 relative aux indemnités accordées aux témoins et experts ;

2° ALORS QU'en droit local alsacien-mosellan, la rémunération de l'expert qui doit être déterminée au regard de la perte de temps, de la difficulté de l'affaire, de la situation professionnelle de l'expert, et des frais engagés, n'est pas limitée au montant des sommes consignées, le juge taxateur pouvant délivrer à l'expert un titre exécutoire pour recouvrer le solde de sa rémunération non couvert par la consignation ; qu'en jugeant au contraire qu'en droit local, la rémunération de l'expert était limitée à la somme consignée, dès lors qu'elle n'aurait pas le pouvoir de condamner une des parties à la procédure à payer à l'expert judiciaire le solde de sa rémunération non couvert par la consignation, pour réduire la rémunération de M. [N] à la somme consignée de 31 300 euros, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de la loi n° 1257 du 30 juin 1878 relative aux indemnités accordées aux témoins et experts, l'article 32 du décret n° 76-899 du 29 septembre 1976 relatif à l'application du nouveau code de procédure civile dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les articles 7 et 106 de la loi d'Alsace Lorraine sur les frais de justice du 6 décembre 1899, et les articles 79 et 84 de la loi d'Empire sur les frais de justice du 18 juin 1878.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-22103
Date de la décision : 12/01/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ALSACE-MOSELLE - Procédure civile - Expert - Rémunération

EXPERT JUDICIAIRE - Rémunération - Fixation - Alsace-Moselle - Provision MESURES D'INSTRUCTION - Expertise - Provision - Consignation - Alsace-Moselle - Rémunération

Il résulte de la combinaison des articles 30 et 32 du décret n° 76-899 du 29 septembre 1976, 79, 4°, dans ses dispositions maintenues en vigueur par l'article 1er du décret n° 78-63 du 20 janvier 1978, et 84, dans sa rédaction issue du décret précité du 20 janvier 1978, de la loi d'Empire sur les frais de justice du 18 juin 1878, 4, a, et 17 de la loi du 30 juin 1878 relative aux indemnités accordées aux témoins et experts, applicables dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, que la rémunération de l'expert, fixée par le tribunal en application de l'article 17 de la loi du 30 juin 1878, ne peut être supérieure au montant total des sommes consignées par les parties


Références :

Articles 30 et 32 du décret n° 76-899 du 29 septembre 1976

articles 79, 4°, et 84 de la loi d'Empire sur les frais de justice du 18 juin 1878

articles 4, a, et 17 de la loi du 30 juin 1878 relative aux indemnités accordées aux témoins et experts, appl
icables dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 24 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 jan. 2023, pourvoi n°20-22103, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Delamarre et Jehannin

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:20.22103
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