LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 décembre 2022
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 764 F-D
Pourvoi n° K 21-14.146
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
La société Team services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-14.146 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Quadient finance France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Mail finance, défenderesse à la cassation.
La société Quadient finance France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Team services, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Quadient finance France, anciennement dénommée Mail finance, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 janvier 2021), le 5 octobre 2016, la société Team services a souscrit auprès de la société Mail finance, désormais dénommée Quadient finance France, un contrat de location financière portant sur du matériel de distribution et d'affranchissement de courrier fourni par la société Neopost.
2. Soutenant que la société Team services n'avait pas payé des loyers, la société Mail finance a résilié le contrat et assigné en paiement des sommes dues et en restitution du matériel la société Team services, laquelle lui a opposé la nullité de contrat de location pour violence.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Team services fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Mail finance les sommes de 3 288,78 euros, avec intérêts de retard mensuel au taux de 1,5 % à compter du mois de février 2017 jusqu'à parfait paiement, 49 457,25 euros d'indemnité de résiliation et 328,87 euros à titre de clause pénale, alors « que le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour refuser de statuer sur la nullité du contrat pour violence invoquée par la société Team services, l'arrêt énonce que les allégations de la société Team services font intervenir le fournisseur Neopost, qui n'est pas dans la cause ; qu'en se fondant sur le moyen relevé d'office selon lequel l'absence de la société Neopost dans la cause l'empêchait de statuer sur la nullité du contrat, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
5. Pour rejeter l'exception de nullité du contrat du 5 octobre 2016 et condamner la société Team services à payer les sommes dues en exécution de ce contrat, l'arrêt retient que, s'agissant de la violence exercée sur la société Team services, les allégations de cette société font intervenir un tiers, le fournisseur Neopost, qui n'est pas dans la cause, de sorte que la cour ne peut statuer sur ce point.
6. En statuant ainsi, sans avoir au préalable provoqué les explications des parties sur l'incidence de l'absence en la cause de la société Neopost, qui n'avait pas été invoquée par les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. La société Quadient finance France fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution du matériel, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de restitution du matériel loué, qu'il n'était pas possible d'identifier ce matériel, après avoir pourtant constaté que le contrat de location produit par la société Team services désignait le matériel pris en location, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.
9. Après avoir relevé que le contrat de location produit par la société Team services désignait le matériel pris en location, l'arrêt retient que le jugement doit être confirmé en ce qu'il rejette la demande de restitution, faute de pouvoir identifier le matériel.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Quadient finance France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Quadient finance France et la condamne à payer à la société Team services la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Team services.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Team Services à payer à la société Mail Finance les sommes de 3 288,78 euros, avec intérêts de retard mensuel au taux de 1,5% à compter du mois de février 2017 jusqu'à parfait paiement, 49 457,25 euros d'indemnité de résiliation et 328,87 euros à titre de clause pénale ;
1°) ALORS QUE le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; e pour refuser de statuer sur la nullité du contrat pour violence invoquée par la société Team Service, l'arrêt énonce que les allégations de la société Team Services font intervenir le fournisseur Neopost, qui n'est pas dans la cause ; qu'en se fondant sur le moyen relevé d'office le moyen selon lequel l'absence de la société Neopost dans la cause l'empêchait de statuer sur la nullité du contrat, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité, encore qu'elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite ; que l'invocation de la nullité d'un contrat pour violence dont un tiers est l'auteur n'est pas subordonnée à la mise en cause de ce tiers ; qu'en refusant de se prononcer sur l'annulation du contrat liant Team Services et Mail Finance, au motif que la société Neopost, tiers à l'origine de la violence, n'était pas dans la cause, la cour d'appel a violé les articles 1140 et 1142 du code civil, ensemble l'article 4 du même code ;
3°) ALORS QU'il y a violence, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ; qu'en se fondant, pour écarter la violence alléguée, sur les circonstances inopérantes que, dans le précédent contrat querellé, le bailleur financier n'était pas la société Mail Finance, et que dans le contrat conclu le 5 octobre 2016, la société Mail Finance n'intervenait que pour financer le bien choisi par le locataire, sans rechercher si le consentement de la société Team Service n'avait pas été contraint par violence, celle-ci étant constituée par la menace de la société Neopost de reprendre les logiciels nécessaires à son activité s'il ne signait pas le contrat de location litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1140 et 1142 du code civil ;
4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la société Team Service avait produit pour la première fois en appel deux attestations pour justifier qu'elle avait subi des menaces constitutives de violence ; qu'à supposer que l'arrêt ait adopté le motif du jugement selon lequel la Team Services ne rapporte pas la preuve des menaces qu'elle prétendait avoir subi, la cour d'appel, qui n'a pas examiné les éléments de preuve produits en appel par la société Team Services, a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Quadient finance France, anciennement dénommée Mail finance.
La société Quadient Finance France, anciennement dénommée Mail Finance, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de restitution du matériel,
Alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de restitution du matériel loué, qu'il n'était pas possible d'identifier ce matériel (arrêt, p. 6, § 7), après avoir pourtant constaté que le contrat de location produit par la société Team Services désignait le matériel pris en location (arrêt, p. 6, § 6), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.