LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 janvier 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 24 F-B
Pourvoi n° V 20-13.967
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 JANVIER 2023
1°/ La société Veolia propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ la société Otus, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° V 20-13.967 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Derichebourg environnement, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Polyurbaine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la société Polysotis, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la société Polytiane, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Veolia propreté et Otus, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Derichebourg environnement, Polyurbaine, Polysotis et Polytiane, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 2020), en 2013, la Ville de [Localité 7] a lancé un appel d'offres pour le renouvellement des marchés de collecte de déchets de plusieurs arrondissements à la suite duquel elle a attribué, par délibération notifiée le 15 novembre 2013, le lot n° 3 comprenant les [Localité 3] à la société Veolia propreté et à sa filiale, la société Otus. Ces marchés étaient auparavant exploités, le premier, par la société Polysotis et le second, par la société Polytiane, toutes deux filiales de la société Polyurbaine, qui, avec sa société mère la société Derichebourg environnement, fait partie du groupe de sociétés Derichebourg.
2. En raison de certaines particularités de l'activité concernée, les prestations ne devaient débuter que le 22 juin 2014. Conformément à l'article 1224-1 du code du travail et à la convention collective nationale des activités du déchet (la CCNAD), l'entreprise sélectionnée était, lors du transfert du marché, tenue de reprendre les salariés de l'entreprise sortante dans les conditions qui leur étaient applicables au moment de ce changement de titulaire.
3. Le 16 janvier 2014, les sociétés Polysotis et Polytiane ont, à l‘occasion d'un processus d'harmonisation des salaires en cours depuis 2011 dans chacune de leurs entreprises, négocié et conclu avec les organisations syndicales, lors des négociations annuelles obligatoires (NAO), des accords qui ont eu pour effet, d'une part, d'augmenter les salaires, d'autre part, d'y intégrer des primes et des indemnités avec effet différé jusqu'au mois de mai 2014.
4. Soutenant que les sociétés Derichebourg environnement, Polyurbaine, Polysotis et Polytiane avaient mis en oeuvre des pratiques déloyales à leur égard, les sociétés Veolia propreté et Otus les ont assignées en réparation.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Les sociétés Veolia et Otus font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ que l'introduction par le titulaire sortant, dans la perspective d'un renouvellement de son marché public, d'un avenant aux contrats de travail de ses salariés impliquant des augmentations de salaires ou de primes ayant vocation à s'appliquer aux seuls salariés risquant d'être transférés à un nouvel employeur en cas de perte de ce marché est, par elle-même, fautive dans la mesure où elle augmente artificiellement les coûts de celui-ci ; qu'à fortiori la modification par le titulaire sortant du salaire de base des employés à reprendre après la perte d'un marché public est donc, en elle-même fautive même en l'absence de toute interdiction expresse ; qu'en affirmant au contraire, pour considérer que les titulaires sortants des marchés n'avaient commis aucune faute en consentant une augmentation du coût du personnel à reprendre, à l'occasion de la NAO 2014, entre le moment où ils avaient perdu les marchés et celui où les nouveaux marchés avaient pris effet, modification dont les effets avaient été opportunément différés jusque peu avant la date à laquelle les titulaires sortants avaient été dégagés de l'obligation de la payer, qu'aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux dans le cadre de la négociation collective, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
2°/ que commet un abus de droit celui qui utilise une prérogative dont il dispose, soit en la détournant de sa finalité, soit en agissant par légèreté blâmable ou dans le but de nuire à autrui : qu'ainsi l'existence d'un abus de droit n'est pas subordonnée à la violation d'une prohibition légale, réglementaire, ou conventionnelle mais seulement à l'usage abusif d'un droit en principe légitime par son détenteur ; qu'en affirmant au contraire, pour considérer que les titulaires sortants des marchés n'avaient pas abusé de leur droit de négociation collective, qu'aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux dans le cadre de la négociation collective, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à exclure tout usage abusif du droit de négociation, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
3°/ qu'en considérant que les titulaires sortants des marchés n'avaient pas abusé de leur droit de négociation collective, tout en constatant que les avantages salariaux consentis dépassaient les préconisations du syndicat professionnel, ce dont il résultait que ces derniers n'étaient pas obligatoires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;
4°/ que constitue un acte de concurrence déloyale, toute pratique déloyale contraire aux usages du commerce ; que tout comportement déloyal commis par le titulaire sortant d'un marché envers ses concurrents à un appel d'offres est fautif sans qu'il soit nécessaire que celui-ci ait été dirigé contre les seuls demandeurs à l'action : qu'en décidant le contraire, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;
5°/ que constitue un acte de concurrence déloyale, toute pratique déloyale contraire aux usages du commerce ; que tout comportement déloyal commis par le titulaire sortant d'un marché envers ses concurrents à un appel d'offres est fautif sans qu'il soit nécessaire de démontrer une instrumentalisation quelconque : qu'en décidant le contraire, la cour d'appel qui a, de nouveau, ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé, de plus fort, l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;
6°/ qu'en considérant, pour dire que le fait d'avoir consenti à ce que certaines primes et indemnités soient intégrées dans les salaires de base à effet du mois d'avril 2014 ou de mai 2014 ne constituait pas un acte de concurrence déloyale, que les augmentations de salaires consenties dans l'accord collectif du 16 janvier 2014 par la société Polytiane avaient concerné tous les salariés de celle-ci, sans avoir été réservées aux seuls salariés du 19e arrondissement transférés aux sociétés Veolia propreté et Otus, tout en admettant qu'à l'issue de l'ensemble du renouvellement des marchés pour tous les arrondissements et au total, la société Polytiane avait été conduite à transférer tous ses salariés à des concurrents, ce dont il résultait qu'elle n'ignorait pas lors de la négociation collective, en janvier 2014, que la charge des avantages consentis serait nécessairement supportée uniquement par ses concurrents et notamment par les sociétés Veolia propreté et Otus, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir énoncé qu'aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux à l'occasion de la négociation collective, l'arrêt relève qu'il est établi, pour la société Polytiane, que les augmentations de salaires consenties dans l'accord collectif du 16 janvier 2014, même s'ils ont dépassé les préconisations du syndicat professionnel, ont concerné tous les salariés de celle-ci, sans avoir été réservés aux seuls salariés du 19e arrondissement repris par les sociétés Veolia et Otus. Il ajoute que, même si, à l'issue de l'ensemble du renouvellement des marchés pour tous les arrondissements et au total, la société Polytiane a été conduite à transférer tous ses salariés à des concurrents, il n'est pas démontré que celle-ci a été instrumentalisée par les autres sociétés du groupe pour se prêter à une manoeuvre déloyale envers les sociétés Veolia propreté et Otus. L'arrêt retient, ensuite, qu'il en est de même pour la société Polysotis en précisant, d'une part, qu'aucun abus ne résulte du fait que certains des avantages aient été propres aux salariés du 11e arrondissement, d'autre part, que les prétendues incohérences de la politique d'harmonisation entreprise par les titulaires sortants, à les supposer établies, ne sont pas de nature à caractériser un abus du droit de négociation collective au préjudice de concurrents de l'employeur pour le seul fait qu'à cause des transferts de salariés, seuls les nouveaux titulaires des marchés sont conduits à les payer. L'arrêt en déduit que les avantages accordés aux salariés n'ont pas été spécifiquement dirigés contre les sociétés Veolia propreté et Otus et qu'ils ne constituent ni un abus de droit ni un acte de concurrence déloyale.
7. Par ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que les sociétés Veolia propreté et Otus ne rapportaient pas la preuve, dont la charge leur incombait, que les augmentations de salaires accordées aux salariés dont elles devaient reprendre les contrats avaient été consenties par les sociétés Polytiane et Polysotis de manière abusive ou fautive et en déduire, sans encourir les griefs inopérants des première et sixième branches, qu'il n'était pas démontré que les circonstances dans lesquelles ces augmentations avaient été accordées constituaient un abus de droit ou un acte de concurrence déloyale.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. Les sociétés Veolia propreté et Otus font le même grief à l'arrêt alors, « que lors du renouvellement d'un marché public portant sur la collecte de déchets, la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel constitue un élément essentiel afin de permettre à tous les candidats d'en apprécier les charges et d'élaborer une offre satisfaisante ; qu'ainsi le titulaire sortant d'un marché public de déchets qui est tenu d'une obligation de loyauté vis-à-vis du pouvoir adjudicateur et des autres candidats ne peut pas fournir au pouvoir adjudicateur et à ses concurrents des informations tardives, incomplètes et inexactes quand la communication de ces informations est essentielle pour rétablir l'équilibre entre tous les candidats et permettre à chacun de présenter une offre dans des conditions d'une égale concurrence ; qu'en affirmant au contraire, qu'à défaut de demande expresse du pouvoir adjudicateur, il ne saurait être reproché aux titulaires sortants du marché de ne pas avoir apporté de précision sur la création, en 2011, d'une indemnité différentielle annuelle, dite IDA, ou encore d'avoir répondu à une demande de précisions du pouvoir adjudicateur sur la revalorisation de la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel, sans mentionner l'existence d'un processus d'harmonisation des salaires enclenché depuis 2011 dans le cadre des accords nés de la négociation annuelle obligatoire, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
10. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
11. Pour rejeter les demandes des sociétés Veolia propreté et Otus, après avoir énoncé qu'il résulte de l'article 4-5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) que les sociétés titulaires des marchés sont tenues d'informer le pouvoir adjudicateur, en vue de l'organisation de la consultation pour le marché de renouvellement, sur « les données relatives aux personnels permanents employés à l'exécution des prestations du [...] marché » et que cette information devait comprendre « au minimum l'état quantitatif et qualitatif des personnels et masses salariales correspondantes », ces données devant être jointes au dossier de consultation, l'arrêt retient que, dans le silence de ce même CCAP, il ne peut être considéré que le titulaire du marché sortant avait l'obligation d'informer spontanément le pouvoir adjudicateur de toute modification substantielle et durable des conditions d'emploi et de rémunération du personnel affecté à l'exécution du marché.
12. L'arrêt relève ensuite que les titulaires sortants ont répondu à la première demande du pouvoir adjudicateur et selon les modalités requises par celui-ci, seul chargé d'organiser la consultation sous sa responsabilité, lequel leur a demandé de renseigner des tableaux intitulés « cadre de masse salariale ». Il ajoute que la société Polytiane a, de la même façon, répondu à la seconde demande de la Ville de [Localité 7] et qu'il ne peut lui être reproché, à ce stade, de ne pas avoir mentionné l'existence d'un processus d'harmonisation des salaires en cours depuis 2011 à l'occasion des accords nés de la négociations annuelles obligatoires (NAO) et qu'à supposer qu'un tel processus puisse constituer une modification substantielle et durable des conditions d'emploi et de rémunération du personnel affecté, aucune des questions posées aux titulaires sortants des marchés afférents aux arrondissements concernés n'a porté sur l'évolution prévisible des salaires du fait des NAO à venir.
13. L'arrêt en déduit qu'il ne peut être retenu que les titulaires sortants des marchés avaient l'obligation d'informer spontanément le pouvoir adjudicateur des évolutions possibles de la masse salariale, quand bien même auraient-ils été les seuls à détenir cette information en vertu de leur pouvoir de direction.
14. En statuant ainsi, alors que le titulaire d'un marché soumis à un appel d'offres en vue de son renouvellement et dont les contrats de travail liés à la réalisation de ce marché doivent être repris par l'attributaire, commet une faute en ne communiquant pas une information, telle que les évolutions prévues de la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel, essentielle à l'élaboration de leurs offres par les candidats et qu'il est seul à connaître, faisant ainsi obstacle au respect des règles de publicité et de mise en concurrence, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes des sociétés Veolia propreté et Otus, l'arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Condamne les sociétés Derichebourg environnement, Polyurbaine, Polysotis et Polytiane aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Derichebourg environnement, Polyurbaine, Polysotis et Polytiane et les condamne à payer aux société Veolia propreté et Otus la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Veolia propreté et Otus.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés Veolia Propreté et Otus de toutes leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE (?) Sur le bien-fondé de l'action des sociétés Veolia Propreté et Otus, les sociétés Veolia Propreté et Otus soutiennent que les sociétés Derichebourg ont commis une double faute constituée tant par une réticence fautive pendant la période de l'appel d'offres que par l'augmentation substantielle du salaire de base du personnel repris par les sociétés Veolia Propreté et Otus en y intégrant différentes primes, à effet du mois de mai 2014 ; que ces fautes procèdent, selon les moyens soutenus, d'une volonté délibérée et concertée des différentes sociétés du groupe Derichebourg avec une intention de nuire à leurs concurrents, au premier rang desquels les sociétés Veolia Propreté et Otus ; qu'elles expliquent ainsi que les sociétés Derichebourg ont dissimulé à la Ville de [Localité 7] l'existence d'un processus d'harmonisation des salaires initié en 2011 et devant s'achever lors des NAO de janvier 2014, alors qu'elles étaient tenues d'informer la Ville de [Localité 7] de cette modification substantielle et durable des conditions d'emploi et de rémunération du personnel affecté à l'exécution du marché, afin que les soumissionnaires puissent loyalement déterminer le prix proposé en réponse à l'appel d'offres ; qu'elles estiment que la dissimulation des sociétés Derichebourg à la Ville de [Localité 7] des éléments déterminants pour évaluer la masse salariale à reprendre a constitué une réticence d'information fautive, constitutive d'une faute engageant la responsabilité délictuelle des sociétés Derichebourg ; qu'au surplus, elles affirment que les sociétés Derichebourg ont manqué à leur obligation d'information expresse découlant de l'article 4.5 du Cahier des Clauses Administratives particulières (CCAP) du 6 mars 2008 intitulé « Données relatives aux personnels permanents des titulaires » qui lui imposait de communiquer l'ensemble des données relatives aux salariés affectés à l'exécution du marché susceptibles d'impacter de façon substantielle et durable les conditions de rémunération de ces salariés ; que parmi ces informations à transmettre, devaient figurer « au minimum » « l'état quantitatif et qualitatif des personnels et masses salariales correspondantes », mais selon elle la liste n'est pas « limitée » à ces deux éléments, dès lors que cette obligation d'information pesant sur le titulaire sortant a pour but de garantir l'égalité de traitement entre les candidats et d'éviter que le titulaire sortant ne dispose d'informations privilégiées liées à l'exécution du précédent marché, qui n'auraient pas été communiquées aux autres candidats dans le cadre de l'appel d'offres ; qu'elles ajoutent que dans la mesure où un manquement à un contrat administratif est bien susceptible de constituer une faute délictuelle vis-à-vis d'un tiers, le juge judiciaire étant seul compétent pour en connaître, il n'existe aucun obstacle à ce que Veolia et Otus puissent invoquer devant le juge judiciaire le manquement contractuel de Derichebourg vis-à-vis de la Ville de [Localité 7] ; que de surcroît, elles indiquent que la réticence fautive des sociétés Derichebourg a été délibérée dans la mesure où celles-ci n'ont jamais mentionné ni le cycle de négociations qui devait s'achever en 2014 et qui devait impacter la masse salariale à reprendre par Veolia et Otus, ni que les informations qu'elles donnaient ne seraient plus à jour peu de temps après et ce, en dépit de nombreuses opportunités qui se sont présentées à elles : soit durant la préparation de la procédure d'appel d'offres, soit en réponse à des questions des candidats dans le cadre de la procédure de consultation, soit lorsqu'elles savaient avoir perdu le marché et qu'elles écrivaient à Veolia le 23 janvier 2014, une semaine après les accords NAO 2014 ; qu'en tout état de cause, elles soutiennent que les accords NAO 2014, à la différence des accords des années précédentes, aboutissent non pas à allouer des primes à certains salariés, mais à intégrer dans les salaires de base certaines de ces primes que les accords NAO des années précédentes avaient créées sur leurs seules périodes annuelles d'application et non de manière pérenne ; que l'intégration de primes dans le salaire de base aurait créé de nouveaux déséquilibres et n'aurait en conséquence pas répondu à un objectif d'harmonisation des salaires avancés par les sociétés Derichebourg, mais aurait créé, au contraire, des disparités entre les salaires ; qu'elles précisent en outre que les sociétés Derichebourg se sont abstenues de communiquer une quelconque information concernant la création à durée indéterminée d'une indemnité dite IDA, ou concernant le prétendu « dernier acte » du cycle de négociation, devant se concrétiser par l'intégration de nombreuses primes et indemnités dans les salaires de base ; qu'elles considèrent que les sociétés Derichebourg ont abusé de leur pouvoir de direction, pendant la période de préparation du marché qui précède la prise d'effet dudit marché, pour augmenter de façon considérable le salaire de base du personnel à reprendre, au détriment des nouveaux titulaires du marché, Veolia et Otus ; que cette augmentation ayant modifié les conditions essentielles du marché public, elle traduirait une intention de nuire des sociétés Derichebourg dans la mesure où l'augmentation décidée en janvier 2014, n'a touché quasi-exclusivement que les salariés transférés et a pris effet de façon décalée, à compter de mai 2014, pour une date de commencement du nouveau marché fixée au 22 juin 2014, imposant au nouveau titulaire du marché de reprendre cette augmentation de rémunération et faisant supporter les conséquences au seul nouveau titulaire du marché ; que l'augmentation des coûts du marché par le titulaire sortant, sur les seuls marchés non renouvelés, aurait abouti ainsi non seulement à une remise en cause évidente (+738 214 euros par an et sur cinq ans) de l'équilibre économique du marché pour le nouveau titulaire, mais également à une désorganisation de son activité ; qu'elles estiment que tant le cycle d'« harmonisation des salaires » depuis 2011 que les augmentations des salaires par les accords de janvier 2014 relèvent d'une action concertée des sociétés Derichebourg, découlant nécessairement d'une décision prise au niveau de la société mère qui justifie une condamnation in solidum des sociétés Derichebourg Environnement, Polyurbaine, Polytiane et Polysotis ;
QUE la Cour, toutefois, retient qu'il est constant que les rapports entre, d'une part, la Ville de [Localité 7] et, d'autre part, les sociétés Polysotis et Polytiane, en leur qualité de titulaire sortant des marchés litigieux, étaient régis par le CCAP des marchés conclus en 2009 ; qu'or il est établi que l'obligation d'information à la charge de ces sociétés envers le pouvoir adjudicateur, en vue de l'organisation de la consultation pour le marché de renouvellement, devait porter sur : "les données relatives aux personnels permanents employés à l'exécution des prestations du [...] marché" et qu'elle devait comprendre "au minimum l'état quantitatif et qualitatif des personnels et masses salariales correspondantes" ces données devant être jointes au dossier de consultation (article 4-5) ; que cependant, dans le silence de ce même CCAP, nonobstant les modifications apportées dans la rédaction du CCAP de 2013, il ne peut être retenu que le titulaire du marché sortant avait l'obligation d'informer spontanément le pouvoir adjudicateur "de toute modification substantielle et durable des conditions d'emploi et de rémunération du personnel affecté à l'exécution du marché" ; qu'en l'espèce, la Ville de [Localité 7] a demandé aux titulaires sortants des marchés litigieux de lui fournir (cf. lettres recommandées du 14 décembre 2012), les données relatives à l'état quantitatif et qualitatif des personnels affectés par arrondissement à l'exécution desdits marchés et la masse salariale correspondante et ce au titre des deux dernières années civiles 2011 et 2012 (pour cette dernière, du 1er janvier au 31 octobre) ; que détaillant ses exigences, la Ville de [Localité 7] a précisé, au sujet de la masse salariale, qu'elle demandait, pour chaque salarié affecté à l'arrondissement considéré dans le marché :"l'ensemble des éléments de rémunération, dont la rémunération brute annuelle et les avantages dont dispose le salarié (avantages collectifs et individuels, primes et treizième mois, le cas échéant)" ; qu'il est établi que les titulaires sortants des marchés ont exactement répondu à cette première demande, selon les modalités requises par le pouvoir adjudicateur, qui est chargé par la loi d'organiser la consultation sous sa responsabilité, qui a établi les tableaux intitulés "cadre de masse salariale" et qui a demandé qu'ils soient remplis ; qu'en particulier, il ne peut être imputé à la faute des titulaires sortants que parmi les informations exigées, figurent la « rémunération brute annuelle » (colonne G) et les « avantages financiers » (colonne H), sans distinguer les avantages ne devant pas être repris par le nouveau titulaire des « éléments de salaire à périodicité fixe » soumis à l'obligation de reprise ; qu'il ne peut non plus être imputé à la faute des titulaires sortants, faute de demande, de ne pas avoir apporté de précision à ce stade sur la création de l'indemnité différentielle annuelle dite IDA, créée en 2011 ; qu'il est encore établi que le pouvoir adjudicateur, préalablement saisi de questions concernant le coût de la masse salariale à reprendre au titre du marché finissant afférent au 18ème et 19ème arrondissements, a interrogé le titulaire sortant une seconde fois, par lettre recommandée du 3 mai 2013, précisant que ces questions étaient en corrélation directe avec les tableaux déjà transmis en réponse à la première demande d'information déjà mentionnée ; que la Ville de [Localité 7] a de nouveau formulé les questions sous sa responsabilité, précisant les lignes des tableaux déjà transmis concernés par cette seconde demande ; que la société Polytiane a répondu à cette demande par lettre du 10 mai 2013, ajoutant que tous les salaires de base avaient été revalorisés de 1,6% au 1er janvier 2013 et il ne peut lui être reproché à ce stade de ne pas avoir mentionné l'existence d'un processus d'harmonisation des salaires enclenché depuis 2011 dans le cadre des accords nés de la négociation annuelle obligatoire (NAO) ;qu'en effet, à supposer qu'un tel processus constitue une modification substantielle et durable des conditions d'emploi et de rémunération du personnel affecté, aucune des questions posées aux titulaires sortants des marchés afférents aux arrondissements concernés ([Localité 3]) n'a porté sur l'évolution prévisible des salaires du fait des NAO à venir ; qu'il ne peut être retenu que les titulaires des marchés sortants avaient l'obligation d'en informer spontanément le pouvoir adjudicateur, quand bien même auraient-ils été les seuls à détenir cette information en vertu de leur pouvoir de direction ; que l'existence d'une telle politique sociale de nature à avoir une influence sur les rémunérations prévisibles n'était en elle-même nullement imprévisible pour les candidats à l'attribution du marché de renouvellement, qui pouvaient demander des précisions au pouvoir adjudicateur, et il ne peut être reproché aux titulaires sortants des marchés de ne pas avoir eu l'initiative de porter une telle information à la connaissance du pouvoir adjudicateur chargé de garantir l'égalité entre les candidats, et devant encore s'assurer que le titulaire sortant ne dispose pas d'informations privilégiées liées à l'exécution du précédent marché ; que par conséquent, la réticence fautive des titulaires sortants pendant la procédure d'appel d'offres, jusqu'à la signature de l'engagement, n'est pas établie ; que la réticence d'information alléguée après la perte du marché par les sociétés Polysotis et Polytiane et tirée tant de la lettre du 3 décembre 2013 de la société Polyurbaine à la société Veolia Propreté que du courriel du 23 janvier 2014 de Mme [E] (responsable ressources humaines de la société Polyurbaine dont la société Polysotis est la filiale) à la même société Veolia Propreté est inopérante pour caractériser une faute dommageable dans le cadre de la procédure d'appel d'offres, puisque les marchés de renouvellement étaient déjà conclus avec les sociétés Veolia Propreté et Otus et que la procédure d'appel d'offres était terminée.
1°) ALORS QU'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'article 4-5 du CCAP mettait à la charge des titulaires sortants des marchés publics en cause une obligation d'information envers le pouvoir adjudicateur, en vue de l'organisation de la consultation pour le marché de renouvellement, devant porter sur les données relatives aux personnels permanents employés à l'exécution des prestations du marché, et qu'elle devait comprendre au minimum l'état quantitatif et qualitatif des personnels et masses salariales correspondantes ; qu'ainsi les titulaires sortants des marchés étaient tenus d'informer le pouvoir adjudicateur sur les salaires bruts, ainsi que sur toutes les primes et avantages financiers des salariés à reprendre ; qu'en affirmant au contraire, pour exclure toute réticence fautive des titulaires sortants pendant la procédure d'appel d'offres, qu'il ne pouvait être retenu que le titulaire sortant du marché avait l'obligation d'informer spontanément le pouvoir adjudicateur des modifications substantielles et durables des conditions d'emploi et de rémunération du personnel affecté à l'exécution du marché, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
2°) ALORS QUE lors du renouvellement d'un marché public portant sur la collecte de déchets, la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel constitue un élément essentiel afin de permettre à tous les candidats d'en apprécier les charges et d'élaborer une offre satisfaisante ; qu'ainsi le titulaire sortant d'un marché public de déchets qui est tenu d'une obligation de loyauté vis-à-vis du pouvoir adjudicateur et des autres candidats ne peut pas fournir au pouvoir adjudicateur et à ses concurrents des informations tardives, incomplètes et inexactes quand la communication de ces informations est essentielle pour rétablir l'équilibre entre tous les candidats et permettre à chacun de présenter une offre dans des conditions d'une égale concurrence ; qu'en affirmant au contraire, qu'à défaut de demande expresse du pouvoir adjudicateur, il ne saurait être reproché aux titulaires sortants du marché de ne pas avoir apporté de précision sur la création, en 2011, d'une indemnité différentielle annuelle dite IDA, ou encore d'avoir répondu à une demande de précisions du pouvoir adjudicateur sur la revalorisation de la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel, sans mentionner l'existence d'un processus d'harmonisation des salaires enclenché depuis 2011 dans le cadre des accords nés de la négociation annuelle obligatoire, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
3°) ALORS QUE lors du renouvellement d'un marché public portant sur la collecte de déchets, la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel constitue un élément essentiel afin de permettre à tous les candidats d'en apprécier les charges et d'élaborer une offre satisfaisante ; qu'ainsi le titulaire sortant d'un marché public de déchets qui est tenu d'une obligation de loyauté vis-à-vis du pouvoir adjudicateur et des autres candidats ne peut pas fournir au pouvoir adjudicateur et à ses concurrents des informations tardives, incomplètes et inexactes quand la communication de ces informations est essentielle pour rétablir l'équilibre entre tous les candidats et permettre à chacun de présenter une offre dans des conditions d'une égale concurrence ; qu'en affirmant que les titulaires des marchés sortants n'étaient pas tenus de donner spontanément au pouvoir adjudicateur une information qui ne leur était pas demandée « quand bien même auraient-ils été les seuls à (la) détenir en vertu de leur pouvoir de direction », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
4°) ALORS QU'en affirmant, pour exclure toute réticence fautive des titulaires sortants pendant la procédure d'appel d'offres, que leur politique sociale était prévisible pour leurs concurrents, après avoir admis qu'ils pouvaient être les seuls à détenir les informations en cause en vertu de leur pouvoir de direction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
5°) ALORS QUE les informations relatives à l'obligation de reprise du personnel doivent être communiquées à tous les candidats au renouvellement du marché sans qu'il puisse leur être reproché de ne pas avoir posé au pouvoir adjudicateur de questions concernant la reprise des personnels ; qu'en se bornant à affirmer, pour exclure toute réticence fautive des titulaires sortants pendant la procédure d'appel d'offres, que les candidats à l'attribution du marché de renouvellement pouvaient demander des précisions au pouvoir adjudicateur, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier le silence des titulaires sortants des marchés, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés Veolia Propreté et Otus de toutes leurs demandes,
AUX MOTIFS QUE (?) la seconde faute alléguée consiste, pour les titulaires sortants, à avoir abusé de leur pouvoir de direction en ayant consenti une augmentation du coût du personnel à reprendre, à l'occasion de la NAO 2014, entre le moment où elles ont perdu les marchés et celui où les nouveaux marchés ont pris effet, modification dont les effets ont été opportunément différés jusque peu avant la date à laquelle les titulaires sortants ont été dégagés de l'obligation de la payer ; que toutefois, la Cour retiendra que nulle faute ni aucun acte déloyal de concurrence, ni aucun abus du droit n'est caractérisé en l'espèce ; qu'à cet égard, c'est vainement que les sociétés Veolia Propreté et Otus critiquent : - s'agissant de la société Polysotis (11ème arrondissement), la revalorisation du salaire de base en fonction de l'IDA pour 27 salariés, l'intégration dans les salaires de base de "l'indemnité différentielle Veolia" concernant 80 salariés, l'intégration dans les salaires de base de la "Prime de benne/prime harmonisation 11ème", l'intégration dans les salaires de base de la "Prime RDP" ; - s'agissant de la société Polytiane (19ème arrondissement), la revalorisation du salaire de base en fonction de l'IDA, l'intégration dans les salaires de base de la "Prime OM/RDP collecte mixte" (concernant des salariés du 18ème arrondissement dont le marché a été renouvelé au profit d'un tiers), l'intégration dans les salaires de base de la "compensation indemnitaire mensuelle (CIM)" et l'intégration dans les salaires de base du "complément annuel brut (CAB)" ; qu'en effet, aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du CCAP applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux dans le cadre de la négociation collective ; qu'en outre, ceux-ci, bien qu'ayant dépassé les préconisations du syndicat professionnel, n'ont pas constitué un acte déloyal des titulaires sortants envers leurs concurrents Veolia Propreté et Otus, puisque ces actes n'ont pas été spécifiquement dirigés contre eux ; que c'est ainsi, d'une part, qu'il est établi que pour la société Polytiane, les augmentations de salaires consenties dans l'accord collectif du 16 janvier 2014 ont concerné tous les salariés de celle-ci, sans avoir été réservés aux seuls salariés du 19ème arrondissement transférés aux sociétés Veolia Propreté et Otus ; que même si, à l'issue de l'ensemble du renouvellement des marchés pour tous les arrondissements et au total, la société Polytiane a été conduite à transférer tous ses salariés à des concurrents, il n'est pas démontré que la société Polytiane a été instrumentalisée par les autres sociétés appelantes pour se prêter à une manoeuvre déloyale envers les sociétés Veolia Propreté et Otus ; que d'autre part, il est également prouvé que, pour la société Polysotis, les augmentations de salaires consenties dans l'accord collectif du 16 janvier 2014 n'ont pas concerné uniquement ceux des salariés qui étaient affectés au 11ème arrondissement et qui ont été transférés aux sociétés Veolia Propreté et Otus ; que ces dernières sociétés reconnaissent d'ailleurs que l'augmentation des salaires en fonction de l'IDA a concerné d'autres salariés ; qu'aucun abus ne résulte du fait que certains des avantages aient été propres aux salariés du 11ème arrondissement ; que les prétendues incohérences de la politique d'harmonisation entreprise par les titulaires sortants, à les supposer établies, ne sont pas de nature à caractériser un abus du droit de négociation collective au préjudice de concurrents de l'employeur pour le seul fait que, à cause des transferts de salariés, seuls les nouveaux titulaires des marchés sont conduits à les payer ; que les sociétés Veolia Propreté et Otus échouent à démontrer qu'a procédé d'une faute, d'un abus de droit ou d'un acte de concurrence déloyal le fait d'avoir consenti que certaines primes et indemnités soient intégrées dans les salaires de base à effet du mois d'avril 2014 ou de mai 2014, alors que, sans cela, ces éléments de rémunération n'auraient pas dû être repris par le nouveau titulaire à compter du 22 juin 2014 ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera réformé et les sociétés Veolia Propreté et Otus seront déboutées de leurs demandes ;
1°) ALORS QUE l'introduction par le titulaire sortant, dans la perspective d'un renouvellement de son marché public, d'un avenant aux contrats de travail de ses salariés impliquant des augmentations de salaires ou de primes ayant vocation à s'appliquer aux seuls salariés risquant d'être transférés à un nouvel employeur en cas de perte de ce marché est, par elle-même, fautive dans la mesure où elle augmente artificiellement les coûts de celui-ci ; qu'a fortiori la modification par le titulaire sortant du salaire de base des employés à reprendre après la perte d'un marché public est donc, en elle-même fautive même en l'absence de toute interdiction expresse ; qu'en affirmant au contraire, pour considérer que les titulaires sortants des marchés n'avaient commis aucune faute en consentant une augmentation du coût du personnel à reprendre, à l'occasion de la NAO 2014, entre le moment où ils avaient perdu les marchés et celui où les nouveaux marchés avaient pris effet, modification dont les effets avaient été opportunément différés jusque peu avant la date à laquelle les titulaires sortants avaient été dégagés de l'obligation de la payer, qu'aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du CCAP applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux dans le cadre de la négociation collective, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
2°) ALORS QUE commet un abus de droit celui qui utilise une prérogative dont il dispose, soit en la détournant de sa finalité, soit en agissant par légèreté blâmable ou dans le but de nuire à autrui : qu'ainsi l'existence d'un abus de droit n'est pas subordonnée à la violation d'une prohibition légale, réglementaire, ou conventionnelle mais seulement à l'usage abusif d'un droit en principe légitime par son détenteur ; qu'en affirmant au contraire, pour considérer que les titulaires sortants des marchés n'avaient pas abusé de leur droit de négociation collective, qu'aucune disposition légale, réglementaire, conventionnelle ou issue du CCAP applicable n'interdisait de consentir les avantages litigieux dans le cadre de la négociation collective, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à exclure tout usage abusif du droit de négociation, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
3°) ALORS QU'en considérant que les titulaires sortants des marchés n'avaient pas abusé de leur droit de négociation collective, tout en constatant que les avantages salariaux consentis dépassaient les préconisations du syndicat professionnel, ce dont il résultait que ces derniers n'étaient pas obligatoires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;
4°) ALORS QUE constitue un acte de concurrence déloyale, toute pratique déloyale contraire aux usages du commerce ; que tout comportement déloyal commis par le titulaire sortant d'un marché envers ses concurrents à un appel d'offres est fautif sans qu'il soit nécessaire que celui-ci ait été dirigé contre les seuls demandeurs à l'action: qu'en décidant le contraire, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;
5°) ALORS QUE constitue un acte de concurrence déloyale, toute pratique déloyale contraire aux usages du commerce ; que tout comportement déloyal commis par le titulaire sortant d'un marché envers ses concurrents à un appel d'offres est fautif sans qu'il soit nécessaire de démontrer une instrumentalisation quelconque : qu'en décidant le contraire, la cour d'appel qui a, de nouveau, ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé, de plus fort, l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code ;
6°) ALORS QU'en considérant, pour dire que le fait d'avoir consenti à ce que certaines primes et indemnités soient intégrées dans les salaires de base à effet du mois d'avril 2014 ou de mai 2014 ne constituait pas un acte de concurrence déloyale, que les augmentations de salaires consenties dans l'accord collectif du 16 janvier 2014 par la société Polytiane avaient concerné tous les salariés de celle-ci, sans avoir été réservées aux seuls salariés du 19ème arrondissement transférés aux sociétés Veolia Propreté et Otus, tout en admettant qu'à l'issue de l'ensemble du renouvellement des marchés pour tous les arrondissements et au total, la société Polytiane avait été conduite à transférer tous ses salariés à des concurrents, ce dont il résultait qu'elle n'ignorait pas lors de la négociation collective, en janvier 2014, que la charge des avantages consentis serait nécessairement supportée uniquement par ses concurrents et notamment par les sociétés Veolia Propreté et Otus, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du même code.