LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 janvier 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 57 F-B
Pourvoi n° Z 20-16.800
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2023
La société Strasbourg soixante, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-16.800 contre l'arrêt rendu le 21 avril 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [B], domicilié [Adresse 4], pris en qualité d'héritier de sa mère, [X] [Y], veuve [I], décédée le [Date décès 1] 2021,
2°/ à Mme [R] [H], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de mandataire successoral d'[U] [I],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Strasbourg soixante, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [H], en qualité de mandataire successoral d'[U] [I], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Par arrêt du 19 mai 2022 (2e Civ., 19 mai 2022, pourvoi n° 20-16.800), la Cour de cassation a constaté l'interruption de l'instance résultant du décès de [X] [Y], veuve [I], imparti aux parties un délai de quatre mois à compter de l'arrêt pour reprendre l'instance, dit qu'à défaut de l'accomplissement dans ce délai des diligences nécessaires, la radiation du pourvoi serait prononcée et dit que l'affaire serait à nouveau examinée à l'audience du 4 octobre 2022.
2. Il est justifié, par les productions, de la signification, par acte du 25 août 2022, du mémoire ampliatif à M. [L] [B], en qualité d'héritier de [X] [Y].
3. Il y a lieu de donner acte aux parties de la reprise d'instance.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 avril 2020), statuant sur renvoi après cassation, Mme [H] a été désignée, par ordonnance du 21 janvier 2010, en qualité de mandataire « successoral » à la succession d'[U] [I].
5. Sur des poursuites de saisie immobilière, un immeuble appartenant en indivision à Mme [Y], veuve d'[U] [I], propriétaire à hauteur d'un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit, et M. [C] [I], son beau-fils, propriétaire à hauteur des trois quarts en nue-propriété, a été adjugé à la société Strasbourg soixante (la société).
6. Le 24 juin 2016, la société a fait pratiquer, sur le fondement d'une ordonnance de référé ayant condamné Mme [Y] à lui verser des indemnités d'occupation, une saisie-attribution entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5], séquestre du prix de vente.
7. Par jugement du 15 novembre 2016, un juge de l'exécution a ordonné la mainlevée de la saisie.
8. Par ordonnance du 18 mai 2017, un juge des référé a ordonné au séquestre de remettre le solde du prix d'adjudication à Mme [H], ès qualités.
9. Le jugement du 15 novembre 2016 a été confirmé par l'arrêt d'une cour d'appel, rendu le 11 janvier 2018, qui a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2019 (1re Civ., 15 mai 2019, pourvoi n° 18-12.779, publié au bulletin).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
10. La société fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à sa requête, le 24 juin 2016, entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] à l'encontre de Mme [Y], veuve [I], pour recouvrement de la somme de 16 340,01 euros mais de dire que cette saisie était privée de son effet attributif, alors « que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que si, en matière de mainlevée des mesures d'exécution forcée, l'appel n'a pas d'effet suspensif et si la décision emporte, dès sa notification suppression de tout effet d'indisponibilité, sauf sursis à exécution ordonné par le premier président de la cour d'appel, l'infirmation de la décision de main-levée fait retrouver à la saisie sa validité et autorise le débiteur à se voir remettre la chose objet de la saisie, le cas échéant, par le tiers saisi s'il l'a conservée, ou par le débiteur à qui elle a été remise si elle se retrouve ; que dès lors, l'infirmation de la décision de main-levée de la saisie pratiquée entre les mains du bâtonnier faisait retrouver à la saisie son effet attributif et autorisait la société Strasbourg soixante à se faire remettre les fonds saisis par le mandataire de la succession à qui le bâtonnier, tiers saisi, les avait remis ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 561 du code de procédure civile, R. 121-18 et R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
11. Aux termes de l'article R. 121-18 du code des procédures civiles d'exécution, la décision de mainlevée des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires emporte, dans la limite de son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification. Il en résulte que la saisie-attribution perd son effet attributif dès la notification d'une décision de mainlevée de celle-ci au créancier.
12. Si, en application de l'article 561 du code de procédure civile, l'appel remet en question la chose jugée devant la cour d'appel, le délai d'appel et l'appel lui-même, conformément aux dispositions de l'article R. 121-18 du code des procédures civiles d'exécution, n'ont pas d'effet suspensif et il appartient à la cour d'appel de se prononcer en considération des circonstances de fait qui existent au jour où elle statue, le créancier pouvant, en application de l'article R. 121-22 de ce code, saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution de la décision de mainlevée.
13. Ayant exactement retenu qu'en l'absence de décision de sursis à exécution, l'effet d'indisponibilité et d'attribution de la saisie-attribution avait cessé et constaté que, le jugement ayant été notifié, le tiers saisi s'était, en conséquence, dessaisi des fonds, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la saisie était privée de son effet attributif.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Strasbourg soixante aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Strasbourg soixante et la condamne à payer à Mme [H], en qualité de mandataire successoral d'[U] [I], la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière (SCI) Strasbourg soixante
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de main-levée de la saisie attribution pratiquée le 24 juin 2016 entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocat de Paris à l'encontre de Mme [X] [Y], veuve [I], à la requête de la SCI Strasbourg Soixante pour recouvrement de la somme de 16 340,01 euros mais dit que cette saisie était privée de son effet attributif ;
AUX MOTIFS QUE, par suite de la vente de l'immeuble, Mme [Y] a, sur le prix total, un droit propre à la portion correspondant à la valeur de son usufruit ; QU'une saisie peut donc, conformément aux articles 578, 621, alinéa 1er et 815-17 du code civil, être valablement pratiquée sur cette portion ; QUE le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné la mainlevée de cette saisie attribution ;
Mais QUE l'article R. 121-18 du code des procédures civiles d'exécution dispose que la décision de mainlevée des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires emporte, dans la limite de son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification ;
QUE le jugement a été notifié ;
QU'en l'absence de décision de sursis à exécution, l'effet d'indisponibilité et d'attribution de la saisie attribution pratiquée- et contestée- a donc disparu ;
QUE le tiers saisi s'est, en conséquence, dessaisi des fonds ;
QUE la société Strasbourg Soixante ne peut donc demander utilement qu'il soit jugé que la saisie pratiquée a conservé son effet attributif ;
QU'elle ne peut pas davantage demander, au regard de l'objet de la procédure, que soit fixée, dans la présente procédure, une créance devant lui être payée par Maître [H] ès qualités ;
QUE sa demande de ce chef sera donc rejetée ;
QUE la demande tendant à ce que ses droits soient expressément réservés du chef de saisies attributions postérieures ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que si, en matière de mainlevée des mesures d'exécution forcée, l'appel n'a pas d'effet suspensif et si la décision emporte, dès sa notification suppression de tout effet d'indisponibilité, sauf sursis à exécution ordonné par le premier président de la cour d'appel, l'infirmation de la décision de main-levée fait retrouver à la saisie sa validité et autorise le débiteur à se voir remettre la chose objet de la saisie, le cas échéant, par le tiers saisi s'il l'a conservée, ou par le débiteur à qui elle a été remise si elle se retrouve ; que dès lors, l'infirmation de la décision de main-levée de la saisie pratiquée entre les mains du bâtonnier faisait retrouver à la saisie son effet attributif et autorisait la société Strasbourg 60 à se faire remettre les fonds saisis par le mandataire de la succession à qui le bâtonnier, tiers saisi, les avait remis ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 561 du code de procédure civile, R. 121-18 et R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution.