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14/12/2022 | FRANCE | N°21-20403

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 décembre 2022, 21-20403


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 870 F-D

Pourvoi n° M 21-20.403

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

1°/ M. [K] [H],

2°/ Mme [R] [V], épo

use [H],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° M 21-20.403 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 870 F-D

Pourvoi n° M 21-20.403

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

1°/ M. [K] [H],

2°/ Mme [R] [V], épouse [H],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° M 21-20.403 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [F] [W], veuve [M], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à la société Jaconelli immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Immobilière du théâtre,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [H], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [M], après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [H] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Jaconelli immobilier.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2021), le 12 octobre 2016, Mme [W] veuve [M] a donné à un agent immobilier mandat de vendre en viager occupé sa maison, moyennant le versement immédiat d'une somme de 350 000 euros et une rente mensuelle viagère de 764,03 euros, la taxe foncière étant à la charge de l'acquéreur.

3. M. et Mme [H] ont proposé à plusieurs reprises d'acquérir le bien à des conditions différentes.

4. Le 16 juin 2017, le notaire de Mme [M] les a informés que celle-ci ne souhaitait plus vendre.

5. Se prévalant d'un accord donné le 27 mai 2017 par Mme [M], M. et Mme [H] l'ont assignée afin de voir déclarer parfaite la vente de l'immeuble moyennant le versement immédiat d'une somme de 350 000 euros, d'une rente mensuelle viagère de 550 euros pour un bien occupé, majorée de 210 euros par mois en cas de libération du bien, la taxe foncière étant à la charge du vendeur.

6. Mme [M] a formé reconventionnellement une demande de dommages-intérêts. Examen des moyens

Sur le premier et le troisième moyens, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. M. et Mme [H] font grief à l'arrêt de les condamner à payer des dommages-intérêts à Mme [M], alors « que le droit d'ester en justice est sanctionné par des dommages-intérêts en cas de faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Mme [M] avait subi un préjudice moral par les affres et aléas de la procédure judiciaire ; qu'en prononçant une condamnation des époux [H] sans avoir caractérisé une faute de leur part de nature à faire dégénérer en abus l'exercice de leur droit d'ester en justice, la cour d'appel a violé l'article 1241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

9. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

10. Pour condamner M. et Mme [H] au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que Mme [M], âgée de 89 ans, a subi un préjudice moral par les affres et aléas de la procédure judiciaire.

11. En statuant ainsi, sans caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit de M. et Mme [H] d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. et Mme [H] à payer à Mme [W] veuve [M] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 21 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [H]

Premier moyen de cassation

Les époux [H] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la vente du bien immobilier situé [Adresse 3], aux conditions de l'acte du 27 mai 2017 n'était pas parfaite ;

1/ Alors que celui qui invoque l'existence d'une vente parfaite doit rapporter la preuve d'un accord de volonté sur la chose et sur le prix ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que les époux [H] ne rapportaient pas la preuve que leur offre d'achat du bien immobilier de Madame [M], par acte du 24 mai 2017, avait été transmise à celle-ci ou à son agent immobilier ; qu'en statuant ainsi, en méconnaissance de la règle selon laquelle les époux [H] devaient prouver que leur offre du 24 mai 2017 avait été acceptée le 27 mai suivant, et non qu'elle avait été régulièrement reçue par son destinataire, la cour d'appel a violé les articles 1113, 1121, 1583 et 1353 du Code civil ;

2/ Alors que le mandataire représente son mandant auprès des tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Madame [M] avait donné mandat à un agent immobilier de vendre le bien litigieux, mais elle a confirmé les motifs du jugement relevant que l'offre des époux [H] du 24 mai 2017 ayant été adressée à l'agent immobilier, et non à Madame [M], celle-ci n'avait pu accepter le 27 mai 2017 une offre dont elle prétendait n'avoir pas eu connaissance, et que lesdits époux n'avaient pas donné mandat à cet agent pour accepter en leur nom une offre d'achat ;
qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'agent immobilier n'avait pas reçu cette offre des époux [H] en qualité de mandataire de Madame [M], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984, 1985 et 1998 du Code civil ;

3/ Alors que par acte du 27 mai 2017, qu'elle a signé, intitulé « ACCORD POUR VENTE », Madame [M] a donné son accord « sans réserve » pour vendre aux époux [H] son bien immobilier en viager, au prix de 350.000 euros, outre une rente mensuelle de 550 euros majorée de 210 euros en cas de libération de celui-ci, la taxe foncière étant à la charge du vendeur ; que les époux [H] lui avaient adressé une offre d'acquisition à ces mêmes conditions, par acte du 24 mai 2017 ; que pour estimer que l'acte du 27 mai 2017 ne manifestait pas la volonté de Madame [M] d'être liée par l'acceptation même implicite d'une proposition antérieure des époux [H], la cour a retenu qu'il n'était pas contesté qu'il avait été rédigé par l'agent immobilier qui l'avait fait signer à Madame [M] ; qu'en refusant de juger que l'acte du 27 mai 2017, qui caractérisait un accord sur la chose sur le prix, rendait la vente parfaite, la cour d'appel l'a dénaturé et a violé l'article 1103 du Code civil ;

4/ Alors que la formation du contrat est subordonnée à la connaissance par le pollicitant de l'acceptation de l'offre ; qu'il en résulte qu'une convention devient parfaite par la réception par le pollicitant de l'acceptation de l'autre partie, et non par l'émission par celui-là d'une nouvelle acceptation ; qu'en l'espèce, bien que les époux [H] aient formulé une offre d'acquérir le bien immobilier de Madame [M] et que celle-ci ait consenti à la vente par acte du 27 mai 2017, la cour d'appel a estimé que cet acte ne manifestait pas sa volonté d'être liée par une acceptation ultérieure desdits époux ; qu'en exigeant ainsi l'acceptation du pollicitant qui avait déjà reçu celle de Madame [M] à la suite de l'offre qu'il lui avait faite, ce dont il résultait que le contrat était formé, la cour d'appel a violé les articles 1113 et 1121 du Code civil ;

5/ Alors que le juge ne peut relever un moyen d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur son bien-fondé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'acte du 27 mai 2017 avait pu être rétracté dans un délai raisonnable par Madame [M], le 16 juin 2017 ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la rétractation dans un délai raisonnable de cet acte, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

6/ Alors que si l'offre de vente d'un bien immobilier peut être rétractée dans un délai raisonnable, à défaut de délai fixé par son auteur, tel n'est pas le cas de l'acceptation pure et simple d'une proposition par le vendeur aux conditions offertes par ce dernier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a décidé que l'acte du 27 mai 2017 avait pu être rétracté dans un délai raisonnable par Madame [M], le 16 juin 2017 ; qu'en estimant valable la rétractation de cet acte qui ne constituait pourtant pas une simple offre mais une acceptation par le vendeur de l'offre des acheteurs, laquelle ne pouvait être rétractée, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1113 du Code civil ;

7/ Alors que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'acte du 27 mai 2017 ne constituait qu'une étape dans la négociation, les parties ayant entendu exprimer leur accord de manière synallagmatique par un avant contrat, ainsi que cela résultait d'une mise en demeure d'avoir à comparaître en l'étude du notaire pour signer la promesse de vente ; qu'en s'abstenant de caractériser l'intention des parties de retarder jusqu'à sa réitération par acte authentique, la vente qui résultait de la rencontre de leur volonté et de leur accord sur la chose et sur le prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1113 et 1583 du Code civil.

Deuxième moyen de cassation

Les époux [H] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à Mme [M] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Alors que le droit d'ester en justice est sanctionné par des dommages-intérêts en cas de faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que Madame [M] avait subi un préjudice moral par les affres et aléas de la procédure judiciaire ; qu'en prononçant une condamnation des époux [H] sans avoir caractérisé une faute de leur part de nature à faire dégénérer en abus l'exercice de leur droit d'ester en justice, la cour d'appel a violé l'article du 1241 du Code civil.

Troisième moyen de cassation

Les époux [H] font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts et d'avoir rejeté leurs demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, conformément à l'article 624 du Code de procédure civile ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera l'annulation des chefs de dispositif de l'arrêt attaqué ayant condamné les époux [H] à des dommages-intérêts et les ayant déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-20403
Date de la décision : 14/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 déc. 2022, pourvoi n°21-20403


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.20403
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