LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 janvier 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 59 F-D
Pourvoi n° G 20-20.741
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2023
M. [E] [L], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-20.741 contre l'arrêt rendu le 27 août 2020 par la cour d'appel de Metz (3e chambre civile - droit local), dans le litige l'opposant à l'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [L], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 août 2020), à la suite d'une procédure diligentée à l'encontre de I'Agent judiciaire de l'Etat au titre du fonctionnement défectueux du service public de la justice, M. [L] a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens.
2. Par une ordonnance du 2 août 2018, le greffier taxateur a taxé les frais de première instance devant être payés par M. [L] à l'Agent judiciaire de l'Etat.
3. Sur contestation de M. [L], le greffier taxateur a, le 23 octobre 2018, maintenu sa décision et transmis le dossier au tribunal.
4. Par ordonnance du 31 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Metz a rejeté la contestation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [L] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du 31 janvier 2019 ayant notamment prononcé le maintien des ordonnances des 2 août et 23 octobre 2018, lesquelles avaient taxé les frais devant être payés à l'Agent judiciaire du Trésor à la somme de 3 735,08 euros, alors « que dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les frais et émoluments dus à l'avocat postulant dans une instance suivie en matière contentieuse devant la juridiction ordinaire sont fixés par le décret 47-817 du 9 mai 1947 et constituent la rémunération de la postulation ; que selon l'article 8 de la loi 20 février 1922 sur l'exercice de la profession d'avocat et la discipline du Barreau en Alsace et Lorraine, devant les tribunaux des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les avocats inscrits au tableau près ces tribunaux sont admis à représenter les parties, à postuler, à conclure et, d'une manière générale, faire tous les actes de procédure ; qu'il en résulte que si les avocats d'un autre barreau ne peuvent que plaider, ce qui conduit alors le justiciable à s'attacher les services d'un avocat plaidant pour défendre sa cause et d'un avocat postulant pour accomplir les actes de procédure, en revanche, le recours à un avocat postulant est inutile si l'avocat plaidant est inscrit dans le ressort de la cour d'appel ; qu'en l'espèce, Me [W], avocat de l'Agent judiciaire du Trésor, inscrit au barreau de Metz, plaidant devant le tribunal de grande instance de Metz, n'avait pas besoin de s'adjoindre les services d'un avocat postulant ; qu'en déclarant pourtant fondée la demande de l'Agent judiciaire du Trésor en remboursement des émoluments dus à un « avocat postulant », la cour d'appel a violé les articles 1er et suivants du décret 47-817 du 9 mai 1947, ensemble l'article 8 de la loi 20 février 1922. »
Réponse de la Cour
7. L'article 80 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue des lois n° 2011-94 du 25 janvier 2011 et n° 2015-990 du 6 août 2015, a rendu applicables ses dispositions dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, mais a maintenu les règles de procédure civile et d'organisation judiciaire locales au nombre desquelles figurent celles relatives à la tarification des honoraires de postulation des avocats.
8. Ces règles locales sont prévues par la loi du 20 février 1922 et le décret n° 47-817 du 9 mai 1947.
9. Or, aux termes de l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 20 février 1922, devant les tribunaux des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les avocats inscrits au tableau près ces tribunaux sont admis, à l'exclusion des stagiaires, à représenter les parties, à postuler, à conclure, et d'une manière générale, à faire tous les actes de procédure. Ils exerceront ce droit de représentation dans les conditions prévues par les lois locales dont les dispositions en la matière sont maintenues en vigueur.
10. Selon l'article 7 du décret n° 47-817 du 9 mai 1947, applicable dans les
départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, en matière civile et commerciale, les émoluments des avocats postulants comprennent un droit fixe et un droit proportionnel déterminés dans les conditions définies par le décret du 30 avril 1946.
11. L'ensemble de ce dispositif, dont la partie législative a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2021-938 QPC du 15 octobre 2021, les lois du 25 janvier 2011 et du 6 août 2015 ne pouvant être regardées comme ayant accru les différences de traitement qui résultent de ces règles particulières, implique que l'avocat, qui a été, à la fois, l'avocat postulant et l'avocat plaidant, ait droit au remboursement de l'ensemble des émoluments correspondant à chacune de ces missions.
12. Ayant relevé que M. [W] avait été à la fois l'avocat postulant et l'avocat plaidant de l'Agent judiciaire de l'Etat dans la procédure ayant donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Metz, la cour d'appel en a exactement déduit que l'Agent judiciaire de l'Etat avait droit au remboursement de ses émoluments comprenant un droit fixe, un droit proportionnel ainsi qu'un droit gradué pour les débours.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [L] et le condamne à payer à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [L]
M. [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 31 janvier 2019 ayant notamment prononcé le maintien des ordonnances des 2 août et 23 octobre 2018, lesquelles avaient taxé les frais devant être payés à l'Agent judiciaire du Trésor à la somme de 3 735,08 euros ;
Alors 1°) que dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les frais et émoluments dus à l'avocat postulant dans une instance suivie en matière contentieuse devant la juridiction ordinaire sont fixés par le décret 47-817 du 9 mai 1947 et constituent la rémunération de la postulation ; que selon l'article 8 de la loi 20 février 1922 sur l'exercice de la profession d'avocat et la discipline du Barreau en Alsace et Lorraine, devant les tribunaux des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les avocats inscrits au tableau près ces tribunaux sont admis à représenter les parties, à postuler, à conclure et, d'une manière générale, faire tous les actes de procédure ; qu'il en résulte que si les avocats d'un autre barreau ne peuvent que plaider, ce qui conduit alors le justiciable à s'attacher les services d'un avocat plaidant pour défendre sa cause et d'un avocat postulant pour accomplir les actes de procédure, en revanche, le recours à un avocat postulant est inutile si l'avocat plaidant est inscrit dans le ressort de la cour d'appel ; qu'en l'espèce, Me [W], avocat de l'Agent judiciaire du Trésor, inscrit au barreau de Metz, plaidant devant le tribunal de grande instance de Metz, n'avait pas besoin de s'adjoindre les services d'un avocat postulant ; qu'en déclarant pourtant fondée la demande de l'Agent judiciaire du Trésor en remboursement des émoluments dus à un « avocat postulant », la cour d'appel a violé les articles 1er et suivants du décret 47-817 du 9 mai 1947, ensemble l'article 8 de la loi 20 février 1922 ;
Alors 2°) et en tout état de cause, que lorsqu'il intervient dans une procédure sans représentation obligatoire, l'avocat ne peut prétendre aux émoluments prévus pour la postulation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs adoptés de l'ordonnance confirmée, que le client « a choisi se de faire représenter », ce qui ressort aussi des conclusions d'appel de l'Agent judiciaire du Trésor (conclusions p. 3 dernier alinéa ; ordonnance du 31 janvier 2019 p. 4, 1er §) ; que l'exercice d'un tel choix par le client excluait le droit pour son avocat de facturer des émoluments de postulation et pour le client d'en obtenir le remboursement par la partie adverse ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles l'Agent judiciaire du Trésor avoir choisi de se faire représenter, la cour d'appel a violé les articles 1er et suivants du décret 47-817 du 9 mai 1947, ensemble l'article 8 de la loi 20 février 1922.