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14/12/2022 | FRANCE | N°21-23286

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-23286


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1338 F-D

Pourvoi n° V 21-23.286

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

La société Corse mati

n publicité, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-23.286 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2021 par ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1338 F-D

Pourvoi n° V 21-23.286

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

La société Corse matin publicité, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-23.286 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2021 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [G] [B], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi d'Ajaccio, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Corse matin publicité, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [B], après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 7 juillet 2021), Mme [B] a été engagée par la société Eurosud publicité à compter du 3 décembre 2003 en qualité d'assistante pilote. Son contrat de travail a été transféré à la S.N.C. Corse matin publicité à effet du 1er février 2015. La salariée occupait en dernier lieu les fonctions de chef de publicité senior.

2. A l'issue de deux examens en date des 1er et 16 décembre 2016, la salariée a été déclarée « inapte à tous les postes » par le médecin du travail.

3. Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 6 février 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer des sommes à ce titre, alors « que l'article L. 1226-2 du code du travail relatif à l'obligation de consulter les délégués du personnel sur la proposition de reclassement en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle constatée par le médecin du travail, issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et entré en vigueur le 1er janvier 2017, n'est pas applicable lorsque l'inaptitude a été constatée au terme du second avis médical antérieurement à cette date ; qu'en jugeant que l'avis médical du 16 décembre 2016 ne permet pas d'écarter l'application au litige de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa version issue de la loi précitée au motif que le contrat de travail était en cours à la date du 1er janvier 2017 quand cet avis détermine le point de départ de l'obligation de reclassement de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 1226-2 du code du travail issu de la nouvelle loi par fausse application et l'article L. 1226 -2 du code du travail dans sa version antérieure par défaut d'application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4624-4 et L. 1226-2 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Aux termes du premier de ces textes, après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail, qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste, déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur.

6. Selon le second, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

7. L'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail.

8. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt relève que l'employeur a effectué ses recherches de reclassement concernant Mme [B] en partie sur le mois de janvier 2017 et que la convocation de la salariée à l'entretien préalable au licenciement a été adressée le 17 janvier 2017, pour un entretien survenu le 30 janvier 2017, avant licenciement par lettre du 6 février 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

9. Il retient ensuite que le fait que l'avis d'inaptitude soit daté du 16 décembre 2016 ne permet pas d'écarter, sur la période courant à compter du 1er janvier 2017, l'application au litige de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur à dater du 1er janvier 2017 et applicable aux contrats en cours, et que l'employeur ne justifie pas avoir recueilli l'avis des délégués du personnel.

10. En statuant ainsi, alors que la salariée avait été déclarée inapte le 16 décembre 2016 et que l'inaptitude n'avait pas été constatée en application de l'article L. 4624-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur postérieurement à l'avis d'inaptitude, ce dont il se déduisait que les dispositions antérieures s'appliquaient, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne la S.N.C. Corse matin publicité à verser à Mme [B] les sommes de 17 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et ordonne, par application de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage éventuellement versées par le Pôle emploi à Mme [B] dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 7 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne Mme [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Corse matin publicité

La société Corse Matin Publicité fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [B] et de l'avoir condamnée à payer à la salariée des sommes à ce titre ;

1°- ALORS QUE l'article L. 1226-2 du code du travail relatif à l'obligation de consulter les délégués du personnel sur la proposition de reclassement en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle constatée par le médecin du travail, issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et entré en vigueur le 1er janvier 2017, n'est pas applicable lorsque l'inaptitude a été constatée au terme du second avis médical antérieurement à cette date ; qu'en jugeant que l'avis médical du 16 décembre 2016 ne permet pas d'écarter l'application au litige de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa version issue de la loi précitée au motif que le contrat de travail était en cours à la date du 1er janvier 2017 quand cet avis détermine le point de départ de l'obligation de reclassement de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 1226-2 du code du travail issu de la nouvelle loi par fausse application et l'article L. 1226 -2 du code du travail dans sa version antérieure par défaut d'application ;

2°- ALORS QU'en tout état de cause, à supposer applicable les articles L. 1226-2 et L. L. 1226-2-1 du code civil en leur version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur est exonéré de toute obligation de reclassement et n'est donc pas tenu de consulter les délégués du personnel lorsque le médecin du travail a indiqué explicitement que « l'état du santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » ; que la société Corse Matin Publicité a fait valoir qu'elle ne pouvait proposer aucun emploi à Mme [B] puisque par courrier du11 janvier 2017, le médecin du travail avait déclaré que « l'état de santé de cette salariée est incompatible avec un quelconque reclassement que ce soit par mutation, transformation ou aménagement » ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas justifier avoir recueilli l'avis des délégués du personnel au motif inopérant que l'employeur n'est pas dispensé de le faire en l'absence de proposition de reclassement, sans s'expliquer sur l'avis médical du 11 janvier 2017, antérieur à la convocation à un entretien préalable de licenciement du 17 janvier suivant, dont il résultait que la société Corse Matin Publicité n'avait pas failli à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-23286
Date de la décision : 14/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 07 juillet 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2022, pourvoi n°21-23286


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.23286
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