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14/12/2022 | FRANCE | N°21-16074

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 21-16074


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1336 F-D

Pourvoi n° F 21-16.074

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

M. [G] [W], domicilié

[Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-16.074 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1336 F-D

Pourvoi n° F 21-16.074

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

M. [G] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-16.074 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Hewlett-Packard France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hewlett-Packard France, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance du pourvoi soulevée en défense

Vu les articles 978, 982, 114 et 117 du code de procédure civile :

1. Il résulte du premier de ces textes que le demandeur en cassation doit, à peine de déchéance, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée, que ce mémoire doit être notifié dans le même délai et sous la même sanction aux avocats des autres parties et que si le défendeur n'a pas constitué avocat, le mémoire doit, sous la même sanction, lui être signifié au plus tard dans le mois suivant l'expiration de ce délai.

2. Selon le deuxième de ces textes, le défendeur au pourvoi dispose, à peine d'irrecevabilité prononcé d'office, d'un délai de deux mois à compter de la signification du mémoire du demandeur pour remettre à la Cour de cassation un mémoire en réponse signé d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et le notifier à l'avocat du demandeur dans la forme des notifications entre avocats.

3. Il résulte des deux derniers de ces textes que seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile.

4. M. [W] a formé, le 4 mai 2021, un pourvoi contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris et a déposé, le 6 septembre 2021, au greffe de la Cour de cassation un mémoire ampliatif, qu'il a fait signifier par acte d'huissier à la société Hewlett-Packard France le 21 septembre 2021.

5. La société Hewlett-Packard France soutient ne pas avoir reçu signification de ce mémoire, l'acte de signification ayant été délivré à la chargée de courrier d'une société homonyme ayant un autre siège social et un autre numéro de RCS, qui l'a accepté.

6. Toutefois, la société Hewlett-Packard France, qui a déposé le 18 novembre 2021, dans le délai prévu par l'article 982 du code précité, un mémoire en réponse, n'invoque aucun grief résultant de l'irrégularité alléguée.

7. Il en résulte que la déchéance n'est pas encourue.

Faits et procédure

8. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2020), M. [W] a été engagé le 16 novembre 2011 par la société Haruba, aux droits de laquelle vient la société Hewlett-Packard, en qualité de Chanel account manager. Il exerçait en dernier lieu les fonctions d'ingénieur d'affaires senior.

9. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire au titre d'heures supplémentaires non rémunérées le 12 mai 2016 puis a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 juin 2016.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'employeur une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, alors « que, lorsque le salarié propose à son employeur d'effectuer son préavis et que celui-ci refuse, ce dernier ne peut prétendre à une indemnité compensatrice au titre du préavis non effectué, même lorsqu'il est constaté que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission ; qu'en retenant, pour condamner le salarié à payer à la société la somme de 37 895,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, qu'en raison de la démission du salarié, la société était bien fondée à solliciter la condamnation du salarié au paiement de la somme de 37 895,70 euros, sans répondre aux écritures du salarié, qui soutenait précisément qu'en raison du refus par l'employeur d'accepter sa proposition d'effectuer le préavis, sa demande d'indemnité de préavis était mal fondée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

13. Pour condamner le salarié à payer à l'employeur une somme au titre du préavis non effectué, la cour d'appel retient qu'en raison de la démission du salarié, l'employeur est bien fondé à solliciter la condamnation de M. [W] au titre du préavis non exécuté.

14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait avoir proposé à son employeur d'effectuer son préavis, ce que l'employeur avait expressément et catégoriquement refusé par courrier en réponse, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [W] à payer à la société Hewlett-Packard France la somme de 37 895,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 16 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Hewlett-Packard France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hewlett-Packard France et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [W]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail devait s'analyser en une démission et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses demandes indemnitaires au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, de l'indemnité de préavis et de congés payés afférents, et des indemnités conventionnelles de licenciement ;

1) ALORS d'abord QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que le non-paiement d'heures supplémentaires de manière récurrente sur une période de plus de trois ans, même en l'absence de réclamation du salarié avant sa lettre de rupture, caractérise un manquement d'une gravité telle qu'il rendait impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié, la cour d'appel a considéré que, quand bien même le manquement de l'employeur était établi – en l'occurrence une défaillance dans le paiement des heures supplémentaires sur une durée de trois ans – celui-ci n'était pas suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans tirer les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé les articles 1103 du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2) ALORS ensuite QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en retenant pour débouter le salarié, que s'il y avait bien eu une défaillance dans le paiement des heures supplémentaires, en raison de son expérience de sa qualité de délégué du personnel depuis 2014, le salarié ne pouvait ignorer le régime relatif au temps de travail auquel il était rattaché et qu'il avait a toujours agi comme s'il avait disposé d'une convention de forfait en jours, quand ni l'employeur ni le salarié n'ont jamais soutenu que les qualités et fonctions du salarié empêchaient de considérer que la faute commise et établie de l'employeur avait rendu impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige en violation des dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

3) ALORS enfin QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré du fait que les qualités et fonctions du salarié empêchaient de considérer que la faute commise et établie de l'employeur avait rendu impossible la poursuite du contrat de travail, quand ni l'employeur ni le salarié n'ont jamais discuté ni tiré aucune conséquence légale de ce moyen à propos de la prise d'acte, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office, sans avoir préalablement recueilli les observations des parties à cet égard, a violé l'article 16 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes indemnitaires au titre du travail dissimulé ;

ALORS QUE pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires au titre du travail dissimulé, la cour d'appel a affirmé que pour les mêmes motifs que ceux déjà retenus pour la prise d'acte, aucun élément ne permettait d'établir qu'il y avait eu une intention frauduleuse de la part de l'employeur dans les déclarations salariales ; que le deuxième moyen a permis de démontrer que l'employeur avait manifestement violé ses obligations en refusant de payer, de manière récurrente, les heures supplémentaires, cela en toute connaissance de cause ; que la cassation à intervenir sur le fondement du deuxième moyen entrainera, par voie de conséquence et par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure des chefs de l'arrêt ayant débouté le salarié de ses demandes au titre du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article 14 de son contrat de travail ;

ALORS QUE constitue une clause de non-concurrence la clause qui consiste en une interdiction générale d'entrer en contact directement ou indirectement avec tous les clients d'une société ou d'exploiter d'une quelconque façon la clientèle de cette société ; qu'en retenant, pour affirmer comme régulière la clause considérée, qu'il résultait des éléments versés au débat que le salarié avait pu retrouver un emploi très rapidement après son départ de la société, qu'il n'avait pas été empêché de retrouver une activité conforme à sa formation et à son niveau de compétences, que la clause était justifiée par l'intérêt de l'entreprise de préserver sa clientèle, qu'elle apparaissait non pas comme une clause de non concurrence mais comme une clause non sollicitation et de non débauchage, et que dès lors les éléments du dossier ne permettaient pas de considérer qu'elle ait généré une entrave à la liberté du travail, la cour d'appel a statué par des motifs radicalement impropres à justifier que la clause ne portait pas une atteinte à la liberté fondamentale du salarié d'exercer une activité professionnelle, violant en conséquence la dite liberté, ensemble de l'article L. 1221-1 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamné à payer à la société la somme de 37 895,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

1) ALORS d'abord QUE pour condamner le salarié à payer à la société la somme de 37 895,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a retenu qu'en raison de la démission du salarié, la société était bien fondée à solliciter la condamnation du salarié au paiement de la somme de 37 895,70 euros ; que la cassation à intervenir sur le fondement du deuxième moyen, ayant dit que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en une démission, entrainera, par voie de conséquence et par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure des chefs de l'arrêt ayant condamné le salarié à payer à la société la somme de 37 895,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

2) ALORS en tout état de cause QUE, lorsque le salarié propose à son employeur d'effectuer son préavis et que celui-ci refuse, ce dernier ne peut prétendre à une indemnité compensatrice au titre du préavis non effectué, même lorsqu'il est constaté que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission ; qu'en retenant, pour condamner le salarié à payer à la société la somme de 37 895,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, qu'en raison de la démission du salarié, la société était bien fondée à solliciter la condamnation du salarié au paiement de la somme de 37 895,70 euros, sans répondre aux écritures du salarié, qui soutenait précisément qu'en raison du refus par l'employeur d'accepter sa proposition d'effectuer le préavis, sa demande d'indemnité de préavis était mal fondée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3) QU'au surplus, en statuant comme elle l'a fait, alors que lorsque le salarié propose à son employeur d'effectuer son préavis et que celui-ci refuse, ce dernier ne peut prétendre à une indemnité compensatrice au titre du préavis non effectué, même en cas de prise d'acte produisant les effets d'une démission, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-16074
Date de la décision : 14/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2022, pourvoi n°21-16074


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.16074
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