LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 janvier 2023
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 17 FS-B
Pourvoi n° B 20-23.679
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [K] [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 mai 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2023
M. [O] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-23.679 contre le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Argentan, dans le litige l'opposant à Mme [K] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [T], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Argentan, 5 novembre 2020), rendu en dernier ressort, Mme [T] (le vendeur) a vendu un bien immobilier à Mme [J] [B] [D] (l'acquéreur), représentée par M. [U], notaire (le notaire).
2. Un jugement a déclaré la vente caduque et a condamné l'acquéreur à payer diverses sommes au vendeur.
3. Le vendeur a engagé une action en responsabilité et indemnisation contre le notaire, lui reprochant une obstruction à l'exécution du jugement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Le notaire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme en réparation du préjudice subi, alors « que le notaire n'est tenu de révéler l'adresse d'un client qu'à la seule autorité judiciaire qui l'en requiert, lorsque ce renseignement est indispensable à l'exécution d'une décision de justice ; qu'en jugeant que M. [U] avait commis une faute en ne transmettant pas à un huissier de justice la nouvelle adresse de sa cliente, sans constater qu'une autorité judiciaire avait requis qu'il délivre une telle information, indispensable à l'exécution d'une décision de justice, le tribunal a privé sa décision de base légale au visa de l'article 23 de loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803). »
Réponse de la Cour
Vu l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803) :
5. Selon ce texte, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d'une amende.
6. Pour condamner le notaire à réparer le préjudice subi par le vendeur, le jugement retient, d'abord, que le secret professionnel qui s'impose au notaire ne saurait, sauf circonstances particulières, dispenser cet officier public de révéler à l'autorité judiciaire qui l'en requiert l'adresse d'un client lorsque ce renseignement est indispensable à l'exécution d'une décision de justice, ensuite, que le notaire n'oppose aucune cause légitime susceptible de justifier son refus de transmettre à un huissier de justice, en charge de l'exécution de justice, l'adresse de sa cliente, de sorte que le notaire a fait obstruction à l'exécution de cette décision de justice.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si une ordonnance du président du tribunal de grande instance avait délié le notaire du secret professionnel, s'agissant d'une information contenue dans un acte qu'il aurait établi, le tribunal a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Argentan ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Alençon.
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [U]
M. [O] [U] fait grief au jugement attaqué de l'AVOIR condamné à payer à Mme [K] [T] la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi ;
1°) ALORS QUE le notaire, tiers saisi, doit indiquer à l'huissier chargé de l'exécution d'un titre s'il détient des fonds pour le compte du débiteur, à l'exclusion de tout autre renseignement soumis au secret professionnel ; qu'en jugeant que le notaire avait commis une faute en refusant de communiquer à l'huissier la nouvelle adresse de sa cliente, tandis qu'une telle information était soumise au secret professionnel, le tribunal a violé l'article 23 de loi du 25 ventôse an XI, ensemble les articles L. 152-2 et L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°) ALORS QUE le notaire n'est tenu de révéler l'adresse d'un client qu'à la seule autorité judiciaire qui l'en requiert, lorsque ce renseignement est indispensable à l'exécution d'une décision de justice ; qu'en jugeant que M. [U] avait commis une faute en ne transmettant pas à un huissier de justice la nouvelle adresse de sa cliente, sans constater qu'une autorité judiciaire avait requis qu'il délivre une telle information, indispensable à l'exécution d'une décision de justice, le tribunal a privé sa décision de base légale au visa de l'article 23 de loi du 25 ventôse an XI.